▪ Pourquoi les investisseurs fuient-ils les actions et les obligations grecques plus vite qu’une femme de ménage la chambre d’un directeur du FMI ?
Au terme de recherches approfondies, notre conclusion est que les investisseurs préfèrent les titres d’entités solvables plutôt que les titres d’entités insolvables. Mais les investisseurs ne peuvent pas toujours établir correctement la différence entre solvable et insolvable.
Au début d’une crise, l’espoir a tendance à prendre le pas sur la peur. Les investisseurs sont enclins à sous-estimer le danger qui menace et à surestimer l’efficacité de remèdes exogènes, comme une intervention du gouvernement. Ainsi, début 2007, le marché des subprime sur les emprunts immobiliers américains a commencé à s’effondrer. Vers le milieu de l’été, le S&P déclassait plus de 600 titres basés sur des emprunts immobiliers. Malgré cela, l’indice Dow Jones Industrial Average a touché un plus haut historique en octobre de cette année.
Trois mois plus tard, le leader des crédits hypothécaires, Countrywide Financial, s’effondre et est avalé par Bank of America. Deux mois après ce sérieux revers, la Fed permet (un peu trop) complaisamment à J.P. Morgan de racheter Bear Stearns, au bord de la faillite. Malgré ces signes croissants de péril, la plupart des investisseurs ont cru qu’une crise avait été évitée. Mais, naturellement, la crise ne faisait que commencer.
▪ Une chronologie semblable semble se dérouler au sein de l’Union européenne. Alors que la Grèce suivie du Portugal puis de l’Irlande sont au bord d’un défaut souverain, la Banque centrale européenne et le FMI sont précipitamment arrivés à la rescousse avec un attirail de mesurettes.
En mai de l’année dernière, la BCE et le FMI ont uni leurs forces pour envoyer 110 milliards d’euros aux Grecs désespérés. L’Irlande a reçu un chèque de 85 milliards d’euros en novembre dernier. Et la semaine dernière, l’Union européenne et le FMI se sont mis d’accord pour envoyer 78 milliards d’euros au Portugal.
Peut-être ces efforts de sauvetage réussiront-ils ; mais nous soupçonnons qu’ils ne feront que retarder l’inévitable. La Grèce finira par faire faillite. Ce n’est qu’aujourd’hui, finalement, que les investisseurs commencent à imaginer cette possibilité. Alors que le péril financier de la Grèce devient de plus en plus apparent, et ses solutions de moins en moins viables, les investisseurs fuient.
Les actions grecques viennent d’atteindre un nouveau plus bas depuis 14 ans ; les rendements des obligations grecques se maintiennent à un plus haut record. L’obligation grecque à 10 ans rapporte aujourd’hui plus de 15%. C’est là un beau rendement… si vous croyez que vous le recevrez vraiment un jour.
Les finances souveraines de la Grèce, en constante détérioration, sont emblématiques du business model en panne de l’Etat-Providence. L’année dernière, le gouvernement grec affichait un déficit représentant plus de 14% du PIB. Un déficit à deux chiffres semble à nouveau assuré cette année. Ces déficits feront passer la dette totale rapportée au PIB de la Grèce, d’environ 125% aujourd’hui, à des chiffres encore plus effrayants pour qui détient des obligations. Mais nous n’en sommes qu’au début de cette triste histoire.
60% des Grecs ne paient aucun impôt sur le revenu. Par conséquent, selon Eurostat, lorsqu’on ne compte pas les cotisations de Sécurité sociale, la Grèce possède le plus faible ratio recettes fiscales rapportées au PIB de la Zone euro, à 20,4%. En outre, Eurostat observe que « les recettes de l’impôt sur le revenu… ne représentent que 4,7% du PIB, chiffre à comparer avec la moyenne [européenne] de 8,1% du PIB ». Autrement dit, l’impôt sur le revenu ne contribue qu’à 14,4% de la totalité des recettes fiscales de la Grèce, comparé à 43,2% de la totalité des recettes fiscales des Etats-Unis.
Résultat : même si la Grèce parvient à tripler ses recettes de l’impôt sur le revenu, ses finances publiques seraient toujours dans le rouge. De même, doubler les impôts sur le revenu et les impôts sur les sociétés ne combleraientt pas le trou budgétaire. Il y a là quelque chose de vraiment brisé.
Oncle Sam, tu notes ?
Une importante insolvabilité souveraine, combinée à la puanteur de finances publiques en décomposition, peuvent ne pas être immédiatement un signe de baisse pour les marchés financiers ; mais nous doutons qu’elles soient un signe de hausse.