Après des années de déni et de mauvaises incitations, la Commission européenne promet un plan pour rendre le logement abordable. Mais ses premières pistes rappellent le même mélange de subventions à la demande et de restrictions de l’offre qui a contribué à créer la crise actuelle.
Depuis des décennies, les responsables politiques se succèdent en promettant des politiques de logement abordable – une promesse qui s’est encore intensifiée avec la flambée des prix de l’immobilier dans toutes les grandes villes européennes. Les hausses les plus marquées ont été enregistrées à Madrid et Barcelone, avec des augmentations respectives de 9,4 % et 8,6 % par rapport à 2024. Dublin, Lisbonne et Stockholm affichent elles aussi des records, sous l’effet d’une urbanisation croissante et d’une construction de logements qui ne suit pas le rythme de la demande.
La Commission européenne prévoit désormais de réagir en proposant son propre plan pour remédier au manque de logements abordables, comme l’indique son site web. Elle y affirme : « Une nouvelle approche européenne est nécessaire pour relever ces défis de manière coordonnée, à tous les niveaux de gouvernance. La Commission européenne collabore avec les gouvernements nationaux, régionaux et locaux ainsi qu’avec d’autres acteurs, afin de les soutenir dans leurs efforts visant à mettre à la disposition de tous des logements abordables, durables et décents. »
Bruxelles est toujours en négociation avec ses partenaires sur les modalités de mise en œuvre, mais la Commission expose déjà les grandes lignes des mesures prévues : « injecter des liquidités dans le marché immobilier et doubler les investissements prévus dans le cadre de la politique de cohésion pour le logement abordable », « réviser les règles relatives aux aides d’Etat afin de permettre aux Etats membres de soutenir plus facilement le logement abordable » et « réduire les factures énergétiques et lutter contre la précarité énergétique afin de rendre les logements abordables, décents et durables ».
Ces annonces restent des objectifs et des orientations politiques très générales. Mais l’on peut au moins se féliciter d’une chose : la pénurie de logements est enfin reconnue comme un fait. Trop souvent, les Etats ont mis en place des subventions pour la location ou l’achat, ce qui n’a fait qu’aggraver les déséquilibres actuels du marché. Subventionner un bien en accroît la demande ; taxer et réglementer son offre en réduit la disponibilité. En subventionnant la demande de logements tout en entravant leur construction, les pouvoirs publics ont eux-mêmes créé cette situation catastrophique.
Un point plus inquiétant apparaît toutefois dans la liste avancée par la Commission européenne : « S’attaquer aux problèmes systémiques liés aux locations d’hébergement à court terme et analyser l’impact de la spéculation immobilière. » Cette proposition est très probablement portée par l’Espagne – et peut-être par les Pays-Bas – qui s’opposent depuis des années aux locations à court terme comme Airbnb. Selon eux, ces locations aggravent la tension sur le marché immobilier. Certaines villes, comme Barcelone, ont déjà imposé des limites strictes au nombre de licences Airbnb.
Ce raisonnement pose plusieurs problèmes.
Tout d’abord, la demande d’hébergement à court terme dépend du nombre de touristes accueillis. Des villes comme Amsterdam ou Barcelone figurent parmi les destinations les plus populaires au monde, et une part importante de leur PIB, notamment en Espagne, provient du tourisme. Le marché immobilier n’est pas un bloc monolithique réservé aux seuls résidents : il reflète l’ensemble des besoins sociétaux – logements, commerces, logistique, services, hébergements touristiques, etc. Planifier de manière centralisée la répartition de ces usages revient à prétendre prédire d’avance l’évolution des besoins humains – tâche impossible que seul un marché flexible peut assumer.
Les plateformes de location à court terme ont permis de nouvelles formes d’usage du logement : une personne âgée peut louer une chambre libre, une famille peut proposer un appartement en attendant qu’un enfant en ait besoin, un voyageur au long cours peut louer son logement le temps de son absence. Pour avoir moi-même utilisé Airbnb à de nombreuses reprises, je peux affirmer qu’il n’existe pas de profil type : cette offre reflète simplement la diversité des situations et des besoins.
Par ailleurs, une location Airbnb est souvent un logement qui reste intégré à la vie réelle, plus flexible, alors que des hôtels peuvent compter de nombreuses chambres vides. Airbnb ne remplace pas l’hôtellerie traditionnelle : il la complète. Penser que restreindre fortement son usage suffira à « réparer » le marché immobilier relève au mieux du vœu pieux, au pire du populisme.

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Comme partout et toujours, quand une administration se mêle de ce qui ne la regarde pas, c’est toujours la catastrophe.