▪ Notre plus proche voisin nous a invité à déjeuner. Nous avons décidé d’y aller à cheval — il a fallu cinq heures pour atteindre l’endroit, puis cinq heures pour en revenir.
"Rien de pire en Argentine que l’activité vinicole l’an dernier", a déclaré Raul pendant le déjeuner. Raul s’occupe d’un vignoble dans la vallée voisine. "Nous avons été payés environ 2,50 $ par bouteille alors que la production d’une bouteille coûte environ 3,50 $".
"Eh bien", avons-nous répondu, "nous cultivons du raisin. Nous avons vendu notre raisin blanc 18 cents du kilo. A ce prix, il ne vaut quasiment pas la peine d’être cueilli".
Nous serons hors d’atteinte pendant les deux prochains jours. Un ami nous a proposé une longue randonnée à cheval. Nous avons accepté de partir plusieurs jours, avec 10 heures de chevauchée quotidienne, sur la puna — où l’air est raréfié, où les températures peuvent atteindre -20°C… et où le vent souffle si fort qu’il efface les taches du bétail.
Maria, la femme de Jorge, nous a apporté des vêtements de rechange — dont des caleçons longs dont elle pensait que votre correspondant pourrait avoir besoin.
"Il fait encore plus froid que vous l’imaginez", a-t-elle averti. Maria a notre âge. Elle vient aussi. Nous vous raconterons tout à notre retour.
▪ Une petite précision…
Nous aimerions clarifier nos propos, aujourd’hui. Nous n’avons rien contre les personnes âgées. Ceci dit, nous n’avons rien pour la croissance du PIB. Mais les deux ne vont pas bien ensemble…
Si nous avons une telle opinion, c’est en partie parce que nous regardons dans le miroir. De nouveaux produits ? Une nouvelle technologie ? Une nouvelle entreprise ? Plus nous vieillissons, moins nous sommes intéressé. Lorsque nous apprenons une "nouvelle" chanson à la guitare, par exemple, elle date généralement d’un demi-siècle. Lorsque nous regardons un film, c’est plutôt un vieux Leslie Nielsen qu’une nouvelle sortie hollywoodienne.
Il y a différentes étapes dans la vie… avec à chaque fois des intérêts différents |
Il y a différentes étapes dans la vie… avec à chaque fois des intérêts différents. L’un de nos lecteurs a une explication :
"En Inde, il y a le concept de Varna ashram. Selon cette théorie, la vie d’une personne est divisée en quatre parties. De la naissance à 15 ans, c’est Brahmacharya, c’est-à-dire qu’une personne devrait acquérir des connaissances en lisant les Ecritures, de 25 à 50 ans, c’est Grihastha ashram, c’est-à-dire la vie conjugale, de 50 à 57 ans c’est Vanaprastha, on s’éloigne de la société, dans la forêt, pour chercher Dieu, de 75 à 100 ans c’est Sannyasa, la dénonciation [renonciation ?] complète de notre monde".
Nous sommes donc en plein Vanaprastha. Peut-être est-ce là la vraie raison de notre présence dans ce ranch éloigné de tout : nous cherchons Dieu.
Est-ce mal ? Pas pour autant que nous en sachions. Mais ce n’est pas comme ça qu’on fait grimper un PIB.
Un autre lecteur souligne que le "problème" n’est pas tant un excès de personnes âgées qu’un déficit de jeunes. C’est un bon argument. Plus de jeunes achèteraient plus de gadgets et de babioles… lanceraient de nouvelles entreprises… achèteraient des maisons et les revendraient… et permettraient, d’une manière générale, de continuer à faire tourner l’argent.
Mais pourquoi se soucier de le faire tourner ? Pourquoi ne resterait-il pas immobile ?
Ah… il y a une question encore plus intéressante : un PIB élevé vaut-il mieux qu’un PIB bas ? Pas nécessairement. Nous serions tout aussi heureux de voir les choses ralentir un peu. Mais nous parlons là comme un vieux croûton, n’est-ce pas ? Alors passons à autre chose…
▪ Sur les marchés, la situation devient de plus en plus étrange
Des choses qui devraient coûter quelque chose partent pour rien. Des choses qui n’ont, fondamentalement, aucune valeur — comme les actions d’entreprises ne gagnant pas d’argent — se vendent une fortune.
Pourquoi ? Parce que si l’on peut emprunter un milliard de dollars et que la banque vous paie pour les prendre, combien vaut vraiment cet argent ?
En Europe, les taux de prêts immobiliers sont souvent variables… et les eaux sur lesquelles ils flottent montent et baissent généralement en fonction des taux courts. Et ils peuvent sombrer si bas que certains propriétaires obtiennent leurs maisons pour quasiment rien. Si, par exemple, on achète une maison pour un million d’euros… et qu’on a un taux lié au taux interbancaire européen à un mois… selon le spread, on paye sans doute son crédit environ 250 euros par mois. Alors combien vaut vraiment cette maison ? 250 euros par mois — à peu près la même chose qu’une seule pièce dans un taudis de Baltimore — ou bien vaut-elle vraiment un million d’euros ?
Que pensez-vous de recevoir 2 500 milliards de dollars gratuitement ? |
Avoir une maison pour 250 euros, toutefois, c’est de la petite bière. Que pensez-vous de recevoir 2 500 milliards de dollars gratuitement ?
C’est le montant, à ce jour, de la dette du Trésor US achetée par la Fed. D’accord, autrefois cette dette appartenait aux banques. A présent, elle est à la Fed. Et alors ?
Et alors… Eh bien, quand la Fed la détient, les intérêts versés par le gouvernement américain reviennent ensuite au gouvernement. En d’autres termes, le coût des intérêts est de zéro.
Et qu’en est-il du principal ? Dans les faits, il est annulé… effacé… il disparaît, s’évapore… Il suit les âmes des défunts vers un monde où les vivants ne peuvent pas pénétrer.
Le principe est clair : le gouvernement US a obtenu 2 500 milliards de dollars pour rien. Mais la signification d’un tel principe ? Impénétrable.