▪ Edward Gibbon décrivait l’ère la plus heureuse de l’humanité comme étant la période des "cinq bons empereurs", entre 98 et 180 après Jésus-Christ, année où Marc Aurèle est mort.
Quel était l’âge d’or des Etats-Unis ?
Il est bien trop tôt pour écrire l’histoire de la décadence et de la chute de l’Amérique. Mais ça ne nous empêche pas de faire quelques suppositions.
Nous dirions que la période entre la chute du mur de Berlin et la chute de Lehman Bros. — soit 19 ans seulement — marquait le sommet de la puissance et de la richesse des Etats-Unis. Bien entendu, les Américains rêvaient durant ces années. Leurs rêves étaient de l’espèce impériale : l’empire américain était un tel atout pour le reste du monde que les étrangers le soutiendraient indéfiniment. Rome n’avait rien laissé au hasard : elle forçait les nations conquises à verser un tribut — des esclaves… de l’or… et du blé. L’empire américain dépendait quant à lui du commerce… et du dollar. Tant que les Etats-Unis avaient un avantage commercial, l’empire était profitable. Mais à mesure que le 20ème siècle prenait de l’âge, il en allait de même pour l’économie américaine. Ses concurrents — l’Allemagne et le Japon, principalement — avaient un grand avantage. Ils avaient été rasés par les bombardements durant les années 40. Ils pouvaient repartir de zéro. L’avantage commercial des Etats-Unis disparut peu à peu… puis sa balance commerciale finit par passer dans le rouge au milieu des années 80. Désormais, elle se creuse un peu plus chaque année ou presque.
Les pertes commerciales ont toutefois diminué après la chute de la maison Lehman. Les Américains ont réduit leurs dépenses. Mais nous avons appris la semaine dernière que le déficit commercial américain s’était à nouveau approfondi, plus que durant tout autre mois ces 10 dernières années. Les Américains sont-ils soudain redevenus dépensiers ? Probablement pas. Mais nous devrons attendre une nouvelle explication ; en ce qui nous concerne, nous n’en avons pas.
Aucun compte-rendu des années de gloire des Etats-Unis — à peu près la période entre le règne de George Bush I et celui de son fils, George Bush II — ne serait complet sans la mention des événements qui se sont déroulés il y a huit ans. Un petit groupe de terroristes a réussi un coup stupéfiant — abattre deux immeubles emblématiques des Etats-Unis, au coeur même de la ville de New York… et tout ça en prime time à la télévision ! Les historiens seront tentés de faire de cet événement un repère marquant la fin de la période de bonheur maximum aux Etats-Unis d’Amérique. Nous leur conseillerions de s’abstenir. C’est plus tard seulement qu’il est apparu que la réaction américaine aux incidents terroristes était suicidaire. Le pays avait désespérément besoin de remettre ses ambitions en ligne avec ses moyens. Il devait épargner et investir dans de nouvelles usines et infrastructures. Au lieu de ça, il a gaspillé des milliers de milliards de dollars pour lutter contre des fantômes et des inconnus. Mais pour autant qu’on puisse en juger, l’influence, le prestige et la puissance des Etats-Unis restèrent près de leur zénith durant la guerre contre la terreur et la guerre en Irak.
La chute de Lehman a changé les choses. Il était évident que non seulement les Etats-Unis étaient vulnérables, mais ils étaient leurs propres ennemis. Ils avaient tiré au flanc durant leurs années de gloire, jouant avec les lionceaux qui grandiraient et les dévoreraient tout cru. A présent, dans la période actuelle, l’Amérique tente de se rendormir pour revivre ses rêves apaisants. C’est exactement à ça que revient la "reprise" — un retour entre les bras de Morphée et aux sottises… où les gens pensent pouvoir s’enrichir en dépensant de l’argent qu’ils n’ont pas pour des choses dont ils n’ont pas besoin.
Heureusement, pour autant que nous puissions en juger, la majeure partie des citoyens sont désormais éveillés. Un article, au début de la semaine dernière, montrait qu’ils remboursaient leurs dettes à un rythme quatre fois plus rapide que celui prévu par les économistes. Les taux d’épargne grimpent. Les dépenses chutent. Les gens font ce qu’ils devraient faire — ils réduisent leur train de vie.
Mais les autorités continuent leurs efforts pour saboter la correction et détruire l’empire. Elles ont déjà gonflé le budget — avec 9 000 milliards de dollars de déficits attendus sur les 10 prochaines années. A présent, elles s’attaquent au dollar.
Les investisseurs boursiers semblent se réjouir de l’arrivée d’un nouveau grand marché haussier. Etant donné que l’économie se détériore, ils rêvent probablement eux aussi. Le revenu médian des ménages américains a chuté de 3,6% au cours des 12 derniers mois. Bien entendu, on n’en attendrait pas moins durant une correction. Mais ce n’est pas ce qu’espéraient les autorités. Elles ouvrent donc toutes les vannes pour essayer de renverser la situation. Plus important, elles ouvrent la vanne qui empêchait le dollar de rouler tout en bas de la colline.
▪ La faiblesse du dollar n’est pas passée inaperçue aux yeux de son plus grand détenteur étranger — la Chine.
Le Telegraph en parlait la semaine dernière :
"’Nous espérons voir un changement de politique monétaire dès qu’ils reviendront à une croissance positive", déclarait Cheng Siwei… en parlant des Etats-Unis.
"S’ils continuent à imprimer de l’argent pour acheter des obligations, cela mènera à de l’inflation, et après un an ou deux, le dollar chutera lourdement. La majeure partie de nos réserves sont en obligations américaines, une situation très difficile à changer, nous allons donc diversifier nos réserves incrémentielles en euros, yens et autres devises", a-t-il dit.
Les réserves chinoises dépassent les 2 000 milliards de dollars — ce sont les plus grandes au monde.
M. Siwei continuait en disant : "l’or est très certainement une alternative, mais lorsque nous achetons, le prix grimpe. Nous devons donc agir avec précaution afin de ne pas stimuler les marchés", a-t-il ajouté.
Nous avons aussi appris la semaine dernière que la Chine allait émettre ses propres obligations — en yuans.
Cette nouvelle est une pierre dans le jardin de la devise impériale américaine. Elle signale que la Chine se met en position pour éventuellement défier le billet vert. Les investisseurs auront une alternative au dollar… une autre obligation émise pour un autre gouvernement et soutenue par une autre économie… une économie qui est peut-être sur la pente ascendante, plutôt que descendante.