▪ La grève générale qui paralyse la Grèce a manifestement euphorisé la bourse d’Athènes. Cette dernière a repris 2,4%… après avoir, il est vrai, renoué la veille avec son plancher annuel des 800 points.
Les Grecs semblent presque résignés à leur triste sort depuis la faillite de Chypre. Ils ont bien compris que si la Troïka ne finissait pas tranquillement son travail de destruction de 40 ans de progrès social, les créanciers européens n’hésiteraient plus à venir ponctionner directement les comptes des épargnants.
Une majorité de Grecs ne devrait pourtant pas se préoccuper d’une telle issue : leurs comptes de dépôt sont à découvert et l’économie souterraine — où tout se règle en liquide — poursuit sa montée en puissance.
En ce qui concerne les « riches » (professions libérales, hôteliers, armateurs), ils n’ont rien à redouter non plus. Leur bel argent est depuis bien longtemps à l’abri sur des comptes à l’étranger, en Suisse principalement.
Les victimes potentielles d’un scénario à la chypriote se recrutent donc essentiellement parmi les fonctionnaires dits « aisés » et les classes moyennes — enfin, ce qu’il en reste.
▪ La France, points communs avec la Grèce
Cela devrait nous rappeler quelque chose, à nous Français. Après tout, notre ISF a entraîné la fuite de pratiquement toutes les grandes fortunes à l’étranger (y compris un exil fiscal de la plupart des sportifs de renom), et la pression fiscale s’accroît insidieusement sur les classes moyennes supérieures.
Soit l’imposition directe sur les revenus et le patrimoine s’alourdit, soit les prestations versées diminuent ou se retrouvent supprimées — ceci malgré la poursuite des prélèvements correspondant à ces aides auxquelles le contribuable « aisé » n’a plus droit.
Le problème, c’est que définir l' »aisance » demeure un problème épineux, y compris au sein du territoire national… Avec un budget de 1 200 euros pour se loger et 500 euros de frais de garde pour des enfants qui ne trouvent pas de place en crèche, plus tous les frais incompressibles (nourriture, EDF, taxe d’habitation, abonnements numériques, assurances), un salarié de la région parisienne qui touche 3 000 euros par mois — et son conjoint qui gagne 1 500 euros — sont très loin de « l’aisance ».
A contrario, un ménage du Poitou, des Vosges ou du Finistère, où un seul des deux conjoints travaille pour 2 860 euros (l’équivalent de deux SMIC par mois), peut disposer d’un toit confortable et boucler les fins de mois sans écoper de frais d’agios.
En Grèce, le ménage à 2 860 euros fait désormais partie de la catégorie des riches. Quant au couple à 4 500 euros, il fait partie des ultra-privilégiés, au lieu d’appartenir à la classe moyenne supérieure il y a quatre ans.
Grec ou Français, en tout cas, chacun mesure à quel point le passage à l’euro en 2000 ou 2002 l’a « enrichi »… et à quel point le processus d’appauvrissement, de précarisation et de déclassement social semble irréversible.
▪ Les marchés, eux, semblent à l’abri…
Oui, tout le monde le mesure, sauf les marchés : pour eux, il n’y a pas de limite à ce que la population est capable d’endurer. Ils ne commencent à s’inquiéter que lorsque l’armée est appelée en renfort pour protéger les bâtiments ministériels et la présidence d’un pays.
Un investisseur en revanche ne saurait endurer très longtemps un rendement des actions inférieur à celui d’un placement obligataire « sans risque ». Combien de temps le Nasdaq 100 va-t-il continuer de battre des records avec une croissance à 1,8%, des profits en baisse, un rendement à 1,20% alors que les T-Bonds US offrent 2,5% de rémunération ?
Les opérateurs attendent depuis trois semaines une embellie sur les marchés obligataires… mais elle ne vient pas. Il y a bien ici ou là quelques rachats techniques qui favorisent une détente des taux ponctuelle, mais elle se retrouve effacée dès le lendemain. Dans le contexte actuel de messages contradictoires de la Fed, les cours rechutent à la moindre alerte.
Hier, tous les regards étaient braqués sur les T-Bonds, à 48 heures d’un nouveau discours de Ben Bernanke devant le Congrès US. Le résultat de cette journée a été une stagnation désespérante du marché obligataire américain, le 10 ans restant scotché à 2,54%/2,55%.
Les chiffres du jour n’y ont rien changé. Les prix à la consommation aux Etats-Unis ont augmenté de 0,5% en juin, essentiellement sous l’effet de la hausse de l’essence. Cependant, personne n’en tire la conclusion que le pouvoir d’achat des ménages est sous pression.
▪ … mais lèvent le pied quand même
S’agissait-il d’un bon prétexte pour lever le pied ? Wall Street n’a en effet pas inscrit une 10ème séance de hausse consécutive mardi (ni le Nasdaq 100 une 15ème hausse d’affilée). Il semble toutefois prématuré de parler de consolidation.
Les indices américains se sont contentés de plafonner à 0,2% ou 0,3% en dessous de leurs records absolus, la séance étant remarquablement peu volatile : pas plus de 0,6% entre les extrêmes du jour pour le Dow Jones, le Nasdaq et le S&P 500.
A noter tout de même le recul de 0,45% du Russell 2000 et de 0,75% du Dow Transport… Un repli fort modeste en regard des 10% et plus engrangés depuis le 1er juillet.
L’absence de volatilité pourrait s’expliquer par une raison technique : l’expiration des options sur le VIX (l’indice de la peur a pris 4,9% à 14,45), qui a gelé les initiatives directionnelles sur les indices.
L’autre explication résiderait dans une prudente abstention des investisseurs dans l’attente du discours bisannuel de politique monétaire que prononcera Ben Bernanke ce mercredi devant le Congrès américain. De nombreux spécialistes estiment qu’il a tout intérêt à continuer d’entretenir la confusion sur la stratégie de la Fed et répéter qu’elle agira en fonction des circonstances.
Cela nous rappelle un sketch de Pierre Palmade parodiant un candidat au poste de président de la République. La Fed pourrait résumer la ligne directrice de son programme monétaire à « ça dépend, on verra… »
Ben Bernanke pourrait envisager sa reconversion de faux-monnayeur en humoriste. Après tout, le QE3 destiné à la relance… tout le monde sait bien que c’est un gag !
1 commentaire
j’espère que l’Europe travaille à une solution pour sortir la Grèce du pétrin. Par contre, je ne suis pas sûr que l’exile fiscal de quelques grosses fortunes ait un grand impact sur notre économie.