▪ Les chiffres de l’emploi US ont été publiés vendredi. Les autorités et leurs petits amis de Wall Street ont passé le week-end à tenter de leur mettre un sac en papier sur la tête.
Mohamed El-Erian a rapidement réagi :
"La machine de l’emploi US a visiblement perdu du terrain en mars, avec seulement 126 000 nouveaux emplois — un chiffre de loin inférieur aux attentes du consensus, aux environs de 250 000 — et avec des révisions effaçant 69 000 postes du total des deux mois précédents, selon le département du Travail. Ces résultats peu reluisants mettent fin à une impressionnante série de 12 mois consécutifs d’augmentations de l’emploi.
Largement inférieure au type de gains que l’on pourrait espérer sur la base des modèles historiques, la croissance des salaires a légèrement augmenté en mars. Avec un gain de sept cents de l’heure pour ce mois-là, l’augmentation annuelle des revenus horaires moyens représente désormais 2,1%. Tout impact positif sur la consommation, cependant, a été absorbé par le léger déclin de la semaine de travail".
Oui, les chiffres de l’emploi étaient moches. Ils confirment les autres preuves qui arrivent par monts et par vaux, aussi bien de l’industrie que du commerce, des foyers sur terre et des navires en mer : ce n’est pas une reprise ordinaire. En fait, ce n’est pas une reprise du tout. Elle est étrange et artificielle, comme une patiente victime d’un mauvais chirurgien esthétique.
Sauf que dans le cas présent, les dommages n’ont rien d’un accident. Pas de faux mouvement ou de dysfonctionnement technique n’ont produit cette horreur. Il s’agit simplement d’escrocs économiques exerçant un métier frauduleux.
Le Dow Jones a repris quelques points, de son côté. Cette modeste augmentation n’était ni le résultat d’investissements honnêtes ni une estimation sérieuse de l’avenir économique. Bloomberg l’attribue plutôt aux ruses de la Fed :
"Le président de la Fed de New York, William Dudley, a déclaré que le rythme des augmentations de taux sera probablement ‘peu profond’ lorsque la Fed commencera à resserrer. Il s’agit là des premiers commentaires de la part des principaux dirigeants de la Fed depuis que les chiffres gouvernementaux ont indiqué que l’emploi s’était moins développé que prévu en mars. Par le passé, les données signalant une prolongation des taux zéro étaient accueillies favorablement par les investisseurs boursiers américains ; aujourd’hui, cependant, les inquiétudes montent au sujet de la faiblesse économique et de son effet sur les perspectives de profits des entreprises".
Les épargnants n’obtiendront rien, en l’échange de leur persévérance et de leur discipline, pendant encore très très longtemps |
Vous avez pigé ? Des augmentations de taux "peu profondes" ! Traduction : les épargnants n’obtiendront rien, en l’échange de leur persévérance et de leur discipline, pendant encore très très longtemps. Au lieu de ça, l’argent qui devrait leur revenir de droit sera transféré vers les riches… et vers les joueurs et les spéculateurs… comme c’est le cas depuis six ans maintenant.
▪ Silicone et intervention gouvernementale
Revenons à M. El-Erian qui, ayant vu les traces de cette opération bâclée, semble en perdre la boule. Il demande à ce que les autorités "fassent quelque chose".
Comme si elles n’en avaient pas déjà assez fait ! Ce sont elles qui ont injecté le silicone du crédit, gonflant le Monstre de 2008. Ensuite, alors que les proches de la patiente rendaient tripes et boyaux dans la poubelle de la chambre d’hôpital, les autorités se sont remises au travail. Désormais, l’économie est plus grotesque que jamais.
Et voici M. El-Erian, qui en demande plus :
"… combien plus l’économie américaine pourrait — et devrait — prospérer, n’étaient le dysfonctionnement politique à Washington et un Congrès ‘tire-au-flanc’ qui empêche des réformes structurelles exhaustives, des dépenses d’infrastructures et une politique budgétaire plus réactive".
Il n’est pas seul. L’un de nos bouchers préférés, Larry Summers, est dans le Financial Times, offrant de faire un lifting supplémentaire à l’économie mondiale dans son ensemble.
C’est M. Summers qui, en tant que secrétaire au Trésor US, a contribué à assembler le Frankenstein qui nous sert d’économie mondiale. Lui et ses collègues chirurgiens sont responsables de ses grosseurs disgracieuses et de sa forme inhumaine. Leurs milliers de milliards de dollars de crédit facile ont fui, formant des bourrelets un peu partout.
La Chine a-t-elle trop de capacité industrielle ? Le monde a-t-il un excès de pétrole ? Les gouvernements sont-ils trop endettés ? Et les entreprises ? Et les ménages ? Toutes les banques centrales de la planète ou presque n’ont-elles pas essayé de stimuler la demande avec du crédit bon marché… accumulant ainsi un fardeau de dette si lourd qu’il menace désormais l’économie mondiale tout entière ?
M. Summers agite son scalpel ; il a hâte de remettre la patiente sur la table |
M. Summers agite son scalpel ; il a hâte de remettre la patiente sur la table. Selon lui, les Etats-Unis auraient dû donner plus d’argent au FMI, ce qui aurait "étayé la confiance dans l’économie mondiale".
Selon lui, le problème actuel est que "les capitaux sont abondants, les pressions déflationnistes sont substantielles et la demande pourrait manquer pendant une longue période".
Le pauvre M. Summers ne sait pas faire la différence entre le capital et le crédit. C’est le capital — qu’on obtient en épargnant de l’argent et en l’investissant avec sagesse — qui est le vrai muscle d’une économie. Le crédit facile — ce que les charlatans injectent dans des tissus adipeux pour tenter de rendre l’ensemble plus attrayant –, en revanche, est ce qui a transformé l’économie en monstre.
Hélas, en ne donnant pas plus d’argent au FMI, il se pourrait que "les Etats-Unis ne soient pas en position de modeler le système économique mondial", dit Summers.
Et ça, ce serait tellement dommage…