▪ Vous qui lisez quotidiennement nos textes ne connaissez que ceux qui les signent — mais pour qu’ils soient publiés et rencontrent leur public, il faut des sortes de fées bienveillantes qui excellent dans l’art d’attirer l’attention des bonnes personnes au bon moment.
Fanny, directrice de la rédaction aux Publications Agora, était de celles-là.
Mère de deux jeunes enfants, le destin a voulu qu’un mal implacable l’emporte en quelques mois… ce qui rend toutes relatives les turpitudes économiques que nous vous décrivons au quotidien.
Vous nous pardonnerez donc de ne pas avoir le coeur à glisser les traits d’humour habituels dans les textes qui vous sont proposés aujourd’hui — bien que les occasions de railler les petitesses des actes et des raisonnements du microcosme financier soient encore légion en ce mercredi.
▪ Nous avions copieusement brocardé Jean-Claude Trichet, sa garde rapprochée, ainsi que ceux qui se font désormais un devoir d’encenser le président de la BCE, lors de la pseudo « opération vérité » devant faire toute la lumière sur la capacité des banques à encaisser de vilains chocs que les experts les plus lucides continuent de redouter.
Nous soupçonnions les stress tests de n’être que des opérations de poudre aux yeux, confectionnées sur mesure afin de permettre à tous les acteurs du secteur financier de faire bonne figure, aussi bien ceux qui brassent de l’argent que ceux qui les supervisent.
Nous n’aurons même pas eu à patienter jusqu’à un premier accident de parcours de type « appel au marché dans l’urgence » pour en avoir la confirmation. Le Wall Street Journal crée la sensation en démontant les rouages de stress tests qui s’avèrent au moins en partie bidon.
▪ Nous sommes par ailleurs étonné que les médias anglo-saxons ne se soient intéressés que si tardivement à l’euthanasie téléguidé par Bruxelles de l’Anglo-Irish Bank. Cette dernière dégage des pertes d’une ampleur insoupçonnée (25 milliards d’euros cumulés) plus de deux ans après l’éclatement de la bulle du crédit immobilier. Des pertes d’une ampleur telles que l’équilibre budgétaire de l’Irlande — que l’on disait convalescente et sur le point de retrouver la confiance des marchés — en est sérieusement ébranlé.
La situation de l’Anglo-Irish apparaît soudain si désespérée que même la solution de la scission de ses actifs entre une structure saine et une « bad bank » n’est plus jugée ni viable ni même pertinente.
La mise en faillite qui se prépare (une sorte de Lehman au ralenti) fera de nombreuses victimes collatérales. Pourtant, les médias ne s’étendent pas sur le sujet, trop occupés qu’ils sont à commenter la nomination du banquier millionnaire Bob Diamond — surnommé « le banquier aux 100 millions de dollars de bonus » — à la tête de la Barclays.
Véritable symbole de tous les excès et de toute la démesure des rémunérations offertes à certains brasseurs d’argent, y compris durant la crise (il avait reçu 25 millions d’euros de bonus fin 2007 alors que temps tournait déjà à l’orage du côté de la finance casino), la promotion de « Bob le Millionnaire » à la tête du célèbre groupe bancaire démontre que les ultimes scories des bonnes résolutions de fin 2008 sont complètement balayées outre-Manche.
▪ Le Wall Street Journal, comme nous l’écrivions, a pour sa part balayé dans son édition du week-end quelques confortables illusions qui avaient servi de prétexte à une envolée de 10% du CAC 40 et des indices européens fin juillet/début août.
D’après le quotidien new-yorkais, qui a fait l’effort de passer au crible les résultats de ces tests de résistance (et pourquoi ce journal est-il le seul s’être impliqué dans cette enquête?), une poignée d’établissements financiers n’ont pas fourni le tableau aussi détaillé que l’exigeaient les autorités concernant la détention d’obligations d’Etat potentiellement à risque.
Des banques ont exclu arbitrairement certaines catégories d’obligations ou masqué leurs engagements par des positions à découvert afin de réduire artificiellement le montant de leur exposition. Le Crédit Agricole, par exemple, très exposé en Grèce au travers de sa filiale Empokiri, n’aurait pas comptabilisé la dette souveraine détenue par sa filiale d’assurance.
L’article du Wall Street Journal a fait l’effet d’une douche froide sur le secteur bancaire et l’euphorie des premières séances de septembre s’est promptement dissipée.
▪ Comme pour achever de faire pencher la balance côté consolidation mardi matin, l’unique chiffre économique du jour inscrit au tableau a été particulièrement décevant. En effet, les commandes à l’industrie allemande ont chuté de 2,2% en juillet (après +3,6% en juin) alors que les économistes prévoyaient en moyenne une nouvelle hausse… d’environ 0,6%.
C’est alors que les opérateurs ont paru de souvenir que le comité de Bâle III se réunissait également ce mardi pour finaliser les nouvelles normes de solvabilité qui seront exigées des banques (elles pourraient devoir lever encore plus de 30 milliards rien qu’en Europe).
Au final, les places européennes, tout comme Wall Street, ont cédé 1,1% en moyenne. Cela n’apparaît pas cher payé compte tenu de toutes les mauvaises nouvelles conjoncturelles que les marchés ont voulu ignorer au nom de la magie de chiffres de l’emploi « moins mauvais que prévus » vendredi dernier.
Il m’est difficile aujourd’hui de considérer avec légèreté ces « moins mauvais que prévu » qui précèdent le plus souvent une issue « plus tragique que prévu ».