Les banques centrales – européenne ou américaine – sont au service de l’industrie financière et non de l’économie réelle… et cette politique commence à montrer ses limites.
La grande leçon de ces 10 dernières années est que les banques centrales n’ont en fait qu’une mission : préserver les intérêts de la finance et non de l’économie réelle. Elles vont même jusqu’à détruire le modèle économique qui a prévalu jusqu’alors pour que quelques imbéciles continuent de gagner de l’argent facilement.
Le président de la Fed, pour les mêmes raisons, a suivi son petit camarade de jeu en baissant ses taux de 0,25 point. Il n’a pas annoncé encore de QE mais cela ne devrait plus trop tarder.
En revanche, la banque centrale américaine a été obligée, au début de la deuxième quinzaine de septembre, de fournir de la liquidité aux banques à hauteur de 278 Mds$ sur le repo.
Tout de suite, les autorités ont expliqué ce phénomène de manque de liquidités par le paiement de l’impôt sur les sociétés… Comme si payer ses impôts était un événement qui ne s’était jamais produit auparavant !
La réalité est que cette opération est du même genre que celle menée par la BCE lorsqu’elle met en place son LTRO : se substituer au marché interbancaire lorsque les banques n’osent plus se prêter entre elles. Ce qui tend à montrer une réalité quelque peu différente de l’image d’Epinal que l’on nous vend depuis un moment…
Comment interpréter l’action de la Fed sur le marché interbancaire ?
Les mises à disposition de liquidités par la Fed font couler beaucoup d’encre depuis une semaine et donnent lieu à des élucubrations fantaisistes sur YouTube. Laissez-moi vous dire qu’elles sont souvent dues à une ignorance crasse des mécanismes bancaires.
Je vois deux possibilités :
- soit une banque est très très mal et ses petites copines n’ont pas du tout l’intention de lui prêter de l’argent, même adossé à un collatéral (je vous fais la traduction en français ensuite) ;
- soit le problème est structurel et le résultat des politiques simultanées mais non coordonnées de la banque centrale et des autorités de régulation.
Le temps passant, la première hypothèse devient de moins en moins probable. Comme en 2008 et 2009, lorsqu’une banque a besoin de liquidités, elle va sur le marché interbancaire pour demander aux autres banques de lui prêter de l’argent pour une durée très courte, de l’ordre de quelques jours.
La banque qui prête de l’argent exige en garantie des collatéraux (la garantie de l’emprunt) de très bonne qualité. Autrement dit des obligations de l’Etat américain, dans le cas qui nous occupe, mais c’est exactement le même système en Europe. On peut donc dire que les obligations sont le véritable « pouvoir d’achat » des banques, puisqu’elles lui permettent d’obtenir ce prêt pour couvrir des problèmes de trésorerie.
Si une banque va mal, ses camarades refusent de lui prêter même avec un bon collatéral, mais cela se sait assez vite… Or, dans le cas présent, il n’y a aucun nom qui circule dans les salles de marchés.
« Avoir peur n’évite pas le danger »
On en arrive donc à la deuxième hypothèse, dont le dénouement est moins brutal et moins immédiat, mais qui n’en est pas moins destructeur. Depuis la crise, le régulateur – qui, soit dit en passant, ne connaît absolument rien au système bancaire qu’il doit réguler – fait ce pour quoi il est payé… Il régule sans se concerter, ni avec les banques ni avec la Banque centrale.
Sous prétexte de protéger les usagers quels qu’ils soient, particuliers ou entreprises, il impose des ratios de liquidités, des montants de fonds propres, des collatéraux pour toutes les opérations.
« Avoir peur n’évite pas le danger », mais bloque le système.
Cette hausse des exigences réglementaires combinée aux rachats d’obligations par les banques centrales par le biais des QE crée une pénurie de collatéraux de bonne qualité. Les banques ne possèdent plus de pouvoir d’achat.
C’est pour cela que lorsque, pour une raison ou une autre, la demande de liquidités est un peu supérieure à la « normale », la Fed est obligée de fournir ces liquidités. Et elle accepte des collatéraux de moins bonne qualité en garantie.
Le problème, c’est qu’avec la récession en cours, les obligations aujourd’hui « investment grade », c’est-à-dire dont l’émetteur ne risque pas la faillite, vont basculer pour partie dans la catégorie « pourrie ». Soit la Fed devient une bad bank, soit la musique s’arrête et je crains fort qu’il n’y ait alors que très peu de sièges pour beaucoup de monde à vouloir s’asseoir.
