De l’Allemagne au Zimbabwe, les crises majeures suivent toujours le même schéma. Où en sont les Etats-Unis actuellement ?
Le taux d’inflation au Venezuela baisse. Le site ZeroHedge nous en dit plus :
« L’inflation annuelle dans le pays est passée sous 1 000 000% en mai pour la première fois depuis 2018, selon Reuters. Comment le pays a-t-il par magie commencé à réduire l’inflation ? Incroyable mais vrai : la banque centrale a restreint la masse monétaire.
Les prix à la consommation pour les 12 mois se terminant en mai n’ont grimpé ‘que’ de 815 194%, selon le Congrès du pays, dirigé par l’opposition. A comparer aux 1 300 000% enregistrés en avril. Les prix ont grimpé de 906% durant les cinq premiers mois de l’année, selon les données ».
Ces chiffres suivaient de près des nouvelles pas si positives, selon lesquelles le leader de l’opposition, Juan Guaido – bizarrement reconnu par les Etats-Unis comme étant le chef d’Etat légitime – fait sa toilette dans un seau. L’eau courante n’est pas fiable – même dans les beaux quartiers de Caracas, la capitale.
(L’ancien président vénézuélien Hugo Chávez avait un jour attribué les coupures d’eau aux gens qui « chantent sous la douche »).
L’électricité manque elle aussi ; alors que le pays est peut-être le plus riche en énergie au monde, des pannes localisées laissent des millions de Vénézuéliens dans le noir.
Et malgré le fait qu’ils possèdent certaines des plus grandes réserves pétrolières de la planète, les Vénézuéliens font la queue pendant des jours devant les stations-service pour faire le plein.
Des millions d’autres ont simplement quitté le pays, emportant sur leur dos tout ce qu’ils pouvaient, pataugeant dans les rivières pour entrer en Colombie ou au Brésil.
Un jardin de catastrophes
Comment le Venezuela s’est-il mis dans un tel pétrin ?
Ceux qui subissent nos Chroniques de longue date savent que nous sommes fin connaisseur, en matière de désastres.
Les grands crus – un Weimar 1923, par exemple… un Zimbabwe 2008… ou, bien entendu, un joli cépage vénézuélien de 2018 – sont toujours un plaisir pour le palais, que l’on sirote en se demandant : comment des gens intelligents peuvent-ils ruiner une économie à tel point que les gens ont faim… qu’il y a des coupures d’eau… des émeutes… et que le gouvernement s’effondre ?
La réponse est toujours la même : lentement… puis d’un seul coup.
La partie « d’un seul coup » est largement couverte par les médias – on s’en amuse, on la tourne en ridicule, on la montre du doigt.
C’est la phase « lentement » qui est la plus intéressante… et la plus importante. Parce que c’est là que l’on manie la pelle… que l’on laboure le sol… et que l’on plante et arrose les graines. Pour la plupart des gens, cela semble être un travail honnête, où l’on tente de soutirer des fruits à un sol avare.
Peu s’aperçoivent que l’on ne prépare pas là un Eden… mais un jardin de catastrophes. Cela ne devient apparent que plus tard, dans la phase « d’un seul coup », lorsque les lianes maléfiques se déploient et étouffent toute vie à des kilomètres à la ronde.
Quelques ingrédients simples
Le processus est pourtant très simple et pourrait être détecté des années à l’avance.
Premièrement, le gouvernement doit contrôler la devise. S’il utilise l’or ou une devise adossée à l’or, la terrible récolte sera étouffée. Mais rien qu’avec les contrôles de prix et la planification centrale, les autorités peuvent causer une Grande dépression de 10 ans, ou une faillite économique à la soviétique sur 70 ans.
Si l’on veut une catastrophe financière pleine et entière, en revanche, il faut aussi de la fausse monnaie.
Deuxièmement, il faut des dirigeants qui soient à la fois ignorants et/égocentriques. De grands hommes qui font de grands plans !
Ces plans centralisés sapent les plans décentralisés qui créent de la richesse réelle. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, on se retrouve avec un déclin du PIB réel.
