Alors que le conflit Israël-Iran s’intensifie, l’indifférence des marchés interroge. Assiste-t-on au basculement silencieux de l’Occident du « bon » au « mauvais » côté de l’histoire ?
Cela paraît assez surréaliste à dire, mais depuis le déclenchement des hostilités avec l’Iran le vendredi 13 juin, à l’initiative d’Israël – et quelles que soient les justifications avancées par l’Etat hébreu – « on s’ennuie ferme sur les marchés ».
Cela fera sept jours demain que les deux pays s’échangent tirs de missiles d’un côté, bombardements d’installations nucléaires, militaires, éliminations ciblées de l’autre… et si vous observez les principaux indices mondiaux, rien ne bouge depuis six jours.
Seul le pétrole a connu un peu de volatilité, les marchés obligataires restent stationnaires (aucun signe de rotation sectorielle en faveur des actifs risk-off). Idem pour l’or qui n’a pas réussi à percer au-delà de 3 450 $ ; et le cuivre, le zinc, le nickel sont complètement assoupis depuis une semaine.
C’est comme s’il ne se passait rien qui puisse affecter la croissance mondiale, le niveau de l’inflation, les relations diplomatiques et commerciales Est-Ouest, etc.
Puisque le contexte géopolitique ne fait pas bouger les lignes, peut-être la Fed allait-elle fournir quelque inspiration aux marchés ce mercredi. Mais elle a, sans surprise, laissé ses taux d’intérêt inchangés, et Jerome Powell confirmait en conférence de presse qu’il n’y a pas d’urgence à les baisser (comprenez : cela attendra la rentrée de septembre).
A ce stade, vous devez déjà commencer à désespérer qu’il puisse se passer quelque chose qui vaille la peine d’être commenté. Si tout ce qui précède s’était déroulé sous une administration Biden, il aurait été temps de conclure avant que vous ne vous endormiez sur place, comme « sleepy Joe » lors des points presse de la Maison-Blanche.
Mais heureusement, depuis l’investiture de Donald Trump, il est devenu impossible de s’ennuyer et de manquer d’un sujet polémique à commenter au quotidien. Et c’est un festival à tous les niveaux depuis le sommet du G7 de Banff/Kananaskis.
Et là, nous découvrons de nouvelles facettes de Donald Trump.
D’un côté, il ne change pas. Il n’a pas perdu l’occasion d’humilier Emmanuel Macron en quittant le G7 : « Il ne comprend jamais rien. »
De même, il s’est de nouveau étranglé de rage à cause de l’immobilisme de Jerome Powell : « Il n’y a pas d’inflation » aux Etats-Unis, « le patron de la Fed est une personne stupide et politisée ». Trump avait déclaré lors de la précédente réunion : « Il ne baisse pas les taux car il ne m’aime pas », et rappelait que « des taux élevés coûtent une fortune aux finances publiques ».
Rentrons maintenant dans la catégorie « Trump fait dans l’inédit »…
De retour à Washington après avoir bâché Emmanuel Macron au sujet du conflit israélo-iranien, il a déclaré dans un court message adressé aux autorités de Téhéran : « capitulation inconditionnelle », ce qui apparaît comme une exigence un peu étrange de la part du dirigeant d’un pays qui n’est pas en guerre avec l’Iran, sachant que l’Iran n’a pas non plus attaqué les Etats-Unis, ni menacé les bases américaines au Proche-Orient.
Et Trump a surenchéri ce mercredi : « Nous visons bien plus qu’un cessez-le-feu avec l’Iran, nous recherchons une victoire totale et complète. »
Mais comment interpréter ce « nous » ? Les Etats-Unis sont-ils à leur tour entrés en guerre avec l’Iran ? Des citoyens américains sont-ils en péril vital à Téhéran, comme lors de la prise de l’ambassade US il y a 50 ans ?
Nous sommes habitués aux coups de bluff de Trump (déclarations grandiloquentes, non suivies d’effet, comme pour le Groenland), mais le cas de figure est ici bien plus sérieux, car tout le monde sait que les Etats-Unis apportent un support logistique et financier très étendu à Israël.
Au vu des dernières déclarations de Trump, Netanyahu est-il parvenu à entraîner les Etats-Unis dans le conflit ?
Dans ce cas, l’Iran – complètement dominé militairement, totalement à la merci de l’aviation israélienne – n’aurait plus rien à perdre… et ses alliés en tireraient les conséquences : le respect du droit international n’a plus cours sur la planète, la loi du plus fort règne, et tous les coups géopolitiques sont permis, notamment les « guerres préventives ».
Sachant qu’au regard du droit international, l’Iran est l’agressé, et que l’élimination physique de ses dirigeants et savants – au milieu de civils – est un crime de guerre.
Les alliés de l’Iran – et même, en fait, toutes les puissances nucléaires d’Asie – pourraient tirer les conséquences de la jurisprudence « guerre préventive », déjà appliquée contre l’Irak, et désormais contre l’Iran, pour attaquer un rival régional.
L’Iran est devenu, il y a 50 ans, une théocratie totalitaire de la pire espèce, dont les dirigeants détestent les Etats-Unis – c’est évident – mais qui ne menacent pas ce pays militairement (c’était l’excuse invoquée contre Saddam Hussein, qui « menaçait le monde entier »).
En ce qui concerne la menace contre Israël, Téhéran a perdu en quelques mois son allié Assad, et ses principaux « proxies » comme le Hezbollah au Liban et en Syrie, ou les Houthis au Yémen (très affaiblis depuis les frappes britanniques, américaines et israéliennes).
Autrement dit, depuis 2009 et l’accession de Netanyahu au pouvoir, l’Iran n’a jamais été aussi peu menaçant. Les échanges de tirs de missiles et de drones d’avril et octobre 2024 (dont Israël avait été prévenu à l’avance, et qui n’avaient fait aucune victime) furent consécutifs à des frappes israéliennes ayant éliminé physiquement de hauts responsables militaires ou des diplomates iraniens.
Imagine-t-on seulement la violence dévastatrice de la riposte américaine si l’Iran avait ciblé et éliminé un haut gradé américain sur une base US aux Emirats, à Bahreïn ou au Qatar ? (Il se trouve que les Etats-Unis sont en train de faire évacuer leurs bases… c’est mauvais signe !)
Imaginez l’indignation de l’Occident bien-pensant si Poutine avait, une seule fois, annoncé son intention « d’éliminer Zelensky ».
C’est ce double standard permanent qui est en train de creuser une fracture irréductible entre « le camp du bien » (qui s’autorise tout ce qu’il impute au « camp du mal ») et le reste du monde, qui risque de le lui faire payer cher.
Avons-nous déjà basculé du mauvais côté de l’histoire ?
3 commentaires
« et si vous observez les principaux indices mondiaux, rien ne bouge depuis six jours. »
Bonjour Mr BECHADE.
Le vendredi 13 porte bonheur, bien-sûr !!
Il y a des décennies que l’occident a basculé du côté sombre de la force, si nous sommes aveugles, le reste du monde l’a bien vu
absolument lamentable ce « je m’autorise tout ce que je refuse à mes adversaires » … tout le personnel politique des EU est otage consentant et mange dans la main sanglante du lobby juif international … que le clan pro-juif trump aille secourir nazi’srael et il assistera alors a l’acceleration de l’effondrement de sa suprematie sur le monde ,en plus de la disparition pure et simple de nazi’srael !!!