Les sanctions occidentales qui visent la Russie ont déjà un effet secondaire visible : elles ont renforcé les liens économiques du pays avec la Chine. Le yuan et les entreprises chinoises pourraient être les grands gagnants du conflit.
Selon des sources de Bloomberg, le gouvernement de Pékin discute avec quatre entreprises publiques de l’acquisition de participations dans des sociétés pétrolières et métallurgiques russes.
Du côté chinois, les compagnies concernées sont China National Petroleum Corp (CNPC), China Petrochemical Corp (Sinopec), le plus grand raffineur du pays, ainsi que Aluminium Corp et China Minmetals Group. Côté russe, Gazprom et le producteur d’aluminium United Co. Rusal International ont notamment été cités.
Des pourparlers seraient également en cours entre des entreprises chinoises et russes, selon Bloomberg, bien qu’il soit trop tôt pour dire s’ils se termineraient par des accords. Les chances d’accords, cependant, sont assez bonnes. C’est l’un des meilleurs exemples de bénéfices mutuels : la Chine a besoin de matières premières pour se développer, tandis que la Russie dispose de ces matières premières et a besoin d’argent.
C’est une situation gagnant-gagnant, avec un bonus potentiellement crucial : elle renforcerait encore les transactions non libellées en dollars entre les deux pays, saperait la domination mondiale du billet vert et, au fil du temps, immuniserait les deux pays contre de futures sanctions occidentales.
Surtout, ces opérations tisseraient des liens concrets et matériels très importants, une vraie alliance économique entre les deux pays, une sorte de maillage.
Remplacer Visa et Mastercard
Le site d’information Axios a pour sa part rapporté récemment que la Russie accepte déjà les paiements en yuans pour ses exportations vers la Chine, et que les entreprises russes sont pressées d’ouvrir des comptes bancaires chinois. Plusieurs banques russes envisageraient également de passer au système de paiement par carte chinois UnionPay, suite au départ de Visa et Mastercard.
Une prise de participation par des sociétés chinoises dans des sociétés pétrolières et métallurgiques russes ne ferait que renforcer ce processus.
De plus, des accords avaient déjà été signés en parallèle des Jeux olympiques d’hiver de Pékin. Un gazoduc nommé « Force de Sibérie » est aussi entré en service dès 2019, soutenu par un contrat de livraison de gaz sur 30 ans entre Gazprom et la CNPC.
Des analystes commentent les efforts d’internationalisation du yuan chinois depuis des années : ce n’est pas un secret. C’est un aspect important des plans assez visibles d’expansion mondiale de la Chine qui ont inquiété les gouvernements occidentaux.
Il semble que ce que font ces gouvernements aujourd’hui, en coupant l’économie russe de l’Occident, visait à punir le Kremlin – et la population russe – pour l’invasion de l’Ukraine. Mais qu’une des conséquences de cela est qu’ils auront facilité l’expansion de la Chine.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
2 commentaires
Merci, M. Bertez, pour cette réflexion.
Le grand gagnant est certainement la Chine, mais si je peux me permettre, également dans une certaine mesure les Etats-Unis qui vont bénéficier au moins temporairement de cette repolarisation du commerce international, notamment sur les matières premières. La perte d’influence du dollar, outil de choix de la domination des Etats-Unis sur le monde, en revanche suit son cours et ne me fera pas pleurer…
Par ailleurs, les deux grands perdants me semblent l’Union Européenne et la Russie elle-même.
Pour la Russie, le mariage avec la Chine pourrait bien être le baiser du diable et s’avérer suicidaire à long terme, car je suis convaincu que son alliance naturelle était et reste avec l’Europe.
Pour l’Europe, l’erreur de l’Allemagne et d’autres sur le plan énergétique, ainsi que l’obsolescence du pacte de l’OTAN ayant conduit à une Europe sous-armée est flagrante. Mais les choix brutaux de Poutine auront eu le mérite de réveiller l’Europe. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et remettre tout cela en cause. L’indépendance énergétique et militaire est plus que jamais d’actualité.
Nos gros malins de dirigeants se sont tirés une belle balle dans le pied !
Pas grave, les contribuables paieront.