Si dette et crédit sont liés, moins de crédit ne réduit pas la dette. C’est le problème auquel nous allons bientôt nous retrouver confrontés en tant que contribuables.
Les gouvernements finissent toujours par avoir besoin de plus d’argent que les contribuables sont prêts à leur donner.
La bonne vieille méthode d’autrefois consistait à avilir la monnaie métallique ou à imprimer des billets pour faire croire que le pouvoir en place avait de l’argent
La nouvelle méthode est plus subtile.
Les gouvernements ne se contentent plus de lever des impôts, ils prétendent contrôler l’économie en contrôlant la quantité de crédit au travers des manipulations de taux.
Crédit, dette, monnaie, politique monétaire et politique : tout est lié.
Toujours plus de crédit et donc toujours plus de dettes…
Le problème, c’est que moins de crédit ne donne pas moins de dettes.
Au lieu de se retrouver démasqués comme autrefois par trop d’inflation, les politiciens corrompus se retrouvent maintenant face à trop de dettes.
Depuis que la Fed s’est engagée dans la voie périlleuse consistant à accorder moins de crédit, l’économie cafouille. Les pays émergents endettés en dollar commencent à vaciller, ainsi que le premier fournisseur des Etats-Unis, la Chine.
Le 26 juin, après 20% de baisse, Bloomberg déclarait officiellement un marché baissier en Chine.
En Europe, la BCE n’est pas encore engagée dans cette voie. Le crédit y est toujours gratuit pour les gouvernements et les banques jusqu’en 2019, fin du mandat de Mario Draghi.
Une minorité paye pour des services « gratuits » consommés par une majorité
Dans ces conditions, pourquoi faire des efforts pour assainir les finances publiques ? La bonne vieille méthode fonctionne encore. Elle consiste à faire payer par une minorité ou financer par la dette de généreux services publics consommés par une majorité.
Réélection garantie. La majorité voudra toujours plus de ce qu’elle ne paye pas et des politiciens s’empresseront de la satisfaire en faisant payer les riches ou en s’endettant, à charge pour les mêmes riches de payer les intérêts de la dette.
On voit cette politique à l’oeuvre dans la réforme de la taxe d’habitation de ce gouvernement, comme l’explique Patrick Coquart.
Une grande partie des recettes fiscales des collectivités locales provenait de la taxe d’habitation. Entreprises et propriétaires occasionnels seront bientôt les seuls mécènes qui leur resteront, via les taxes foncières qu’ils acquittent. Une minorité – réputée riche – paiera.
Mais il n’y a pas d’argent gratuit même si le crédit gratuit le fait croire.
Ainsi, les entreprises payent cette politique. Taxe foncière, cotisation foncière des entreprises, CVAE, C3S, Tascom, taxe sur les salaires, versement transports, etc. Tous ces prélèvements – avant IS – s’élèvent à 15% du PIB en France contre 7% en Allemagne, note Patrick Coquart.
« La somme des impôts locaux est supérieure à celle de l’impôt sur les sociétés. Notre déficit de compétitivité vient en grande partie de cet écart avec nos partenaires européens »,analyse François Roux de Bézieux, candidat au Medef.
Ce gouvernement – comme tous les précédents – n’a pas prévu d’économie sur ses dépenses. Il espère que la croissance le tirera d’affaire tout en plombant les entreprises. Que fera-t-il si la croissance n’est pas au rendez-vous et que le crédit n’est plus gratuit ?
1 commentaire
« En Europe, la BCE n’est pas encore engagée dans cette voie. Le crédit y est toujours gratuit pour les gouvernements et les banques jusqu’en 2019, fin du mandat de Mario Draghi. »
Pour mémoire, depuis quelques années, la FED a décidé de hausser progressivement ses taux et de réduire son bilan, alors que la BCE maintenait son Q.E., d’où deux politiques monétaires divergentes entre ces deux banques centrales.
Mais récemment, le 14 juin 2018, la BCE a annoncé la fin de ses achats d’obligations sur les marchés financiers et qu’elle ne relèverait pas ses taux directeurs avant la fin de l’été 2019.
En d’autres termes, la BCE est en passe de renoncer à sa politique d’assouplissement monétaire pour s’aligner sur la politique de la FED.