L’Allemagne de Weimar était un cas à part. Elle avait gâché ses ressources durant la Première guerre mondiale (un bon exemple de planification centrale). Ensuite, les vainqueurs – France, Grande-Bretagne, Etats-Unis – exigèrent des réparations, ce qui épuisa dans les faits la masse monétaire du pays. C’est seulement alors que l’Allemagne eut recours à la fausse monnaie… et déclencha sa tristement célèbre hyperinflation.
Un scénario classique
Le Zimbabwe et le Venezuela, quant à eux, ont suivi un scénario plus classique. Chacun d’entre eux avait sa propre fausse monnaie. Et chacun avait un Grand leader dynamique – Robert Mugabe et Hugo Chávez respectivement. Tous deux mirent leurs compères à la tête de secteurs clé et imposèrent des plans tirés par les cheveux à l’économie.
Les plans centralisés détournèrent des ressources et vinrent entraver les plans privés, décentralisés, réduisant ainsi la production tandis que les dépenses gouvernementales augmentaient. Plus ils endommageaient l’économie réelle, plus ils devaient relancer la fausse.
Les grandes banques, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale aident généralement les nations à accélérer leur ruine en leur prêtant de l’argent, garanti directement ou indirectement par les contribuables de pays plus prudents.
Après un temps, cependant, la notation du crédit se dégrade, les taux d’intérêts grimpent et plus personne ne veut prêter ou emprunter. La seule option qui reste, c’est imprimer de l’argent – la troisième et indispensable condition pour une catastrophe financière moderne.
Gideon Gono a dirigé la banque centrale du Zimbabwe durant toute la période… depuis le moment où les graines ont été lentement plantées et arrosées… en passant par l’apparition des premiers germes… et jusqu’à ce que, soudain, ces lianes étranglent quasiment tous les consommateurs, investisseurs et entreprises du pays.
Entre 2006 et 2008, par exemple, Gono a multiplié la masse monétaire nationale par 20 millions. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait fait une chose pareille, il a simplement répondu qu’il n’avait rien fait que d’autres grandes banques centrales dans le monde ne faisaient pas elles aussi.
Il avait raison… et nous y reviendrons.
Un vieil ami à nous a rencontré Gono à Harare quelques années plus tard (Gono est interdit de séjour aux Etats-Unis). Notre ami était curieux : quel genre d’homme irait détruire une économie entière… qui était autrefois « le joyau de l’Afrique » ?
Au lieu d’un monstre, il s’est retrouvé en compagnie d’une personne aussi « amicale, compétente et intelligente » que Jerome Powell, par exemple.
Le désastre n’est pas une question de choix
Pourquoi des gens apparemment sains d’esprit, et qui ne sont pas idiots, font de telles choses ? La réponse est simple aussi.
Une fois que la partie « lentement » de la formule s’est écoulée – avec la planification centrale, le déclin du PIB réel, les crises du crédit, les contrôles des prix, les dettes gigantesques et les restrictions commerciales –, la phase « d’un seul coup » ne laisse pas beaucoup de choix aux planificateurs.
Ils peuvent admettre leur échec et laisser l’économie s’effondrer : faillites, défauts de paiements, krachs boursiers, humiliation publique et dépression.
Economiquement et financièrement, le seul choix sensé est de virer les banquiers, assainir le marigot de bureaucrates, jeter dehors les ronds-de-cuir et revenir à une monnaie réelle, adossée à l’or.
Mais c’est politiquement impossible. Trop de gens, riches et pauvres, dépendent désormais de la fausse monnaie. Il faut qu’ils en aient plus. Les autorités rajoutent donc des contrôles de prix et des taxes douanières, élaborent de nouveaux plans quinquennaux et ajoutent encore plus de zéros à la devise…
Gideon Gono avant donc raison. Toutes les grandes banques centrales font la même chose – elles créent de la fausse monnaie. Pour l’instant, elles n’en sont qu’à la phase « lentement ».
« D’un seul coup » est encore à venir…