Comment le dollar flottant a-t-il réussi à survivre si longtemps ? Grâce à l’arrivée de la Chine dans le commerce mondial. Mais un retournement de situation s’annonce.
« Tout ça n’est qu’une gigantesque fraude » : c’était peut-être un peu beaucoup à avaler pour des auditeurs non préparés.
Votre correspondant, qui tentait d’expliquer pourquoi le dollar est « factice », avait peut-être eu les yeux plus gros que le ventre… du moins dans le contexte d’un débat en Irlande sur les cryptomonnaies.
La discussion était animée. Les autres intervenants étaient Dominic Frisby, rédacteur du magazine MoneyWeek à Londres, et Jim Rickards, un collègue américain.
Tant Dominic que Jim en savent bien plus long que nous sur les cryptos — mais ils en tirent des conclusions inverses.
Jim est certain que les cryptos ne sont guère plus qu’une escroquerie et une bulle. Dominic, de son côté, est un investisseur de la première heure, convaincu que les cryptos remplaceront les devises fiduciaires émises par les gouvernements.
Les deux ont probablement raison.
Les cryptos sont une expérience hardie — des mutations dans le patrimoine génétique monétaire. Quasiment toutes finiront par échouer… comme c’est le cas pour de nombreuses innovations.
Mais une forme ou une autre de devise numérique, peut-être construite sur la technologie de la blockchain, finira sans doute par réussir. Elle sera très probablement financée et contrôlée par les autorités.
Nous avons confessé dès le début de la conférence que nous ne savions pas grand chose des cryptomonnaies. Sur les monnaies elles-mêmes, en revanche, nos connaissances sont au-dessus de la moyenne.
Un dollar flottant mais très bien piloté
Lors de nos explications, nous sommes remonté jusqu’au 15 août 1971 ; nous avons expliqué comment l’économiste Milton Friedman avait encouragé le président Nixon à se débarrasser du dollar adossé à l’or pour en préférer un qui « flotterait » sur une mer d’offre et de demande, guidé d’une main experte par les navigateurs expérimentés de la Réserve fédérale.
Cela nous a mené à décrire non seulement la devise factice des Etats-Unis, mais aussi toute l’armada d’argent factice et d’informations frauduleuses (surtout le prix du crédit), et comment ils sont utilisés par quelques-uns pour escroquer les masses.
Le public semblait perplexe. De quoi donc est-ce que je parlais, voulaient-ils savoir.
Un système nuisible mais durable
Un membre de l’audience a demandé : « si l’argent factice est si nuisible, pourquoi le système dure-t-il depuis si longtemps… plus de 45 ans ? Il ne s’est pas produit de catastrophe ».
Nous avons toussoté afin de gagner du temps tandis que nous nous creusions le ciboulot pour trouver une bonne réponse.
En bref : le changement de 1971 n’était pas conçu pour être permanent. Mais une fois que les élites eurent constaté que ce nouveau système les rendait riches, elles ne voulurent pas l’abandonner.
« Eh bien… rappelez-vous que les 10 premières années furent désastreuses — comme l’avaient prévu les vétérans des marchés. La nouvelle monnaie adossée au crédit fit exactement ce qu’elle aurait dû : elle plongea. L’inflation atteignit les 9%. Suite à quoi les attentes d’inflation s’enracinèrent si profondément dans l’économie que Paul Volcker dut mettre les taux directeurs de la Fed à 20% pour les surmonter.
« Et parce que Volcker a défié les politiciens… et une bonne partie du public… en maintenant son programme monétaire ‘dur’, il a pu sauver le système… pendant un temps. C’est-à-dire qu’il a montré que les autorités feraient en sorte que la nouvelle monnaie se comporterait comme l’ancienne, plus ou moins.
« Au lieu de l’équilibre à l’ancienne, où l’or empêchait automatiquement les autorités d’émettre trop de monnaie, la Fed elle-même limiterait la masse monétaire.
« Bref, le message était simple : vous pouvez faire confiance à la nouvelle monnaie. »
Ce n’était pas vrai, toutefois. Elle ressemblait à l’ancienne monnaie. Elle se comportait comme l’ancienne monnaie. Elle prétendait être aussi « bonne » que l’ancienne monnaie.
Sauf qu’elle ne l’était pas… du tout.
Un retournement historique entamé en 2016
Cette nouvelle devise factice a prospéré en majeure partie grâce à un accident historique. Volcker est arrivé au moment où les marchés actions et obligations, la dette et le cycle économique étaient tous au plus bas.
En serrant la vis de l’inflation, il a permis à l’économie de commencer une expansion extrêmement naturelle et saine qui a entraîné la devise (avec l’aide de la Fed) pendant les 36 années qui suivirent. Ce n’est qu’il y a deux ans — en 2016 — que le cycle des taux d’intérêt s’est enfin retourné.
Autre facteur important de cet accident : l’arrivée des Chinois dans l’économie mondiale. Les augmentations d’argent factice mènent généralement à des augmentations des prix à la consommation (ce qui s’est produit dans les années 1970).
Mais à partir de 1979, des centaines de millions de travailleurs chinois ont commencé à trimer dans des usines sans chauffage pour 10$ par jour afin que les Américains puissent profiter de prix bas pendant les quatre décennies qui suivirent.
