▪ Wall Street subit un second coup de boutoir consécutif à la baisse, beaucoup plus violent que celui observé la veille, puisque les indices américains ont perdu 1,6% à la mi-séance contre -0,8% 24 heures auparavant. Le rebond miracle de lundi en fin de séance aura été orchestré en pure perte, cela n’aura repoussé l’échéance de la correction que de quelques heures.
A quelques minutes de la clôture, le Dow Jones plongeait de 250 points (-1,9%, sous les 13 100 points), le S&P de 1,6% et le Nasdaq de 1%. Le seul espoir de sauver la situation pour le Composite consistait à ramener Apple à l’équilibre — mais le géant a au contraire plongé de 3,2%.
Le Nasdaq clôture donc sous le seuil psychologique des 3 000. Mais c’est une déconvenue secondaire car le véritable support technique, celui des 3 050, est trop nettement enfoncé pour espérer un sursaut qui assurerait la préservation de la tendance haussière moyen terme.
Les stratèges de Wall Street ont pourtant fait tout leur possible pour éviter que les trimestriels de la période juillet/août/septembre ne douchent les marchés. Les analystes ont comme d’habitude transmis aux médias des anticipations délibérément minorées par rapport à leurs attentes réelles. Les médias — trop heureux de relayer les efforts de la Fed pour soutenir les marchés — ne cessent de marteler que les actions ne sont pas chères et que les taux resteront obstinément proches du niveau zéro jusqu’à fin 2014.
▪ Le « plus de croissance » ne vient pas…
Mais voilà, les résultats s’avèrent pires que les objectifs « petit format » anticipés et les entreprises révisent à la baisse leurs perspectives de chiffre d’affaires et de marges pour 2013. Cela contredisant le discours bien rôdé selon lequel les Etats-Unis allaient amorcer de façon imminente leur virage vers plus de croissance, ce qui ne manquerait pas d’inspirer l’Europe (trop focalisées sur l’austérité) et de doper les BRICS.
Hélas, les derniers signaux économiques en provenance des émergents ne confortent pas l’hypothèse d’un découplage vis-à-vis des pays occidentaux. Ces derniers sont englués dans leur marasme et menaces d’exploser, sous la pression d’un surendettement qui ne perdure que grâce à la bienveillance (bien obligée) de leurs créanciers. Mais qu’un seul d’entre eux se défile et nous verrons se matérialiser un des aphorismes les plus pertinents du monde financier : »en matière d’investissement, il ne faut jamais paniquer… jamais ! Mais s’il faut prendre la fuite, alors soyez le premier ! ».
▪ Un système économique à plat
Quand le système économique (basé sur la dette) a été tellement abîmé qu’il ressemble à une chambre à air qui a reçu une volée de chevrotine, aucune des bombes anti-crevaison (quantitative easing) n’a plus la moindre efficacité. La mousse ressort par tous les orifices sans avoir le temps de vulcaniser ; elle demeure liquide au lieu de voir sa viscosité augmenter avec la pression… tout simplement parce qu’il n’y a plus de pression et pas moyen d’en recréer artificiellement !
Il faudrait que la population, les 98% qui ne sont pas millionnaires voient progresser leur pouvoir d’achat. Mais rien de tel ne se produit plus depuis le début des années 90. Les consommateurs ne sont pas dupes des fausses statistiques de l’inflation qu’on leur inflige — une véritable insulte à leur intelligence et un coup de poignard dans le dos de leur train de vie — et n’anticipent plus qu’austérité, hausses d’impôt et relèvement de la TVA.
Ceux qui le peuvent encore épargnent de façon compulsive — bien conscients que les régimes de retraite sont au bord de la faillite ou le seront tout prochainement — et ceux qui ne le peuvent pas sont acculés au surendettement. Ils viennent grossir l’encours des créances douteuses dont les économies occidentales sont gorgées depuis 2007. Mais il y a pire : ceux qui n’ont pas encore travaillé rentrent dans la vie active avec une dette moyenne de 27 000 $ aux Etats-Unis. Les plus persévérants — ou les plus doués pour les études — doivent souvent plus de 50 000 $ à leur banque.
Pour des diplômés de l’enseignement supérieur, les bons salaires qui permettent de rembourser tout en profitant de quelques opportunités d’investissement immobilier se font rares. Beaucoup commencent aujourd’hui par des petits boulots pas ou très peu rémunérés, qui ne couvrent même pas les mensualités de leurs prêts étudiants — ne parlons pas de la possibilité de se loger décemment.
Alors que la facture de ces prêts en défaut vient alourdir le déficit américain, la Fed laisse fuiter son intention d’amplifier ses rachats de MBS. Il ne fait guère de doute que cette initiative a pour but de fournir aux banques de nouvelles marges de manoeuvres pour absorber un surcroît d’émissions de bons du Trésor US.
▪ Dernier débat des candidats américains à la présidence
Nous n’attendions aucune allusion à la situation budgétaire des Etats-Unis mardi matin lors du troisième et dernier duel entre les deux candidats à la présidence. En effet, la thématique du jour, c’était la politique étrangère des Etats-Unis… aussi bien envers les alliés que des pays qui « posent problème ».
Mais nous avons guetté en vain durant 90 minutes quelque évocation de la situation économique en Europe, comme si elle indifférait totalement les dirigeants américains, démocrates comme républicains. Il a été en revanche question de la Chine, un bon partenaire qui veut la stabilité et la paix dans le monde — nous sommes rassurés, mais qu’en pensent les Japonais ?
Il fut question de la Syrie mais le rôle de la Russie a été passé sous silence (Vladimir Poutine a probablement lâché l’affaire, passons à autre chose)… et beaucoup question de l’Iran.
C’est le grand méchant de l’histoire et l’occasion pour les deux candidats de souligner à quel point ils sont attachés à la sécurité d’Israël… dont le nom a été cité 34 fois par les deux protagonistes.
Le mot « Europe », lui, n’a pas été cité une seule fois. Il semble qu’elle ait disparu du radar de la diplomatie américaine alors qu’elle collabore avec efficacité aux sanctions internationales votées contre l’Iran et s’implique réellement dans le dossier syrien.
▪ L’Europe bientôt rayée de la carte ?
L’Europe est peut-être déjà considérée comme anéantie par la crise économique qui la mine de l’intérieur. Une vision potentiellement partagée par une écrasante majorité d’Allemands.
D’après un sondage de l’institut Forsa pour le magazine Stern réalisé à la veille du week-end dernier, 96% des personnes interrogées estiment que l’Europe n’est pas tirée d’affaire et que les difficultés des PIIGS vont affecter la croissance germanique.
Seuls 3% des sondés estiment que les problèmes de la Zone euro sont en passe d’être résolus, comme l’affirment en coeur François Hollande et Mario Monti qui voient de la lumière au bout du tunnel. Mais peut être s’agit-il de celle de l’excavatrice qui s’enfonce toujours plus profond dans la montagne de dette qui recouvre le sud de l’Europe ?