Il faut continuer de se préparer au pire, mais sans jouer contre le système… et laisser le temps au temps.
L’indice phare américain, le S&P 500, a baissé de 18,9 % depuis le début de l’année. Le Nasdaq 100 a perdu 26,6% dans le même temps.
Avec des lingots en baisse de 34 $, l’indice HUI de l’or a chuté de 21,4% depuis le 1er janvier.
Les taux des bons du Trésor américain à trois mois ont terminé la semaine à 2,245%.
Les rendements des bons du Trésor à deux ans ont ajouté deux points de base, à 3,13% (en hausse de 239 points de base depuis le début de l’année). Ceux à cinq ans ont en revanche chuté de neuf points de base à 3,04% (en hausse de 177 points de base), comme ceux à dix ans, qui ont perdu 16 points de base à 2,92% (en hausse de 141 points de base). Et les rendements obligataires longs, à 30 ans, ont chuté de 17 points de base à 3,08% (en hausse de 118 points de base).
Bien en main
Au risque de choquer, je dirais que tout se passe bien : la Fed continue d’avoir la situation bien en main. Qu’est-ce qu’avoir la situation bien en main ?
C’est réussir à faire dégorger la spéculation et l’euphorie/l’exubérance qui ont pris naissance en 2020. C’est fait : l’écume spéculative a dégorgé de 70% !
C’est faire corriger le « core » du marché financier, le cœur, dans des proportions acceptables et supportables pour les structures « too big to fail ». C’est fait : ces structures tiennent. A ce stade, on n’entend pas de craquement.
C’est empêcher la fonction de surréaction des marchés de se mettre en place. C’est peut-être le plus grand succès que d’avoir modifié la gestion des anticipations et le pilotage des marchés. Au lieu de s’opposer aux baisses, les autorités ont décidé de laisser se faire les baisses même brutales, mais de faire en sorte qu’elle se stoppent d’elles-mêmes en avançant des scenarios stabilisateurs. Par exemple, l’inflation qui ne serait que temporaire, ou la récession/stagflation que l’on va éviter.
C’est casser l’élan des matières premières qui menaçait de faire boule de neige, de renforcer le bloc anti-américain. C’est parfaitement réussi grâce – il faut le dire – à l’aide de la Chine qui a joué un effet cyclique modérateur.
C’est surtout maintenir et amplifier les flux financiers mondiaux vers le système américain, ce qui assèche les compétiteurs et les asphyxient. Tant pis pour les pays émergents, et même les « alliés » européens. Ils constituent un dégât collatéral dont les Etats-Unis se moquent pas mal.
Et, pour finir, c’est ne pas perdre sa soi-disant crédibilité, crédibilité qui consiste à la fois à tenir bien en mains les anticipations lues sur les marchés et, en même temps, à surtout maîtriser les taux longs afin qu’ils fassent leur travail de répression financière.
Le rendement de l’obligation du Trésor à 10 ans revenu sous les 3%, alors même que la hausse des prix est publiée à 9,1%, est une incroyable performance. Je la qualifierais d’historique ; il faudrait être d‘une mauvaise foi crasse pour le contester.
A ce stade, dis-je, la Fed contrôle la situation.
J’en profite pour vous rappeler ma position fondamentale : je suis catastrophiste. Le futur, c’est la destruction de nos arrangements sociaux, politiques, monétaires économiques, mais cette destruction ne se fera que lorsque les autorités perdront le contrôle de la situation, submergés qu’ils seront par le réel et non par les peuples qu’ils dominent. La destruction viendra du choc entre le Réel et l’imaginaire des autorités.
Cette perte de contrôle n’est ni pour demain ni pour après-demain. Elles ont encore beaucoup de trucs dans leur besace, beaucoup de complices, beaucoup de connivents. Il y a peu d’opérateurs « rogues » ou « voyous » antisystèmes.
Et, surtout la crédulité des peuples est quasi sans limite. On peut tout leur faire avaler. Je ne crains pas de dire que la stupidité des peuples – et leur veulerie – est un élément central qui permet de comprendre les paradoxes de la situation.
Regardez le dollar !
Le dollar, non seulement reste impérial, mais il met à terre tous ses concurrents, aussi bien devises que cryptos ou or. Il fait sentir sa vraie force. Elle repose non seulement sur son niveau de parité, mais surtout sur le besoin vital que les pays du « reste du monde » en ont.
C’est là où l’on prend conscience du fait que les Etats-Unis ont réussi un coup de maitre en rendant le monde dollar-dépendant. Bien peu d‘intellectuels et de politiciens ont compris qu’accepter la domination du dollar, c’était abandonner toute possibilité de grand/vrai choix. Dépendre du dollar, c’est accepter de n’être libre que pour les choix de deuxième ordre.
Est-ce à dire qu’il faut baisser sa garde, aller dans le sens du vent, croire que tout va s’arranger et repartir comme avant ? Non, bien sûr que non, les successions d’optimums de court terme ne conduisent nullement aux solutions des problèmes de long terme : l’impossible reste l’impossible, même pour les autorités les plus douées ou les plus cyniques. Deux plus deux feront toujours quatre et non cinq.
Il faut continuer de s’attendre et donc se préparer au pire, mais sans jouer contre le système. Il faut avoir compris que le temps de l’Histoire n’est pas le temps de la vie humaine ou même celui des générations, il faut laisser le temps au temps. Le système peut avoir raison beaucoup plus longtemps que vous
Le temps logique, le temps de la nécessité, finit toujours par arriver.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
« Donnez moi le contrôle de la monnaie d’un pays (ou du monde) et je n’aurais pas à me soucier de ceux qui font les lois ».
Et je n’aurais pas à me soucier de ceux qui font les lois.
Il y a très longtemps un petit malin a compris que la faiblesse humaine était l’armée plus efficace et redoutable que les légions romaines les plus disciplinées, les mercenaires barbares les plus cruels, les chars, les cuirassés, l’arme atomique etc.. pour la conquête du pouvoir absolu. Le pouvoir absolu…Quelle idiotie.