Par Emmanuel Gentilhomme (*)
Spéculation, fondamentaux : tout pousse le cuivre à la hausse
Le Bureau a retenu la leçon et ne laisse absolument rien filtrer. Restent les rumeurs. Toujours selon Fortis, "le BRE a été bien plus actif sur le marché [du cuivre] qu’il ne l’est généralement admis". Dans tous les sens !
Savez-vous ce qui se disait à Shanghai, fin mai ? Que le BRE revendait la bagatelle de 50 000 t de cuivre, histoire de prendre des bénéfices. L’obscure officine chinoise n’aurait donc pas renoncé à une autre de ses habitudes : le trading. Allez donc vous faire une idée des tendances dans un marché pareil !
Certes, il n’y a pas que le BRE dans la vie. Très sensibles au prix, les "scrapes" (le cuivre recyclé, 15% de l’offre globale l’an dernier) se sont évaporés fin 2008, et reviennent tout juste. Les amateurs de cuivre de seconde main ont dû se rabattre sur du métal primaire. Et voilà que les investisseurs sont de retour sur les matières premières, et qu’ils jouent la hausse.
La baisse des stocks de cuivre sur le LME : un mirage ?
Tout cela chauffe à blanc le (relativement) jeune marché du cuivre chinois. A tel point que la dernière mode de Shanghai est de jouer sur la différence de prix entre le LME (5 265 $/t ce 11 juin) et le SHFE, son équivalent à Shanghai (41 180 yuans la tonne, soit 6 030 $).
Cette particularité incite les négociants à arbitrer leurs stocks du LME — dotés de centaines d’entrepôts partout dans le monde — vers le SHFE pour encaisser la différence. Voilà qui apporte un autre éclairage sur le recul des stocks du LME, passés de 548 000 à 295 000 t en trois mois.
"Symptomatique d’un marché chinois surapprovisionné"
En outre, les stocks chinois s’envolent alors que la presse rapporte le manque d’entrain des industriels. Le très respecté régulateur chilien du cuivre, la Cochilco, écrivait le 5 juin que "plus de 90% des retraits [des stocks de marché, soit -12 300 tonnes pour le LME sur la semaine, NDLR] étaient destinés au SHFE [+15 200 tonnes, NDLR]".Les stocks de Shanghai ont donc décollé de… 50,5% lors de la semaine du 5 juin, à 45 480 tonnes. "Symptomatique d’un marché chinois surapprovisionné", tranche la Cochilco.
Quelles perspectives de prix pour le cuivre ?
Terminons avec quelques prévisions. Fin mai, les analystes de l’agence Standard & Poor’s voyaient le cuivre revenir sous peu à 3 800 $/t. Le 8 juin, les Australiens de la banque Macquarie tablaient sur une correction à 3 500/4 000 $/t. Que disaient ceux de Fortis ? 3 700-4 850 $/t.
Vous m’objecterez qu’il ne s’agit que de prévisions bancaires. Mais trois des 10 premiers mineurs de cuivre viennent eux aussi de tenir des propos similaires. Le 1er juin, le Polonais KGHM tablait sur 3 800 $/t. Que déclare le patron de l’Américain Freeport-McMoRan, Richard Adkerson ? "En observant des statistiques comme la production industrielle et le PIB, on peut se faire une idée de la demande mondiale de cuivre. La reprise n’est pas encore arrivée", commente-t-il, avant d’ajouter : "la Chine est robuste, mais pour que nous retrouvions un marché du cuivre solide, il faudra que la demande fondamentale des pays développés se reprenne."
La parole à Bret Clayton, patron du géant minier australo-britannique Rio Tinto : "la hausse des prix n’est pas forcément soutenue par une demande fondamentale (…) De notre point de vue, il existe un risque baissier sur les prix du cuivre pour les six à neuf prochains mois".
A l’approche de l’été, le cuivre serait-il sur le point de se brûler les ailes ?
Meilleures salutations,
Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora
(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.