Les politiques monétaires actuelles visent à faire monter les cours de Bourse à l’infini… et finiront par ruiner ceux qui se sont positionnés sur des titres surévalués. Un article à lire, relire et assimiler, pour mieux protéger votre portefeuille.
Un jour viendra où les politiques monétaires actuelles devront être stoppées, soit qu’elles auront réussi soit qu’elles auront échoué. Dans les deux cas, ceux qui ont constitué des portefeuilles boursiers sur la base de cours de Bourse surévalués seront ruinés.
Plus ces politiques durent, plus la ruine sera sévère.
Pourquoi est-ce une certitude ? Parce que la hausse des cours de Bourse est d’origine purement monétaire alors que les actifs boursiers ont un lien avec la finitude du monde réel. On peut créer autant de monnaie que l’on veut, mais on ne peut faire en sorte que les bénéfices des entreprises montent jusqu’au ciel.
Il y a non-équivalence entre les deux univers : l’un est infini, sans limites, l’autre est fini, limité.
Augmenter la taille de son bilan, qu’est-ce que ça veut dire ?
Que se passe-t-il réellement lorsque la Réserve fédérale ou la BCE « augmente la taille de son bilan » et « injecte de l’argent dans l’économie » ?
Cela signifie qu’elle a acheté une obligation détenue par le public et l’a payée en créant une dette gouvernementale de forme différente. Dans la plupart des cas, ces achats ne sont pas réglés en monnaie ; la banque centrale ne paie pas en monnaie mais en créditant des réserves bancaires sur le compte de celui qui a vendu l’obligation.
L’ensemble – la monnaie + les réserves bancaires – constitue ce que nous appelons la « masse monétaire ».
En un mot, l’assouplissement monétaire remplace les bons du Trésor portant intérêt, qui étaient auparavant détenus par le public et ses institutions, par de la monnaie, des patates chaudes à taux zéro, c’est-à-dire qui ne rapportent rien, et que quelqu’un dans l’économie doit détenir, à tout moment, en tant que monnaie, jusqu’à ce que cette monnaie soit retirée.
Cette politique monétaire peut certainement être utile lorsqu’il y a une ruée – un run – vers la liquidité bancaire et que les déposants deviennent inquiets au point de convertir leurs dépôts bancaires en cash.
Patates chaudes
Mais portées à l’excès, comme elles le sont maintenant, ces politiques sont aussi la façon dont les bulles spéculatives sont encouragées. On crée un tas de patates chaudes à intérêt nul qui sont si psychologiquement inconfortables à détenir que les gens deviennent prêts à payer n’importe quel prix afin de les échanger contre un autre actif d’investissement qui rapporte un tant soit peu.
Ceux qui reçoivent cet argent, ces patates chaudes qui ne rapportent rien, se font ensuite concurrence ; ils surpaient pour acheter quelque chose qui rapporte un peu. Une sorte d’entonnoir est ainsi créé qui dirige l’argent vers les marchés là où il y a un peu de rendement ou de performance sous forme de plus-value.
Le problème est que les actifs d’investissement tels que les actions ne sont pas purement des actifs monétaires. Ce des actifs reliés au réel, des créances sur certains flux futurs en provenance de l’entreprise concernée, des flux de trésorerie qui seront délivrés au fil du temps.
Attention au rendement
Plus le prix que vous payez maintenant pour ces flux de trésorerie futurs est élevé, plus le rendement à long terme auquel vous pouvez vous attendre sur votre investissement est faible.
Si vous payez 100 $ aujourd’hui pour recevoir un paiement de 100 $ dans une décennie à partir d’aujourd’hui, vous pouvez vous attendre à un voyage très long – bien que peut-être intéressant… mais ce sera un voyage vers nulle part. Vous aurez payé 100 pour recevoir 100, en ayant entre temps quelque fois eu peur de devoir supporter des pertes !
Si vous payez plus de 100 $ aujourd’hui pour ce même flux de trésorerie, vous pouvez/devez vous attendre à un rendement négatif à long terme.
Les politiques d’assouplissement quantitatif et de taux d’intérêt nuls de la Réserve fédérale créent simplement une montagne de monnaie/patates chaudes à taux zéro que quelqu’un doit conserver à chaque instant, jusqu’à ce que cette monnaie soit retirée du système.
Il est important de comprendre que la masse monétaire ne « va » nulle part. Elle est et reste de l’argent de base jusqu’à son retrait. Mais vous pouvez vous débarrasser de l’argent de base en le mettant « dans » le marché boursier, en le refilant à quelqu’un d’autre, à votre vendeur.
Au moment où la transaction a lieu, l’argent de base sort « hors » du marché boursier pour aller entre les mains de celui qui vous a vendu l’action. L’argent de base n’est jamais « mis sur la touche » car il n’y a pas d’argent sur la touche, contrairement à ce que dit stupidement une partie de la presse.
Chaque titre émis, qu’il s’agisse d’une action, d’un certificat d’obligation ou d’un dollar de base, doit être détenu par quelqu’un, à tout moment, exactement sous la forme où il a été émis, jusqu’à ce qu’il soit retiré.
Distorsion et pénurie
La seule chose qui change est de savoir qui détient quoi, et combien un investisseur en titres est prêt à échanger contre un autre. L’argent de base créé par la Fed ne va pas « dans » le marché boursier.
L’argent de base ne fait que créer tellement d’inconfort, parce qu’il ne rapporte rien, que les investisseurs deviennent disposés à faire grimper les cours des actions à des niveaux d’évaluations bullaires qui impliquent des rendements à long terme proches de zéro, ou pire.
La Fed ne fait rien d’autre que retirer du rendement du portefeuille mondial en achetant des obligations, afin d’injecter des liquidités qui brûlent les doigts et forcer à acheter autre chose qui rapporte : voilà le secret des quantitative easings.
Autrement dit la Fed et/ou la BCE créent une distorsion, une pénurie de rendement afin que, mécaniquement, les détenteurs des liquidités reçues en contrepartie se précipitent pour acheter quelque chose qui rapporte. Elles créent une pénurie, un manque de rendement dans le système afin de forcer les gens à faire n’importe quoi et surtout donc à prendre des risques.
On ne peut maintenir ce type de distorsion qu’en aggravant ses conséquences. Plus on maintient cette politique longtemps, plus on gonfle les bulles et plus les conséquences seront catastrophiques.
Ce papier didactique est fondé sur le travail de l’économiste John P. Hussman.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]