▪ Les places européennes se sont montrées volatiles ce mercredi, Wall Street pas du tout ! Mais avec ou sans graphiques en montagnes russes, tous les indices boursiers ont passé la majorité de la séance en territoire légèrement négatif… Cela peut s’expliquer alors que le Dow Jones, par exemple, enregistre la plus forte hausse des 71 dernières années à l’issue d’un mois de septembre (nous avons largement débattu des divers aspects de cet exploit singulier).
Ce qui nous frappe, c’est que l’atmosphère semblait déjà "figée" outre-Atlantique à la veille de l’ultime séance du troisième trimestre, tandis que des vents tourbillonnants soufflaient encore sur le Vieux Continent. Les causes sont à rechercher du côté des marchés des changes où la guerre des devises dénoncée mardi par le ministre du Commerce brésilien s’annonce longue et impitoyable entre le Japon, l’Europe et les Etats-Unis
Le CAC 40 aligne une troisième séance de repli consécutif, mais cela ne constitue même pas l’ébauche d’une tendance. Avec une nouvelle consolidation de 0,67%, la perte cumulée s’élève à 1,2% depuis le début de la semaine : l’indice hexagonal en avait gagné autant au cours des deux dernières heures de cotation vendredi.
Cela fait trois jours que le CAC 40 oscille de part et d’autre des 3 750 points. En réalité, l’indice est bloqué sous les 3 780 points (le cours d’ouverture de ce mercredi) depuis le 13 septembre dernier.
Il faudrait être naïf pour penser que cela relève d’un pur hasard… ou que les errements du CAC 40 entre 3 700 et 3 800 points reflètent une simple période d’indécision passagère comme les marchés en traversent si souvent.
La multiplication des faux signaux haussiers ou baissiers, souvent sans aucun rapport avec l’actualité du jour, semble bien orchestrée. Elle a permis de piéger beaucoup de "suiveurs" ; le troupeau a vocation à se faire tondre… Il faut simplement lui laisser un peu de temps pour qu’il chasse cette évidence de sa mémoire, ce qui prend généralement le temps que la laine lui repousse sur le dos.
▪ Le marché ne va nulle part. Cela génère des sentiments mitigés qui vont de l’agacement au profond ennui. Qui cela peut-il réjouir au point de faire "durer le déplaisir" ?
Eh bien, tout simplement tous ceux qui ont mis en place des stratégies surfant sur la stabilité des indices (fonte de la valeur temps, expiration de warrants, désactivation des stratégies directionnelles via des produits dérivés). Il suffit d’avoir la capacité financière — et informatique — d’enfermer les cours dans un étroit canal de consolidation horizontal.
Il n’est pas besoin de se demander d’où vient l’argent : la Fed en injecte presque toutes les semaines par le biais des bons du Trésor US. Mardi, elle a émis 23 milliards de dollars de T-Bonds à 5 ans avec un rendement de 1,26% (le plus bas de l’histoire pour un instrument portant cette maturité aux Etats-Unis). C’est de l’argent quasiment gratuit offert aux banques et aux hedge funds pour mettre en place des stratégies spéculatives à fort effet de levier.
Mais l’acheteur final, nous direz-vous, il faut bien qu’il existe malgré tout ! En effet, et il s’agit du futur retraité qui accumule du papier sans jamais pouvoir le revendre quand il le faudrait… tandis que les traders professionnels prélèvent chaque jour, quasiment sans prendre le moindre risque, les quelques cents qu’ils peuvent glaner avant de rentrer chez eux avec zéro position pour le lendemain.
Les petits ruisseaux font effectivement les grandes rivières… et pour le pauvre épargnant, chaque retournement de tendance se solde par un océan de pertes. En effet, il ne peut jamais engranger ses gains et on lui fait croire ensuite que tant qu’il n’a pas vendu, il n’a pas perdu.
▪ Vous n’avez pas manqué d’observer que Wall Street semble refléter une conviction plus haussière qui ne s’est pas démentie ces 15 derniers jours… Mais tous les non-résidents qui ont investi dans les marchés américains continuent de perdent de l’argent par le jeu des parités monétaires, avec un dollar qui dégringole à présent sous les 1,36350/euro.
Les exportatrices auraient dû accuser le coup mais la lourdeur provenait du secteur bancaire, ce mercredi. Cela toujours sur des rumeurs d’augmentation de capital sur Société Générale, qui chutait de -3,5%. BNP Paribas, pourtant guère concernée par une levée de fonds, a suivi avec -2,35%.
Même scénario à Wall Street (-0,25% au final), qui a souffert du repli d’AMEX (-1,5%), Travellers et J.P. Morgan (-1,4%), ainsi que de Bank of America/Merrill Lynch (-1,2%).
▪ La "hausse miracle" des indices vendredi dernier avait reposé sur des valeurs financières en pleine euphorie. Certaines réalités désagréables occultées durant trois séances sont revenues sur le devant de la scène avec une interview de Meredith Whitney, l’analyste la plus écoutée s’agissant du secteur bancaire américain.
Elle reprend l’intégralité des arguments que nous exposons sans relâche depuis la mi-septembre concernant la faillite en cascade des Etats de l’Union américaine. Wall Street a évacué par avance cette préoccupation en misant dès vendredi sur des rachats massifs de créances municipales et des dettes fédérales par la Fed dès le mois de novembre (le fameux assouplissement quantitatif).
Il n’y a donc plus aucune raison de s’inquiéter… et seuls des esprits chagrins continueront de s’alarmer que les montants en jeu représentent plusieurs fois les dettes à risque cumulées de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne réunis.
Beaucoup d’observateurs continuent d’associer la Fed à l’image d’un hélicoptère déversant des liasses de dollars fraîchement imprimés sur Wall Street… Mais la réalité du terrain serait plus proche d’une noria de gigantesques camions-poubelles évacuant — sans témoins et hors champ des caméras — des tombereaux de créances pourries par la rue de derrière.
Et où sont-elles déversées ? Dans les coffres de cette même Fed — elle mériterait également l’appellation de plus grand pourrissoir financier de la planète. Ces montagnes de créances nauséabondes (leur odeur fait fuir les détenteurs de dollars) seront ensuite disséminées, après avoir été reconditionnées sous forme de lots sommairement décontaminés, dans les portefeuilles des assureurs et des fonds qui gèrent l’épargne des contribuables américains.
Il est grand temps de rebaptiser "Helicopter Ben" en "Garbage Ben" — "l’éboueur" pour nos lecteurs francophiles.