On voit bien que tout ce processus ne vise en rien à relancer les économies, mais bien à continuer de jouer le plus longtemps possible. Si j’étais un peu taquin, je dirais que le QE est non seulement déflationniste mais aussi, à terme, récessioniste… Un comble !
Ne concluez pas de ma critique du régulateur que je suis pour que les banques puissent faire tout et n’importe quoi, car ce n’est pas du tout ce que je veux dire. Mais, au lieu de mettre en place des remèdes qui finalement tuent le malade, il serait plus intelligent de changer le modèle.
Je l’ai dit de nombreuses fois, il faut revenir à une vraie séparation des banques de marché et des banques traditionnelles. Arrêter avec les leviers délirants, les dérivés en tout genre, le trading à haute fréquence, et de manière générale toutes les dérives de la finance moderne.
Il faudrait mettre en prison les banquiers centraux et les dirigeants politiques en créant le crime d’incompétence. Cela peut paraître un peu extrême, mais c’est la condition préalable à un redressement de la situation.
Le vernis craque et ce qu’il y a en dessous est passablement pourri.
5 commentaires
Il faut….Il n’y a qu’à…..Je sais dire aussi,quant à faire,dur,dur….
JEAN MARIE LANDRIEUX, à part ça, il n’y a qu’à faire quoi selon vous? 😉
Certainement pas avec des solutions conventionnelles,nous vivons des révolutions,et la finance en fait partie,elle nécessite un regard neuf,expurgee de toutes ces vieux réflexes qui ne collent plus aux réalités d’aujourd’hui.
Il y a quelqu’un d’autre qui a dit, depuis très longtemps, qu’il fallait séparer les banques en deux. C’est Jacques Cheminade! Il est même allé plus loin en détaillant tout un programme de relance de l’économie et en se battant pour, notamment en se présentant plusieurs fois comme candidat à l’élection présidentielle. Alors, M. Delamarche, je me demande, puisque vous pensez que Mario Drahi est un super-trouillard, si vous ne seriez pas vous-même un trouillard qui a peur de mentionner Cheminade (dont vous reprenez toutefois les analyses)? Certes, les medias tentent de ridiculiser Cheminade, mais l’actualité lui donne raison et, par ailleurs, c’est quelqu’un qui a le courage de prendre des coups dans l’arène politique pour faire avancer ces solutions (séparation des banques en deux, etc.) de bon sens et d’intérêt général.
Cette intéressante analyse , qui évoque la séparation des banques me rappelle la campagne de longue date de Jacques Cheminade, non seulement pour une séparation des banques, mais aussi pour un projet complet de changement drastique de la règle du jeu. M. Cheminade, candidat trois fois à la présidentielle (1995, 2012, 2017), a en effet proposé des mesures urgentes et vitales, face au krach qui vient : nationalisation de l’émission du crédit (Banque de France) pour investir celui-ci en grandes quantités non pas dans le trou noir du casino financier en banqueroute, mais dans des grands projets infrastructurels, et dans les secteurs d’avenir comme le développement de l’économie bleue (la mer), les pays du Sud, dont l’Afrique, la fusion nucléaire et l’exploration spatiale. Tout ceci créera des millions d’emplois qualifiés, une perspective d’avenir en particulier pour les jeunes, et de paix entre les nations par la détente, l’entente et la coopération. Cela provoquera un sain « retour d’investissement » dans l’économie réelle. Bien sûr, cela suppose que nous nous libérions de l’occupation financière et culturelles (des esprits) pratiquée sur les peuples par les lobbies de la City de Londres, de Wall Street et de leurs alliés en Europe et ailleurs.
A chaque citoyen de se retrousser les manches, et de se battre pour cette solution. M. Delamarche, vous avez le mérite de dénoncer le « plancher pourri ». Si nous ne voulons pas chuter avec celui-ci, changeons de plancher.
Comme disait Georges Boris, conseiller de Pierre Mendès France et de De Gaulle à Londres : « soit c’est l’Etat qui contrôle la monnaie, soit c’est la monnaie qui contrôle l’Etat » (paraphrase). Il en va de la survie de tous que nous rétablissions la première solution avec un système de Crédit national public. C’est ça, la vraie révolution des esprits !
Pour en savoir plus et agir dans ce sens, c’est ici : https://solidariteetprogres.fr/re-nationalisonsla-banque-de-14748.html .
Salutations citoyennes.
Eric.