▪ Nous avions conclu notre chronique de mardi par l’interrogation suivante : et si les opérateurs qui s’ingénient à jeter le discrédit sur l’Europe (qui tend le bâton pour se faire battre) dans le but de faire s’effondrer les marchés remportaient une victoire décisive en disloquant son système bancaire pour faire éclater l’Eurozone, quel bénéfice réel pourraient-ils en tirer ?
Wall Street s’effondrerait dans la foulée dans places européennes (et peut-être même avant) ; ce serait ensuite le tour de l’économie américaine dans son ensemble. Il n’y aurait plus personne pour leur servir de contrepartie, ou alors il faudrait qu’ils se résolvent à ne jouer qu’entre eux… mais cela suppose qu’ils se redistribueraient les rôles. Une hypothèse absurde lorsque l’on sait à quel point ils excellent à chasser en meute et à quel point ils répugnent à prendre des positions contrariennes… sauf s’ils disposent de la maîtrise total d’un marché.
C’est ce que pratique Goldman Sachs avec le prix de l’aluminium : la banque d’affaires en détient un stock colossal afin d’orchestrer une rareté artificielle, cela grâce à la complicité du LME qu’elle manipule à sa guise, en prenant systématiquement le contrepied du consensus.
En matière de contrepied, Wall Street vient de nous en produire trois à quelques heures d’intervalle. Tout d’abord lundi soir, dans des circonstances très suspectes, entre 21h51 et 22h : le Dow Jones a reperdu 125 points en moins de 10 minutes, dont 65 au cours des trois dernières.
Il y a ensuite eu ce mardi entre 16h et 18h : les indices américains avaient ouvert en repli de 1,5%, puis accru leurs pertes vers -2% dès le premier quart d’heure de cotation. Ils ont cependant inversé la vapeur après 20 minutes ; le timide rebond initial prenait l’ampleur à la mi-séance puisque le Nasdaq affichait +1,2% à 2 365 points… ce qui invalidait le signal baissier de la veille sous les 2 350 points.
Mais les vendeurs semblaient prendre leur revanche en début de soirée : le Nasdaq repassait sous les 2 240 points, tandis que le Dow Jones perdait 150 points à 10 500, confirmant ainsi la cassure du support des 10 720 points.
▪ C’est effectivement ce genre de score qui était anticipé depuis le début de la matinée de mardi avec de nouvelles chutes abyssales du côté de l’Asie. Hong Kong et Séoul plongeaient de 3,5% (après -4,5% sur le Hang Seng la veille).
Les investisseurs se montrent de plus en plus pessimistes sur la croissance mondiale. Le pétrole est au plus bas de l’année sous 76 $, le cours du cuivre s’effondre de 30% en trois mois, l’argent s’enfuit des pays émergents tels que la Malaisie ou l’Indonésie…
La Chine ne semble pas pressée de rouvrir les vannes du crédit pour soutenir la consommation et les marchés financiers — ces derniers faisant office de casino pour beaucoup de nouveaux venus en Bourse qui ne peuvent passer tout leur temps libre à Macao.
Les Etats-Unis se retrouvent de ce point de vue en première ligne : il ne faut pas compter sur les Européens pour élaborer le moindre plan de relance avant 2015 !
La fébrilité gagne Wall Street. Dans de telles conditions, Ben Bernanke a prononcé ce mardi un discours où il réaffirme que la Fed est prête à faire plus pour soutenir la croissance alors que le marché de l’emploi demeure désespérément anémique.
▪ L’autre minuscule rayon de lumière éclairant un ciel économique particulièrement noir provient des derniers commentaires de la BCE (mardi vers 15h15). Elle estime que l’inflation va revenir sous le seuil des 2% en 2012, sur fond de croissance toujours aussi poussive. Mais ce diagnostic ouvre la voie à une détente du taux directeur puisque le risque penche clairement du côté de la récession et non de la hausse des prix.
Les cambistes qui espèrent une confirmation de ces anticipations demain rachètent un peu d’euro. La monnaie unique, qui était tombée tout près des 1,31 $ hier matin, renouait avec les 1,33 $ à la mi-journée à New York : cela pourrait constituer un précurseur de rebond technique sur les places de la Zone euro.
Après une chute qui atteint plus de 5% en 48 heures à Francfort, ce serait un scénario bienvenu. Toutefois, il y a pire si l’on se tourne du côté des Bourses nordiques (-3%) ou à Moscou (-6,7%… cela prenait l’allure d’une capitulation mardi midi).
▪ Un retour dans le marché semble très prématuré aux yeux d’une majorité d’investisseurs qui ont été abasourdis d’apprendre que l’Ecofin repoussait le versement d’une tranche vitale de huit milliards d’euros d’aide à la Grèce !
Et voilà que Bruxelles tente de nous expliquer qu’Athènes peut s’en passer jusqu’à la mi-novembre… Imaginez à quel point l’Europe se décrédibilise en pratiquant de la sorte : c’est à croire que nos élites sont de mèche avec les fonds spéculatifs qui massacrent les actifs boursiers depuis trois mois.