** Les circonstances ne sont pas comparables mais les scores sont hélas identiques. Le CAC 40 affiche sa plus forte baisse hebdomadaire (5,4%) depuis la seconde semaine du mois de mars 2003 (6,5%). Cette chute en forme de capitulation concluait la grande correction amorcée sous les 7 000 points en septembre 2000.
Les investisseurs invoquent non plus le déclenchement d’une guerre en Irak mais des perspectives économiques moroses aux Etats-Unis. Le risque de récession a en effet été confirmé par plusieurs membres de la Fed au cours des dernières 48 heures. A cela s’ajoutent l’immobilisme de la BCE, le geste monétaire jugé trop timide de la Banque d’Angleterre jeudi dernier, les multiples études négatives concernant le marché automobile en France et aux Etats-Unis ainsi que des risques de nouvelles vagues de dépréciations d’actifs par les banques.
Le Crédit Agricole a dévissé de 4% pour ce motif ce vendredi et accuse une chute de 13% sur la semaine — juste devant Renault et ses -12,1%. La Société Générale et Valéo faisaient quant à eux jeu égal autour de -11,2%, de même que Michelin et AXA avec des pertes supérieures à 10%.
Mais au-delà des contre-performances sectorielles, le CAC 40 a globalement fait l’objet d’un traitement de défaveur à la veille du week-end. L’indice cédait au final 0,30% tandis que Francfort affichait symétriquement une hausse de 0,5%, Londres de 1% et que l’Eurotop 100 progressait de 0,5%.
La débâcle des valeurs financières — les places de Paris et Milan y sont les plus exposées en Europe — pourrait constituer un dommage collatéral lié au risque de perte de la notation « AAA » des réhausseurs de crédit. Ceux-ci, tels MBIA, Ambac ou MGIC, constituent les partenaires de nos banques tricolores aux Etats-Unis.
Hors CAC 40, le titre CNP Assurances chutait de 13,5%. Cette chute a suivi l’annonce d’un chiffre d’affaires de 31,6 milliards d’euros pour 2007 — en baisse de 14% à sept milliards d’euros, en partie causée par la prise d’éléments complexes relatifs aux reversions (partenariats) dont bénéficie le groupe.
** Sur le front macro-économique, aucun chiffre ne justifiait la contre-performance singulière du CAC 40. Les stocks des grossistes américains ont gonflé de 1,1% en rythme séquentiel au mois de décembre 2007 et de 6,1% par rapport au mois de décembre de l’année dernière.
En Europe, l’Allemagne s’affirme plus que jamais comme la championne des excédents commerciaux avec un montant record de 198,8 milliards d’euros en 2007– contre 159 milliards d’euros en 2006. Mais les exportations ont commencé à se contracter en décembre dernier à 10,7 milliards d’euros. La période hivernale pourrait entraîner un ralentissement des prises de commandes en Chine : si la demande reste soutenue jusqu’aux jeux de Pékin, elle pourrait fléchir très nettement au quatrième trimestre 2008.
La France affiche de son côté un déficit commercial proche de 40 milliards d’euros. De nombreux détracteurs des particularismes de notre politique économique dénoncent les retards d’évolutions structurelles qui nous handicaperaient depuis 20 ans (taxes, rigidité du marché de l’emploi, 35 heures…).
Mais cela n’explique pas pourquoi le CAC 40 se repliait pour la quatrième fois en l’espace de cinq séances. L’Italie et l’Espagne ne sont en effet pas mieux loties que la France en matière de croissance et de déficits commerciaux. Madrid et Milan ont cependant mieux résisté avec des pertes respectives voisines de 4,1% — conformes à la moyenne européenne.
Dans cet océan de morosité, quelques rachats à bon compte se dessinaient sur Lagardère (+2,9%) qui s’affichait en tête parmi les valeurs du CAC 40 — à égalité avec EADS — après l’annonce d’un chiffre d’affaires et de perspectives de résultats salués par les investisseurs.
La semaine qui s’achève a vu disparaître tous les gains accumulés depuis les 23 et 24 janvier derniers. Nombreux sont les analystes qui prédisent un retracement des planchers du 22 janvier à Paris — soit 4 505 points.
** C’est désormais chose faite pour Alcatel-Lucent (+0,25%) dont le score final masque un record de volatilité en intra-day. Le titre affichait jusqu’à -8% dès les premiers échanges mais un gain de 7% une demi-heure plus tard — soit 15% de variation sur la base des mêmes données chiffrées publiées en pré-ouverture.
Le groupe franco-américain a annoncé des ventes plus fortes que prévu au quatrième trimestre (+20%). Cela ne lui a cependant pas permis de renouer avec les bénéfices, malgré une marge opérationnelle de 6%. La direction annonce par ailleurs une suppression du dividende en 2008 — ce qui n’est pas une surprise après trois profit warnings consécutifs.
Mais même après l’inscription de 3,5 milliards d’euros de dépréciations de survaleurs, le groupe affiche encore milliards d’euros de fonds propres — soit un actif net de 4,8 euros par titre. La décote avoisine donc 15% et ne se justifie que si l’année 2008 se termine aussi mal qu’elle vient de commencer : Patricia Russo s’avoue pessimiste pour le premier trimestre en cours… et le second ne sera sans doute pas meilleur.
Si les analystes appliquent ce genre de projections à toutes les entreprises vulnérables à un retournement de cycle, le CAC 40 n’a pas fini de chuter et Wall Street a du souci à se faire. Le recul de 1% du Dow Jones ou du S&P 500 ce vendredi à mi-séance semblaient trahir ce genre de préoccupation.
** Les valeurs exportatrices américaines subissaient sans doute le contrecoup de la remontée de 2,2% du dollar face à l’euro sur la semaine écoulée. La BCE finira par abaisser ses taux — au second semestre d’après un large consensus — mais la Fed l’aura largement devancée.
L’économie américaine pourrait alors bénéficier d’une capacité de rebond qui fera défaut dans l’Euroland au second semestre 2008. Cela incite les cambistes à privilégier le billet vert dans un premier temps. Ce choix se justifie pleinement dans le contexte de rapatriement de liquidités — et de plus-values sur les actifs libellés en euro — vers les Etats-Unis.
Enfin, le dernier phénomène marquant à la veille du week-end fut le spectaculaire rebond du cours du pétrole (4% à 91,5 dollars le baril). Ce rebond est dû à l’arrivée d’une nouvelle vague de froid aux Etats-Unis tandis que la Chine peine à se remettre des récentes intempéries — d’où le titre en guise de clin d’oeil de la précédente Chronique : « Temps de cochon pour l’année du rat ».
Le comportement de la bourse de Shanghai et de Hong Kong lundi matin pourrait donner le tempo de la troisième semaine de février. Cette semaine va se conclure par une séance des « Trois sorcières » que certains stratèges commencent déjà à redouter.
Si la bourse chinoise dévisse, la question sera alors bel et bien la suivante : comment extraire des titres lourds comme des enclumes d’un wagonnet en plomb ?
Philippe Béchade,
Paris