▪ Avec ou sans statistiques américaines justifiant une montée d’adrénaline des places occidentales, la Bourse de Francfort a réalisé un sans-faute avec l’inscription de six séances gagnantes consécutives.
L’Euro-Stoxx 50 engrange +3,2% sur l’ensemble de la semaine. Paris affiche de son côté un score de +4%, ce qui compense largement les 2,5% perdus à l’issue de la semaine précédente. A Wall Street, le S&P 500 a bien failli aligner vendredi une septième hausse d’affilée avant de lâcher in extremis 0,15% vendredi, à quelques secondes de la clôture ; le score hebdomadaire avoisine +3,9%.
L’optimisme des opérateurs se renforce avec la répétition de la hausse. Ce sont simplement les adjectifs concernant la reprise qui changent au fil des jours : rapide, forte, très surprenante, d’une vigueur exceptionnelle, dépassera toutes les attentes…
Les opérateurs découvrent chaque jour de nouvelles raisons pour justifier un rally haussier dont l’ampleur est inversement proportionnelle à l’amélioration réelle des conditions économiques. C’est en tout cas ce que nous rappellent Dominique Strauss-Kahn et la révision en baisse du PIB japonais, de +0,9% à +0,6% seulement.
▪ La Chine, en revanche, confirme ses objectifs de croissance de 8%… mais le plan de relance de Pékin, à 500 milliards d’euros, est proportionnellement le plus massif rapporté au PIB des 10 plus grands pays de la planète. Il ne saurait masquer une chute de 13% des exportations en rythme annuel qui démontre le ralentissement des échanges mondiaux avec la Chine.
Aux Etats-Unis, les prix à l’importation ont grimpé de 2% en août, d’après le département du Travail. Ce rebond est dû à la hausse du prix du pétrole importé (+9,8% en août).
Cette "excellente nouvelle" (le spectre de la déflation s’éloigne) s’ajoute à la déferlante des études archi-positives recommandant l’achat de pratiquement toutes les valeurs inscrites à la cote — les banques rehaussant leurs objectifs de cours en perspective d’une forte hausse des profits en 2010. A noter qu’aucun doute n’est jamais émis sur la puissance de la reprise !
▪ L’indice de confiance du Michigan a traduit une nette amélioration du sentiment des ménages américains début septembre. L’emploi demeure rare mais ceux qui possèdent une épargne boursière ont enfin de quoi retrouver un peu le sourire.
Ils l’avaient perdu au mois d’août mais les investisseurs avaient passé outre. Ils avaient considéré que M. Tout-le-Monde percevait mal — à cause de toutes les difficultés du quotidien — la formidable amélioration de la conjoncture que Wall Street a identifié de manière si pertinente.
Mais dans ce cas, pourquoi les dirigeants du groupe Air France-KLM s’apprêtent-ils à réduire de moitié (c’est sans précédent) la flotte d’avions dédiés au fret aérien ? Est-ce ainsi que la compagnie manifeste son anticipation d’une forte hausse de l’activité commerciale à l’échelle mondiale au cours des prochains mois ?
La confédération des transporteurs routiers européens constate également une forte chute des volumes et des marges au deuxième trimestre. Le fret ferroviaire ne redémarre que très lentement aux Etats-Unis : le tonnage transporté en août a été à peine meilleur qu’en février dernier, un mois alors jugé catastrophique… mais les choses étaient encore pires en mars et en avril. L’indice Baltic (volumes de matières premières transportées par bateau) recule quant à lui fortement depuis fin juin — de 4 300 vers 2 555 en deux mois et demi. Aucun doute, la reprise s’avère d’une rapidité et d’une ampleur inattendue dans les pays développés…
Mais aucun de ces indicateurs de l’état réel de l’économie — dont le pouls peut être pris avec beaucoup de précision au quotidien — n’intéresse les marchés financiers. Seul compte leur sens de l’anticipation d’une guérison, réputé infaillible.
L’attitude des investisseurs semble consister à viser toujours plus haut. Cela afin d’éviter de douter de l’amorce d’une reprise en "V"… ou d’envisager un scénario à la japonaise, le plus funeste exemple d’une reprise en "L" — qui présente tant de points communs avec celle qui se dessine depuis fin juin aux Etats-Unis.
Observez le parcours des marchés obligataires ces deux derniers mois : donnent-ils le sentiment d’anticiper une croissance économique digne d’une pousse de bambou… ou d’un pied de buis ?
▪ Parmi les phénomènes financiers qui divisent les analystes depuis le début du mois de septembre, il y une nette détente des taux longs américains. Cela semble illogique en cette période d’emballement des investisseurs pour le scénario de la reprise "plus forte que prévue".
En effet, les banques centrales se verront contraintes de modifier, voire de stopper leur politique d’assouplissement quantitatif. Il n’est pas exclu que quelques tensions sur les coûts de production se matérialisent, ce qui aboutirait à l’adoption d’une attitude plus défensive par rapport à l’inflation.
La hausse des bons du Trésor américain a été impulsée par une demande beaucoup plus forte qu’anticipée sur les maturités 10 et 30 ans (sur les deux tranches émises par la Fed les 9 et 10 septembre). Cela s’inscrit également à contre-courant du mouvement de repli du dollar.
▪ En effet, les cambistes justifient la glissade du billet vert sous les 1,46/euro et sous les 90,5 yens par la résurgence du mécanisme très spéculatif de carry trade au profit de devises mieux rémunérées (comme celles de certains pays émergents). Si telle est effectivement la réalité, les étrangers ne peuvent pas à la fois vendre à découvert du dollar et se mettre symétriquement acheteurs de T-Bonds, la première proposition excluant l’autre.
Nous assistons à une de ces périodes étranges où l’on peut soutenir une thèse et son contraire… Mais il existe une catégorie d’opérateurs qui ne se laissent pas troubler : il s’agit des acheteurs de métal précieux — l’once d’or a dépassé par deux fois les 1 000 $ l’once ces derniers jours.
Leur stratégie a le mérite de la clarté et de la constance. Il s’agit d’un arbitrage au détriment d’un dollar devenu surabondant, avec le doublement du bilan de la Fed en un an et un déficit américain entièrement financé par de la création monétaire, à hauteur de 2 000 milliards de dollars.
Mais cette réalité, comme tant d’autres, n’existe pas si les médias estiment qu’il est inutile de l’évoquer… tout comme l’implosion du marché des CDS en 2007.