** Si nous n’avions tant disserté sur les causes d’un futur effondrement des indices boursiers depuis le début du mois de mai dernier, nous éprouverions une certaine allégresse en passant en revue la liste des facteurs négatifs qui plombent l’ambiance sur les marchés financiers.
Exercice désormais totalement superflu car tout le monde sait son catéchisme baissier sur le bout des doigts : l’exercice le plus pénible consiste maintenant à passer "à confesse" !
De nombreux communicants (économistes, stratèges des banques d’affaires, journalistes complaisants de Fox News ou du Washington Post…) ont menti effrontément par média interposés durant des semaines et même des mois : ce n’est pas joli, joli !
Mais avouez qu’il fallait faire preuve d’une naïveté confondante pour gober des discours tels que "la crise des subprime est derrière nous", "la Chine va continuer de soutenir la croissance mondiale", "l’inflation n’a pas encore une menace réelle aux Etats-Unis" ou encore… "l’économie américaine donne des signes de résilience : une récession n’est pas à l’ordre du jour, le scénario de la stagflation est totalement dénué de fondement".
Le résultat de cette désinformation savamment orchestrée (au profit de ceux qui — comme nos lecteurs — étaient bien convaincus qu’il était temps de sortir des marchés), c’est une correction de -30% en un peu moins de 12 mois.
Il faut désormais remonter à l’épisode de correction de début septembre 2000 à mi-mars 2001 pour découvrir une perte équivalente : -30,5% pour un seul mouvement baissier d’une durée de sept mois, entre 6 940 et 4 830 points.
** Le CAC 40 vient effectivement de perdre 30%, cumulés par rapport au zénith 2007 des 6 168 points du 1er juin, en inscrivant ce mardi vers 13h15 un plancher de 4 310 points. L’ébauche de rebond amorcée vers 15h45 en direction des 4 360 points a tourné court ; en clôture, le CAC 40 retombait sur 4 341 points (-2,1%).
Paris réalise ainsi sa plus mauvaise entame de trimestre et de semestre depuis le 2 janvier 1997 (la bourse avait alors chuté de 2,54%). La perte annuelle s’élève maintenant à 22,7%, le recul depuis le 19 mai avoisine 16% et la chute par rapport à la mi-octobre 2007 (et le zénith des 5 880 points) dépasse les 26%. On a déjà vu des indices boursiers rebondir de 8% ou 10% en quelques jours pour moins que cela !
Voilà une correction qui prend des proportions assimilables à un "krach rampant". Le comportement des opérateurs est tout à fait typique de ces périodes de capitulation des cours où les jours, les semaines et les mois de baisse s’enchaînent inexorablement, sans même que l’actualité "immédiate" ne justifie la débâcle des indices.
** Les nouvelles du jour, en dehors des inévitables rumeurs invérifiables qui pourrissent l’atmosphère boursière, n’étaient d’ailleurs pas si mauvaises en cette première séance de juillet : les dernières statistiques américaines sont même plutôt encourageantes, avec un rebond de 0,6 points de l’indice ISM manufacturier aux Etats-Unis. Il passe de 49,6 à 50,2… un chiffre au-dessus du seuil technique des 50 traduit une croissance — même symbolique — de l’activité.
Le tableau n’était pas non plus si sombre en Allemagne où les ventes au détail ont progressé de 1,3% au mois de mai, tandis que le taux de chômage a diminué de 0,1 point à 7,8% de la population active outre-Rhin le mois dernier.
A l’inverse, l’activité manufacturière s’est contractée en France au mois de juin pour la première fois depuis mai 2005… et le constat est identique dans la zone euro. Quant au chiffre du chômage dans l’Hexagone, il s’est établi à 7,2% en mai 2008, inchangé par rapport au mois d’avril. Dans l’ensemble de l’Union européenne, le taux de chômage s’est élevé à 6,8% en mai 2008, contre 6,7% en avril (il était de 7,2% en mai 2007).
** La combinaison de toutes ces données macroéconomiques a débouché sur un nouvel affaiblissement du dollar : le billet vert se repliait sous les 1,58/euro (à 1,5820 et même 105,5 yens) ce qui dopait à nouveau le pétrole, recherché à 142,6 $.
