Que se passe-t-il exactement quand un gouvernement imprime tant d’argent que la confiance dans la monnaie disparaît ? Retour sur deux exemples célèbres.
Nous continuons notre examen de la crise actuelle… et de ses conséquences possibles.
L’Histoire regorge d’exemples de gouvernements trop dépensiers… qui se sont tournés vers la planche à billets pour boucler leurs fins de mois.
Nous connaissons la conséquence financière : l’hyperinflation. Des millions de personnes ont été éliminées. L’industrie mise à bas. La richesse détruite.
Mais quelles ont été les conséquences politiques ?
L’épisode qui occupe la plupart des esprits s’est produit en Allemagne au début des années 1920. Nous en avons souvent parlé ici. Inutile de revenir sur les détails financiers.
Il faut pourtant impérativement se souvenir que ce sont les autorités qui ont provoqué la catastrophe.
Nous l’avons souligné à de nombreuses reprises : l’inflation est toujours et partout un phénomène politique.
L’exemple allemand
Les autorités allemandes ont financé une guerre en imprimant de l’argent. Une fois la guerre finie, elles ont tenté de financer la paix en en imprimant davantage.
La guerre, les pandémies, les révolutions… les vecteurs de crises ne manquent pas. Imprimer de l’argent semble alors être la meilleure manière de procéder.
En 1923, Karl Helfferich décrivait le raisonnement allemand pour justifier l’usage ininterrompu de la presse à billets :
« Cela signifierait qu’en une période de temps très courte, la population, et surtout le Reich, ne seraient plus en mesure de payer les marchands, les employés ou les travailleurs. En quelques semaines… les usines, les mines, les chemins de fer et les bureaux de poste, les gouvernements locaux et national, en bref, la totalité de la vie nationale et économique, seraient au point mort. »
(Est-ce bien différent de la réaction des autorités actuelles face au coronavirus ?)
Que s’est-il passé ensuite ?
L’hyperinflation a détruit la confiance dans les institutions traditionnelles – la démocratie, le libre-échange, le droit de la propriété et les comportements civilisés – à tel point qu’une bande de brigands, menée par Adolf Hitler, est parvenue à prendre le pouvoir.
Cet exemple est peut-être éculé ; il a perdu sa capacité à surprendre, à éclairer la situation. Mieux vaut peut-être se tourner vers des exemples plus récents…
Banqueroute, regrets, inflation… et on recommence
Ici en Argentine, c’est un schéma bien connu. Le gouvernement dépense trop, emprunte trop, imprime trop… ne peut plus assurer le service de sa dette… regrette… et provoque une inflation.
Le processus a commencé dans les années 1940, quand Juan Perón a appris, lors d’une visite en Italie mussolinienne, comment exploiter l’opinion des masses. Ce n’est cependant qu’au début des années 1970, à son retour d’exil, que les choses ont vraiment mal tourné.
Perón promit alors aux masses des cadeaux gratuits en l’échange de leurs voix. Après sa mort, sa troisième femme Isabelita devint présidente et perpétua la tradition.
Puis, en 1975, l’inflation s’est accélérée. Pendant les 14 années qui suivirent, le taux fut en moyenne de 300% par an. Les électeurs sont-ils alors revenus à la raison, ont-ils flanqué les dirigeants dehors pour revenir à des politiques monétaires et fiscales plus modestes et plus raisonnables ?
Vous plaisantez ? Les choses ne fonctionnent pas ainsi. Au lieu de cela, un groupe de généraux a orchestré un coup d’Etat en 1976. L’ensemble du pays a ensuite été plongé dans un abîme de violence, de troubles et d’inflation.
On estime que 30 000 personnes ont disparu… les généraux se sont lancés dans une guerre sans but contre la Grande-Bretagne, qui s’est terminée par une défaite humiliante… et l’hyperinflation a atteint un sommet en 1989, à 20 000%.
Voyons maintenant l’exemple actuel du Venezuela…
L’argent du pétrole
En 1996, l’inflation des prix à la consommation au Venezuela a atteint 100%. Que font les gens, quand les prix doublent en un an ? Ils élisent un démagogue… un opportuniste de la pire espèce… ou un vrai croyant.
Au Venezuela, c’est Hugo Chávez – un socialiste, qui promettait de résoudre tous les problèmes en étendant la portée du pouvoir gouvernemental – qui est arrivé à la tête de l’Etat. Comment les choses ont-elles évoluées ensuite ?
Dans le cas du Venezuela, il est très délicat de faire la distinction entre les politiques gouvernementales et leurs effets sur l’économie d’une part, et le marché du pétrole d’autre part.
Le Venezuela est un pays quasiment mono-industriel… qui n’a fait qu’accroître sa dépendance au pétrole après que les contrôles imposés par le gouvernement socialiste ont saboté le reste de l’économie.
Chávez a utilisé l’argent du pétrole comme les Etats-Unis utilisent aujourd’hui leur fausse monnaie : pour étendre son contrôle et son influence. Le gouvernement a ensuite nationalisé les compagnies pétrolières. Evidemment, la production de pétrole a chuté… tout comme les revenus.
Au-delà du pétrole, le pays est en récession depuis le début du XXIème siècle, et les taux d’inflation augmentent graduellement et inéluctablement.
L’économie réelle se détériore au fil du temps, et les autorités doivent exercer un contrôle de plus en plus étroit pour éviter que la situation ne devienne ingérable. Comme le nouvel argent ne parvient pas à « stimuler » l’économie, on augmente les doses…
Les prix montent. Les gens tentent de faire sortir leur argent du pays… puis d’en sortir eux-mêmes. On perd les pédales. L’économie entière finit par être saisie d’une crise de tremblements.
Chávez est décédé en 2013. En 2017, le gouvernement Maduro avait le plein contrôle de l’économie.
Contrôle des prix, tarifs douaniers, subventions accordées à des industriels corrompus, délits d’initiés, corruption… tous les effets secondaires d’une économie planifiée étaient omniprésents.
Tout comme l’inflation : les prix à la consommation augmentèrent de 17 000 % cette année-là. Après cela, le gouvernement a cessé de compter. Mais le Fonds monétaire international estime que l’inflation a atteint dix millions de pourcents au Venezuela l’an dernier.
Le gouvernement est plus puissant que jamais. Les initiés sont toujours riches (même s’ils le sont beaucoup moins qu’avant). Tous les autres, en revanche, sont plongés dans une misère extrême.
Les choses seront-elles différentes aux Etats-Unis – et dans d’autres pays occidentaux ?
Bien sûr. Dans quelle mesure ? Nous verrons bien…
3 commentaires
« Contrôle des prix, tarifs douaniers, subventions accordées à des industriels corrompus, délits d’initiés, corruption… tous les effets secondaires d’une économie planifiée étaient omniprésents. »
Je ne vois pas bien la différence entre l’économie planifiée, imposée au Venezuela qui à au moins l’excuse, comme Cuba, de subir la guerre larvée que lui mène les US, et l’économie libérale qui est imposée par les 0,1% des plus riches, en guerre contre tous les autres, sur ces points.
Daniel Roux, Bill Bonner semble avoir une dent contre le Venezuela! Je partage pleinement votre opinion. 😀
Le brigands qui prennent le pouvoir de nos jours ?
C’était probablement dans la première moitié des années 90, voici :
https://www.dailymotion.com/video/xaipyt