Ces tendances bien commodes touchent à leur fin. A présent, l’économie américaine est confrontée à un accident historique d’une autre sorte… avec des conséquences bien différentes.
La dette totale aux Etats-Unis n’était que de 1,5 fois le PIB en 1971.
A présent, elle est à 3,6 fois le PIB.
Le gouvernement fédéral n’était endetté que de 390 milliards de dollars en 1971.
Aujourd’hui, il en est à 21 000 milliards de dollars.
Au lieu d’être au plus bas d’un cycle, les Etats-Unis frôlent le sommet, avec des prix extrêmement élevés pour les actions et les obligations… et le chômage le plus bas de ces quatre décennies.
Toutes les tendances positives de ces 30 dernières années vont devenir négatives. Attendez-vous à une chute des prix des actions et des obligations… une hausse du chômage… une envolée des prix à la consommation… et des taux d’intérêts en hausse.
L’argent factice survit rarement à un cycle boursier complet. Nous doutons que le dollar factice y parvienne.
L’argent factice finance une société malhonnête
Mais nous n’avions pas fini. Nous voulions en arriver à une conclusion plus profonde :
« L’injustice fondamentale au cœur de l’économie US, c’est que cet argent factice n’a pas été distribué de manière égale », avons-nous dit. « Il a été utilisé pour acheter des obligations. Il est donc allé sur les marchés financiers, où les riches, les privilégiés, les initiés… et les gens comme Donald J. Trump… possèdent les actifs.
« La Fed a augmenté la base monétaire US de près de 400% rien que ces 10 dernières années. C’est cet argent — magnifié par le crédit et les marchés — qui a rendu les riches bien plus riches. C’est pour cette raison que l’élite n’abandonnera pas le système d’argent factice — en tout cas pas sans se battre. Et c’est pour cela que Donald Trump met déjà la pression sur la Fed pour qu’elle arrête d’essayer de ‘normaliser’ les taux d’intérêt.
« Ce n’est pas simplement une crise monétaire qui s’annonce ; c’est une crise sociale et politique. L’argent factice a créé une société malhonnête, où certains s’enrichissaient grassement aux dépens des autres. Les gens n’en comprennent pas la cause. Mais ils la ressentent. Et c’est un danger bien plus grand que de simples pertes financières ».
[NDLR : Les Etats-Unis ne sont pas les seuls concernés. La « cocotte-minute » financière, monétaire et politique actuelle frôle l’explosion — et la solution des élites pour la désamorcer causera la ruine de millions d’épargnants : cliquez ici si vous ne voulez pas en faire partie.]
3 commentaires
» Mais une forme ou une autre de devise numérique, peut-être construite sur la technologie de la blockchain, finira sans doute par réussir. Elle sera très probablement financée et contrôlée par les autorités. »
Autrement dit ca va être Big Brother…
La crise des années 1970 était inflationniste : la FED luttait contre l’inflation en haussant ses taux et nous étions au plus bas d’un cycle.
A l’inverse, la crise actuelle a été déflationniste de 2008 à 2016, période durant laquelle la FED a maintenu ses taux quasiment à zéro.
Depuis 2016, l’inflation semble avoir vaincu les forces déflationnistes, mais je crois que ce n’est qu’une illusion.
En effet, la FED a crée la plus grosse bulle de l’histoire de l’humanité :
La plus grosse en volume, mais aussi la plus étendue, c’est la « bulle de tout ».
Tout est monstrueusement surévalué : les actions, les dettes souveraines, l’immobilier, etc…
Effectivement nous sommes au plus haut d’un cycle, je suis bien d’accord là dessus.
Les prix des actifs financiers devraient donc se mettre à baisser, mais également le prix des biens et services, comme cela s’était produit en 1929 et les années suivantes.
Les gens vont chercher à se désendetter, ce qui devrait aggraver la déflation et la charge de la dette (effet Fisher)
Je crois que cette fois ci, la FED va perdre le contrôle du système, elle n’aura plus le temps ni les moyens d’empêcher une cascade de faillites bancaires, l’écroulement des dettes publiques, et les faillites privées.
Ensuite, au bout d’un an, voire un peu plus, l’hyperinflation devrait succéder à la déflation, les gens vont perdre brutalement toute confiance dans le dollar et ce sera le Venezuela dans le monde entier.
Le dollar finira peu ou prou de cette façon, sans que la puissance militaire américaine ne soit d’une quelconque utilité pour endiguer cette débâcle.
Et un autre cycle monétaire prendra naissance, mais l’humanité gardera très longtemps le souvenir de la catastrophe dans la mémoire collective.
La destruction d’une montagne de fausses valeurs et fausses croyances nous amènera probablement vers un monde meilleur, après une période de chaos.
Les utopies finissent toujours par mourir. ( exemple du communisme que certains croyaient pourtant indestructible)
A l’échelle de l’évolution de l’humanité, l’utopie du dollar-papier n’aura pas duré très longtemps.
En espérant qu’elle serve de leçon.
Restera à relever d’autres défis, le réchauffement climatique, par exemple…
homme blanc couper bois , hiver sera très rigoureux … hug !