Ce genre d’arbitrage suffit en temps normal à dissuader les acheteurs, alors imaginez l’état d’esprit régnant en Europe à moins de 48 heures d’une hausse de taux de la BCE qui "fait débat".
Cependant, cette perspective est déjà largement prise en compte dans les cours depuis le 10 juin dernier : elle ne saurait à elle seule expliquer un trou d’air de -2,7% du marché parisien en début de matinée. Des rumeurs récurrentes de frappes aériennes contre les installations nucléaires iraniennes rajoutent un aléa géopolitique majeur à une ambiance déjà très déprimée par le spectre de la stagflation. Tiens ! Larry Kudlow ne coupe plus la parole avec véhémence à tout interlocuteur qui prononce ce vocable maudit, qui insupporte celui qui compte parmi les plus acharnés des thuriféraires de l’ultralibéralisme.
** Preuve de l’influence néfaste des Etats-Unis sur l’ensemble des places occidentales, Pernod Ricard enregistrait la plus forte baisse du CAC 40 (-6,45%) alors que son concurrent Fortune Brands a lancé un avertissement sur ses résultats… Comparaison n’est pas raison, mais dans un marché où les opérateurs sont à vif, la moindre fausse note provoque une fuite vers la sécurité et une série de ventes épidermiques.
Dans le climat presque suffoquant qui règne dans les salles de marché (28°C à Paris ce mardi soir), des notions telles que "valorisation", "cash flow", "actifs nets", passent allègrement à la trappe. Les gérants jettent leurs portefeuilles par-dessus bord comme on verse dans le pot de fleurs le plus proche un fond de pastis un peu tiédasse.
Plus question de détenir des valeurs financières : ce sont celles sur lesquelles pèsent le plus de soupçons de déboires futurs depuis 15 jours (Deutsche Bank, UBS, Lehman et Merrill Lynch pourraient annoncer de nouvelle dépréciations massives). A Paris, Dexia a replongé de 4%, sous les 10 euros ; Crédit Agricole perdait 4,7%, AXA 4,3% et Société Générale 3%.
Et allez expliquer que Dexia affiche un PER de 4,5 fois les estimations 2009 et un rendement de 10,1%… on vous rétorquera que ces chiffres seront révisés à la baisse. Sur la base de quels élément chiffrés "concrets" (et non supputés façon "radio moquette")… mystère !
En revanche, après avoir nié l’évidence, les gérants admettent enfin que la crise immobilière fait rage aux Etats-Unis (baisse de 0,4% des dépenses de construction), en Angleterre et en Espagne. Résultat, le secteur de la construction (et BTP) et des matériaux s’effondre de 7% en 48 heures, avec -3,3% sur Vinci et Eiffage, -3,5% sur Lafarge et -3,7% sur Saint Gobain.
** Les gérants valident également l’équation selon laquelle flambée du pétrole + inflation = gros soucis. Elle aboutit inexorablement à une hausse de taux qui place les sociétés cotées dans une situation d’autant plus explosive que lorsque la facture "dette" s’alourdit, les débouchés rétrécissent symétriquement avec la perte de pouvoir d’achat de la clientèle.
Les difficultés ont été repoussées jusqu’ici par le cycle de baisse des taux (c’en est terminé), puis par les 150 milliards de dollars restitués aux contribuables par le fisc américain. Nous allons rentrer de plain pied dans la phase dure de la récession avec son corollaire : l’abaissement de notation des entreprises les plus endettées, ce qui devrait entraîner une multiplication des demandes d’exercices de CDS (ce qui a failli être le cas sur Bear Stearns pour JP Morgan).
Or de nombreux CDS (nous parlons de dizaines de milliers de milliards de dollars d’encours) n’ont aucun sous-jacent. Il s’agit de pure spéculation sur le risque — concrétisé par un taux de défaillance, un écart de rendement, une faillite d’un emprunteur. Si les taux montent, les sinistres vont se multiplier et les apprentis "assureurs" se retrouveront confrontés à une avalanche de versements d’indemnités… auxquels ils sont virtuellement incapables de faire face.
Philippe Béchade
Paris
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