▪ Ne dirait-on pas que Wall Street — incapable de redresser la barre depuis le 2 mai — est bien parti pour aligner une septième semaine de repli consécutif ? A la mi-séance, le Nasdaq chutait de 0,5% et le S&P de 0,35%. Ces scores constituent l’exact symétrique de ceux affichés après le premier quart d’heure de cotation.
L’équilibre ne sera préservé qu’au bout du suspense, lors des toutes dernières minutes de cotations. Le Dow a terminé inchangé, le S&P a grappillé 0,07% ; le Nasdaq, de son côté, termine dans le rouge pour la septième fois sur une série de neuf séances, avec un score de -0,15%.
L’obnubilation haussière de janvier/février, avec un CAC 40 passant de 3 804 à 4 170 points en sept semaines, a apparemment trouvé sa contrepartie baissière. L’indice hexagonal enregistre une perte cumulée de 7,7% et revient de 4 138 à 3 796 points — ce qui referme au passage le gap haussier du 17 mars dernier.
Si la magie du chiffre sept opère (et la Bourse de Paris a terminé comme le S&P sur un score à la James Bond de +0,07% lundi), la phase corrective devrait laisser la place à un rebond technique… qui durerait sept jours ? Pour une fois, nos anticipations rejoignent celles des permabulls : les marchés ont digéré (provisoirement s’entend) la plupart des mauvaises nouvelles des six dernières semaines.
▪ Le sort a voulu que la troisième semaine du mois de juin débute sur une nouvelle triple dégradation de la notation de la Grèce par Standard & Poors (de B à CCC). Elle survient tout juste six semaines après un précédent abaissement de deux crans, synonyme de défaut de paiement imminent.
Avec un CCC, S&P signifie clairement que toutes les solutions envisagées actuellement (échange de titres ou allongement des maturités) seraient considérées de facto comme un incident de crédit ou un défaut.
Le noeud du problème, c’est d’orchestrer une restructuration de la dette avec l’aval du secteur privé (banques, fonds d’investissement, assureurs) sans que cela déclenche l’exercice des CDS que des spéculateurs ont acheté par centaine de milliers — même s’ils ne détiennent pas une seule ligne d’emprunts grecs (afin de faire la culbute en cas de faillite avérée d’Athènes).
Nous savons tous que cette éventualité, quel que soit le nom dont on l’affuble, est inéluctable. En effet, la Grèce ne pourra pas retourner sur les marchés financiers en 2012 ni « probablement après » comme le précise perfidement l’agence S&P.
Les communicants sont donc invités à reformuler puis à confondre « allégement du fardeau de la dette » et « restructuration » — afin que les agences de notation n’y voient que de feu et s’abstiennent de diagnostiquer un défaut de paiement.
▪ Pendant que les médias se focalisaient sur le psychodrame grec, personne ne s’est préoccupé du fait que la banque espagnole Santander échouait la semaine dernière à placer un milliard d’euros d’obligations sécurisées à cinq ans.
Cette émission offrant un coupon de 4,625% — soit une prime de 2% au-dessus du taux de référence du marché mid-swaps — n’a été souscrite qu’à 50%… Cet échec particulièrement cuisant a contraint les trois banques « chef de file » (Commerzbank, HSBC, Société Générale) à ravaler près de 100 millions d’euros de titres chacune.
Ces obligations finiront bien par trouver preneur. La BCE n’est jamais loin lorsque les banques systémiques européennes ont besoin d’un coup de pouce au moment opportun.
Le marché commencerait-il à être saturé d’émissions publiques et privées ? La Commerzbank vient de lever la bagatelle de 11 milliards d’euros pour renforcer ses fonds propres ; d’autres banques allemandes pourraient suivre. Pas de problème puisque le label « packaged in Germany » n’inspire pas d’inquiétudes.
Après l’échec de Santander, nous attendons avec une certaine curiosité l’accueil qui sera réservé aux prochaines levées de fonds des Caisses d’épargne ibériques transformées en banques par Madrid.
Ce sont elles qui portent l’essentiel du risque hypothécaire et des pertes latentes sur les millions de mètres carrés bâtis mais inoccupés et souvent invendables que des millions d’Espagnols rêvaient de transformer en capital-retraite.
Aujourd’hui, quand un salarié local épargne (et qu’il ne fait donc pas partie des 25% de chômeurs), il a de fortes chances de se retrouver indirectement propriétaire de créances douteuses émises par des institutions financières zombies dont la seule chance de survie réside dans la garantie de l’Etat espagnol.
Le serpent se mord la queue. La spéculation n’attend plus que le bon moment pour lui asséner un solide coup de pelle américaine !