Après avoir été la serve des marchés en raison de leur instabilité, la Fed va devenir esclave du budget et des déficits. Les USA rentrent en situation de domination du budgétaire sur le monétaire.
Le déficit fédéral américain pour le premier trimestre de la nouvelle année fiscale était de 573 Mds$, en hausse de 61% en glissement annuel.
Washington a emprunté 45 cents de chaque dollar dépensé au cours du trimestre.
Après l’adoption, le mois dernier, de la loi de relance de 900 Mds$, les estimations plaçaient le déficit de cette année au-dessus de 2 300 Mds$. L’administration Biden a publié jeudi dernier les détails de son programme de relance Covid-19 avec une enveloppe de 1 900 Mds$.
Goldman Sachs a depuis révisé son estimation de la taille éventuelle de ce stimulus à 1 100 Mds$. Goldman pense que des négociations difficiles sont en cours pour recueillir les votes républicains nécessaires au Sénat. Les démocrates pourraient pousser certaines de ces dépenses au travers du processus de « réconciliation » budgétaire, lequel ne nécessite qu’une majorité simple.
Le président élu a également annoncé qu’un deuxième paquet majeur portant sur les taxes et les infrastructures arriverait plus tard dans l’année.
Il semble probable que le déficit budgétaire US de cette année dépassera désormais même 3 100 Mds$ ce qui sera sans précédent.
Vive les taux bas
Les faibles taux d’intérêt, disent les inflationnistes de la monnaie, créent la possibilité d’assumer une dette plus importante.
Avec pareil argument, toutes les limites à l’endettement puis à la création de liquidités pour soutenir la valeur des dettes volent en éclats : on peut s’endetter à l’infini et pour l’éternité.
Pour qu’un système se détruise il faut et il suffit que des théories soient créées qui rationalisent les aberrations. Ces théories certes ne résistent pas à l’analyse ou à la critique historique, mais elles suffisent pour emporter l’adhésion.
Il est toujours facile d’obtenir un consensus pour la facilité, il est impossible d’en obtenir un pour la rigueur.
L’hyperinflation allemande des années 1920 a trouvé son origine dans le financement des déficits budgétaires de la Première guerre mondiale par la banque centrale, tout le monde feint de l’oublier.
Dans le cas présent, compte tenu de l’importance des marchés et de la mise en Bourse de dettes, le phénomène d’excès monétaire se manifestera autrement.
La mise sur le marché rend le crédit de l’Etat et des entreprises dépendant, en dernière analyse, des esprits animaux, c’est-à-dire des comportements moutonniers. Ceux-ci sont imprévisibles et récurrents à notre époque. L’instabilité est devenue structurelle.
L’hyperinflation viendra de là
On a vu ce qu’il en était en mars dernier, lorsque les marchés se sont effondrés : le crédit s’est volatilisé, les titres de dettes cotés n’ont plus trouvé preneur en Bourse et il a fallu que la Fed en soutienne les cours en achetant et surtout en promettant d’acheter toute quantité.
L’inflation a été monétaire ; elle s’est portée sur les actifs financiers, et c’est donc des actifs financiers que viendra la débandade, c’est-à-dire la révulsion du système. On est toujours puni par ou l’on pèche…
L’hyperinflation viendra de la nécessité absolue de créer de la monnaie de base pour soutenir les marchés face à des besoins sans fin. Elle ne viendra pas des prix des biens et des services.
A l’occasion d’un choc exogène ou d’une limite endogène, un fétu de paille viendra briser le dos du chameau de la confiance et ce sera la rupture. J’ai expliqué il y a quelques jours les effets de stocks, de rupture, les effets de non linéarité, de tout ou rien : il y a des gouttes d’eau qui font déborder les vases.
Le gouvernement fédéral américain est en train d’augmenter la dette de plus de 30% du PIB en seulement deux ans. Des dépenses déficitaires massives sont inévitables à perte de vue.
Il est important de noter que Washington enregistre des déficits massifs, malgré à la fois des cours boursiers records et des émissions de dette des entreprises – alors que nous avons les conditions financières les plus souples imaginables.
Si vous admettez comme moi la possibilité, au-delà d’une reprise technique de courte durée, d’une croissance durablement faible avec frilosité et attentisme… alors vous êtes obligé d’anticiper des accroissements de déficits à perte de vue, et l’obligation pour la banque centrale de maintenir son financement par la planche à billets numérique.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]