Réduire les déficits ? Payer ses dettes ? Rétablir un semblant de « normalité » ? Non, pas tout de suite… creusons encore un peu d’abord.
« Ce n’est pas le moment de s’inquiéter de réduire le déficit ou de réduire le bilan de la Fed. »
– Stephen Mnuchin, secrétaire au Trésor US, 14 septembre 2020
Si ce n’est pas maintenant… alors quand ? Quand est-ce que c’est le moment de réparer une toiture qui fuit ?
Le soleil brillait, en 2017, quand M. Mnuchin a rejoint l’équipe de la Maison Blanche en tant que secrétaire au Trésor. A l’époque, le chômage était bas… et le PIB US était en hausse depuis huit années consécutives.
A ce moment du cycle, la théorie keynésienne nous dit que la chose la plus prudente à faire consiste à accumuler un excédent budgétaire et à rembourser ses dettes. C’est l’essence même de la politique contra-cyclique. Comme si elle était directement tirée de l’Ancien testament, elle cherche à lisser les booms et les krachs en accumulant des déficits durant les années de vaches maigres, et des excédents durant les années de vaches grasses.
Exactement le contraire
Au lieu de cela, le déficit pour l’exercice fiscal 2017 se montait à 665 Mds$ (hérité de l’équipe Obama).
En d’autres termes, les autorités faisaient exactement le contraire de ce que Joseph recommandait à Pharaon – et Keynes aux décideurs. Ils exagéraient la tendance au lieu de la modérer.
En 2018, alors que l’équipe Trump était entièrement aux commandes, le chômage a baissé plus encore. Selon le patron, les cieux n’avaient jamais été si dégagés.
Au lieu de tirer parti du beau temps pour réparer leur bilan, les autorités ont baissé les impôts… et le déficit est passé à 779 Mds$.
En 2019… il ne pleuvait toujours pas. Quel cadeau !
Pourtant, personne n’est monté sur le toit. Et le déficit a grimpé à près de 1 000 Mds$.
Normalisation… ou pas
En gros, les autorités ne répareront jamais ce satané toit. La maison s’effondrera d’abord. Voici comment…
Durant les 10 années ensoleillées entre 2009 et 2019, au lieu de réparer les fuites des finances fédérales, M. Mnuchin et ses prédécesseurs ont foré de nouveaux trous.
Rappelez-vous : en 2015, la Fed avait sorti l’échelle et bouclé sa ceinture à outils. Depuis 2009, elle affirmait que ses taux zéro et son vaste programme de rachats obligataires étaient « des mesures d’urgence ». Maintenant que l’urgence était terminée, il était temps de « normaliser » sa politique.
Mais lorsque M. Trump est arrivé, il s’est farouchement opposé à toute tentative de normalisation. Il avait vu, à raison, que « normal » appartenait au passé. Il voulait des taux anormalement bas et plus d’impression monétaire de la part de la Fed pour que la « reprise » se poursuive.
A ce moment-là, il était évident que tout l’édifice avait des problèmes. La crise de 2008-2009 avait été suivie de la campagne d’impression monétaire la plus agressive de l’histoire américaine – durant laquelle la Fed a ajouté 3 600 Mds$ à son bilan.
Toutefois, cela a produit la reprise la plus faible de l’histoire américaine.
Une personne douée de raison aurait pu se demander : « Comment est-ce possible ? Qu’est-ce qui ne va pas, avec cette escroquerie à l’impression monétaire ? »
Ni la Fed ni la Maison Blanche ne sont des endroits sûrs pour les personnes douées de raison, cependant. Ce sont désormais des endroits réservés à des personnages de dessins animés, qui agissent sans réfléchir.
En 2017/début 2018, M. Trump a insisté plusieurs fois sur le fait que c’était une grosse erreur que de tenter de « normaliser » les taux d’intérêts ou de réduire le bilan de la Fed. Lui et M. Mnuchin espéraient prolonger le boom – au moins jusqu’à l’élection de 2020.
La Fed a cependant continué, à petits pas timides, à monter l’échelle de la « normalisation »… jusqu’en octobre 2018.
Ensuite, alors que le taux directeur était tout juste supérieur au taux d’inflation officiel… sous la pression de l’équipe Trump… et avec une chute de 3 000 points du Dow… la Fed a décidé de redescendre. Elle ne s’est jamais approchée de la « normalité ».
Quatre mois plus tard, le marché boursier s’est effondré… les autorités ont fermé des pans entiers de l’économie… le PIB a perdu 32% au deuxième trimestre… et la Fed a rebaissé les taux à zéro, avant de se lancer dans une nouvelle vague d’impression monétaire.
Les nuages s’accumulent
Et maintenant ? Maintenant, les nuages s’accumulent – des cumulus, des cirrus mais aussi, de temps en temps, une tornade meurtrière.
Aux Etats-Unis, près de 100 000 entreprises ont fermé leurs portes – pour de bon. Quant aux emplois… ils ont été perdus par millions : onze en tout ? Trente ? Les chiffres sont douteux.
Mais si ces emplois reviennent au même rythme qu’après la crise de 2008-2009 – 1,6 million par an, en moyenne, sur cinq ans – il faudra jusqu’en 2027… ou 2038, si l’on se base sur le chiffre de 30 millions… pour les récupérer.
La plupart ont probablement disparu pour toujours. Une économie évolue. Elle trouve de nouvelles manières de fonctionner. Elle a besoin de nouvelles compétences… de nouvelles entreprises… de nouvelles personnes.
Les anciennes restent sur le bord de la route… chacune avec un nuage au-dessus de la tête.
Un marché brûlant
« C’est incroyable, ce qui se passe par ici », nous ont dit des amis dans la Deer Valley, en Utah. « Des gens achètent des maisons sans les voir. Les agents immobiliers disent qu’ils n’ont jamais vu un marché aussi brûlant. Tout le monde veut quitter les grandes villes. Ils viennent de Californie, de New York, de Baltimore »…
Les riches apprécient leur nouvel environnement. Le reste fait la queue, attendant les allocations gouvernementales – ou les hélicoptères.
En 2019, le PIB US était de 21 700 Mds$. Selon le FOMC, le chiffre final cette année sera environ 6,5% inférieur à ce montant.
Les loyers ne sont pas collectés. Les prêts immobiliers ne sont pas remboursés. Il reste quelque 30 millions d’Américains au chômage… et 44 millions avec des prêts étudiants atteignant un total de 1 500 Mds$.
Rupture de confiance
Les nuages ne sont pas près de se dissiper. Peu importe qui se trouve à la Maison Blanche, il ne va pas se risquer de sitôt sur ce toit glissant. Bon sang, il pourrait même être frappé par la foudre !
Huit millions d’Américains ont perdu leur emploi durant la crise de 2008-2009. Tandis que l’économie se remettait, au cours de la décennie qui s’en est suivie, les autorités n’ont jamais eu l’intelligence ni le courage de remettre la politique monétaire « à la normale ».
Cette fois-ci, jusqu’à 50 millions de personnes ont demandé des allocations chômage aux Etats-Unis.
Il n’y a quasiment aucune chance – pas dans les 10 prochaines années en tout cas – que les déficits soient réduits et les taux normalisés.
L’impression monétaire se poursuit donc…
Et mène inévitablement là où elle mène toujours – une chute de la valeur de la monnaie elle-même.
Ensuite, les gens chercheront des alternatives.
Traditionnellement, dans les « trous m***iques » et les républiques bananières, ils en trouvaient facilement – dans le dollar US.
Mais que se passe-t-il quand on ne peut pas faire confiance au billet vert lui-même ?