Les autorités ont fait des pieds et des mains pour relancer l’économie, injectant des sommes vertigineuses dans le système. D’importantes questions restent cependant en suspens…
L’élément important pour la hausse spectaculaire des marchés ces derniers mois a été constitué par un relatif succès de la communication de la Réserve fédérale américaine : elle a presque réussi à faire croire qu’elle était capable de provoquer la reflation.
Peut-être même l’a-t-elle aidée par la manipulation des cours des emprunts indexés, les TIPS.
Les anticipations de hausse des prix intégrées dans les cours des marchés boursiers se sont légèrement redressées. Les matières premières ont donné un signe de frémissement positif. Le pétrole a rebondi au-dessus de ses plus bas.
Des questions essentielles
Les questions les plus importantes selon nous restent en suspens :
Quelle reprise économique peut-on attendre ? Sera-t-elle génératrice ou non d’emplois ?
Comment se comporteront les dépenses d’investissement ? Les anticipations inflationnistes seront-elles validées ? La hausse des prix peut-elle échapper au contrôle des régulateurs ?
Quelle serait la réaction des marchés si la hausse des prix s’installait finalement clairement au-dessus des attentes ?
Changement de régime
Pour notre part, nous considérons que la question du changement de régime par rapport au passé est posée. En effet, la régulation par le seul outil monétaire est en train d’être relayée par l’outil budgétaire.
La vélocité de circulation de la monnaie finirait, si c’était le cas, par réapparaître.
Les dépenses budgétaires transforment la création monétaire en véritable pouvoir d’achat et réalisent la transformation que les seules actions des banques centrales ne pouvaient obtenir.
Tout ceci est ouvert, mais il n’est pas du tout acquis que cela constitue les déterminants des marchés au cours des prochaines semaines. La présence du virus va continuer de retenir l’attention ; on va scruter à la loupe les campagnes de vaccination et leurs résultats, ce n’est que dans un second temps que l’on ira voir ce qui se passe en-dessous des apparences.
Ce que nous en pensons
Notre sentiment personnel est le suivant :
– Les forces déflationnistes sont encore là – et elles sont colossales, puisque les capacités inemployées continuent de produire leurs effets tout comme l’arbitrage international du travail.
– Les politiques monétaires n’ont pas changé dans leurs fondements techniques, c’est-à-dire que leur rendement réel économique est faible, mais on se rapproche du moment où un stade critique, déclencheur, peut être atteint.
Qui sait si les craintes que certains essaient d’entretenir sur le dollar et sur l’inflation ne vont pas gagner le grand public…
– Au plan social, on peut assister à un certain infléchissement des politiques menées qui, conformément aux vœux de la communauté de Davos et du FMI, seraient plus inclusives.
Systémiquement, on s’écarterait – ou plutôt on tenterait de s’écarter – du modèle libéral pour contrôler des inégalités qui, maintenant, sont unanimement considérées comme excessives.
Cela pourrait modifier soit à la marge soit en profondeur la répartition du surproduit mondial.
La fin des inégalités ?
Vous savez que le libéralisme a permis un partage des patrimoines et des revenus très favorable au capital, au détriment des salariés.
Un glissement politique et social tel que celui que nous décrivons ci-dessus aurait pour conséquence de réduire les marges bénéficiaires et la profitabilité du capital, d’augmenter la propension à consommer, d’augmenter les taux d’utilisation des capacités de production et finalement conduirait peut-être à un redressement plus ou moins durable de l’inflation des prix et des revenus.
Nous ne sommes pas persuadé que cette évolution serait favorable à un maintien à un niveau élevé des indices boursiers et des prix des actifs financiers.
Nous n’en sommes pas encore là – mais il faut, ne serait-ce que pour pouvoir interpréter le court et le moyen termes – avoir une toile de fond.