Compte tenu du surendettement généralisé de la planète, la politique de la FED paraît déjà très dangereuse, parce que la hausse des taux, même très mesurée, ne manquera pas d’alourdir le poids de ces dettes colossales.
Et puis, finalement, on ne sait pas trop d’où vient cette inflation aux Etats Unis.
Lorsqu’elle était encore présidente de la FED, Janet Yellen elle même avouait ne pas comprendre cette inflation.
Mais l’annonce récente de la BCE semble encore plus dangereuse.
En effet, il y a un signe que la zone Euro subit encore de fortes pressions déflationnistes.
Ce signe, c’est la mauvaise santé des banques européennes, notamment italiennes et de la Deustche Bank.
Les banques françaises sont également classées comme les plus dangereuses au monde, avec les banques japonaises, notamment.
Il doit bien y avoir une raison à cela.
Du reste, l’on sait que l’inflation et même l’hyperinflation, ne mettent pas en danger le système bancaire.
Durant les crises des années 1970, où sévissait une inflation à deux chiffres, aucune banque, à ma connaissance, n’a fait faillite. Il n’y a pas eu l’équivalent de la faillite de Lehman Brothers.
C’est assez logique, puisque l’inflation permet le remboursement aisé des dettes.
Si les banques européennes sont en difficulté, c’est probablement parce que les dettes sont difficiles à rembourser, il parait même qu’il subsisterait encore dans leurs bilans des dettes « pourries » datant du krach de 2007-2008.
La mise en place de la directive BRRD européenne démontre bien la réalité de ce danger de faillites bancaires en cascade.
Les autres pays du monde n’ont pas, à ma connaissance, pris de mesures similaires.
Les banques ne sont en danger que dans un environnement déflationniste.
Elles s’accommodent bien de l’inflation.
Dans ces conditions, une éventuelle remontée des taux serait encore plus catastrophique en Europe qu’ailleurs dans le monde, alors que le risque de déflation y est encore présent.
J’espère que les dirigeants de la BCE sont bien conscients des risques liés à l’ effet Fisher, ou « paradoxe de Fisher ».
La volonté de se désendetter, et des banques de réduire leurs bilans, pourrait bien nous conduire à une
catastrophe incontrôlable dans la zone euro, et peut être ailleurs.
Je cite Fisher :
« Nous avons alors le grand paradoxe qui, c’est ce que je soumets, est le grand secret de la plupart des grandes dépressions, si ce n’est pas de toutes : plus les débiteurs remboursent, plus ils doivent. Plus le navire de l’économie s’incline, plus il tend à s’incliner » [Fisher, 1933, p. 344].
et
« Dans ce cas, la liquidation est la cause de son propre échec. Alors qu’elle diminue le nombre de dollars de dette, elle peut ne pas le faire aussi vite qu’elle augmente la valeur de chaque dollar dû. Ainsi, c’est l’effort même des individus pour diminuer le fardeau des dettes qui l’augmente, du fait de l’effet de masse de la ruée vers la liquidation qui gonfle chaque dollar de dette » [Fisher, 1933, p. 344].
En d’autres termes, est il réellement possible de remonter les taux , et pour les agents du secteur non financier, de se désendetter, sans provoquer la déflation par la dette mise en évidence par Fisher ?
Certes, les Etats, eux, ne chercheront jamais à se désendetter, mais qu’en sera-t-il du comportement du secteur privé (entreprises et particulier) ?
A ce sujet, je cite un extrait du tout récent rapport de la Banque de France, du 25 juin 2018, sur l’évaluation des risques du système financier français :
« Les risques liés à l’endettement des entreprises et des ménages sont jugés élevés. Ils se situent au premier rang des risques identifiés pour le système financier français, avec une perspective de hausse au cours des six prochains mois.
En effet, le taux d’endettement du secteur privé non financier continue de progresser et atteint 130,2 % du PIB au 4 ème trimestre 2017, ce qui correspond à 71,8 % du PIB pour les sociétés non financières
(SNF) et 58,4 % pour les ménages. Cette évolution contraste avec celle observée dans les autres grands pays européens. »
A cela s’ajoutent les tensions à l’intérieur de la zone euro.
Je crois que la prochaine crise, si elle survient, sera exceptionnelle au niveau de la gravité, les déséquilibres financiers mondiaux ne pouvant se résorber en douceur.