▪ Les chaînes d’information économiques anglo-saxonnes ne trouvaient pas de typographies assez grosses ni assez criardes pour illuminer les écrans d’un : "le Dow Jones retrouve les 10 000 points" ce mercredi… A croire que les responsables de la post-production allaient eux aussi toucher une prime d’objectif.
Depuis quelques jours, le bruit circule que ce serait le cas pour certaines équipes de traders de grandes banques qui entretiennent depuis l’automne dernier des relations étroites avec Tim Geithner et l’entourage de Barack Obama.
Ce ne sont peut être que des rumeurs malveillantes mais certains blogs semblent disposer d’informations si précises — telles que des rapports d’audition officiels du secrétaire au Trésor édités par le Congrès — que cela en devient troublant.
Nous ne tarderons pas à être fixés sur la réalité de cette coopération en fonction de l’intensité de l’usage politique qui sera fait de cet exploit tout à fait hors du commun. +63% de hausse pour le S&P 500 en sept mois et une semaine, c’est du jamais vu !
Quelques heures auparavant, les opérateurs avaient salué l’ouverture de Wall Street par une véritable ovation, pariant que la barre des 10 000 points serait franchie avant l’heure du déjeuner — ce qui a été le cas. Les restaurateurs new-yorkais vont certainement réaliser une de leurs meilleures recettes depuis l’automne 1999 !
▪ Pour résumer — à condition de ne pas considérer l’effet négatif d’un dollar qui s’effondre sous les 1,4940/euro dans l’indifférence générale –, c’est la journée parfaite. Pas une seule fausse note et une déferlante ininterrompue de bonnes nouvelles depuis mardi soir… pour 100% des indices boursiers à leurs plus haut annuel.
Anticipant un feu d’artifice à Wall Street mercredi soir, l’Euro-Stoxx 50 affichait pas moins de +2,5% en clôture, le CAC 40 +2,12%. L’indice parisien tutoie désormais les 3 900 points et s’apprête à refermer le gap des 3 934 points du 3 octobre 2008. Le franchissement des 3 860 points, tant espéré depuis la mi-septembre, s’est déroulé dans un climat d’euphorie et d’optimisme total — comme on n’en observe qu’à l’occasion d’une poignée de séances "magiques" au cours d’une décennie.
C’est comme si l’éclatement de la bulle du crédit et l’effondrement du système bancaire n’avaient jamais existé — comme l’affaire LTCM résolue par l’injection de quelques dizaines de milliards par la Fed fin 98.
Mais il y a plus… Lors de l’éclatement de la bulle des dot.com, il avait fallu pas moins de 22 mois au CAC 40 pour repasser de 2 500 à 3 900 points. Lorsque les 3 400 points ont été rejoints, il s’était déjà écoulé six mois. Il faudra deux mois de plus pour les effacer ! En 2009, il n’aura pas fallu plus de quatre mois et demi… et trois mois de plus pour gagner autant de terrain qu’au cours des 13 mois suivants (de novembre 2003 à janvier 2005).
Toute similitude entre la conjoncture au début de l’année 2005 (boom de l’investissement et de la consommation puis envol de l’immobilier) et celle qui prévaut fin 2009 est impossible à établir.
L’analyse technique valide un diagnostic 100% haussier. Elle se doit d’ignorer le contexte pour demeurer objective et efficace. Cependant, il n’est pas interdit de rechercher les causes techniques d’un tel prodige — et notamment l’établissement d’un record historique de séances de hausse au sein d’un intervalle de sept mois.
▪ Pour ajouter à la perfection des heures que nous venons de vivre ce mercredi, il faut souligner que tous les oscillateurs (qui mesurent la force d’un mouvement boursier), sur toutes les unités de temps considérées (de quelques minutes à une semaine) sont orientés à la hausse, avec le retournement des indicateurs hebdomadaires en clôture ce mercredi.
La encore, ce sont des conditions techniques qui ne s’observent qu’en de rares occasions. Cela n’avait jusqu’à présent jamais été le cas dans un contexte de flambée du chômage et d’effondrement de la valeur patrimoniale de l’immobilier en Occident.
A Paris, et comme nous l’anticipions sans grand mérite au vu des résultats et prévisions publiés mardi soir par Intel, les pertes de la séance de mardi ont été effacées dès l’ouverture. La dynamique haussière semble s’être encore renforcée avec la publication des trimestriels de JP Morgan. Elle paraît préfigurer le test des 4 000 points avant la compensation des contrats sur indice échéance octobre. Il s’agit là d’un pronostic auquel adhèrent maintenant 90% des opérateurs… les 10% restants pariant sur un CAC 40 à 4 060 points d’ici la fin du mois.
▪ Observer un CAC 40 renouant avec ses planchers de la mi-juillet 2008 ne manquerait pas de sel compte tenu des 15 millions de chômeurs supplémentaires apparus en Occident depuis lors. Il y a aussi les milliers de milliards de pertes connues ou potentielles toujours encourues par les banques sur les dérivés de crédit. Des sinistres financés par autant d’émissions de bons du Trésor garantis par les contribuables — c’est-à-dire les véritables victimes de la crise.
Mais là où le tour de passe-passe devient carrément génial, c’est lorsque l’argent public sert à financer la remontée des marchés financiers. Les titres arrachés à la hausse sont en fait revendus, via les prélèvements alimentant les fonds de retraite, à ces mêmes contribuables qui jouent le rôle d’investisseurs long terme quand les acheteurs pratiquent le day trading.
Les plus-values immédiates, et sans la moindre prise de risque, c’est pour les traders ! Les hypothétiques plus-values de long terme, c’est pour les futurs retraités qui supportent la totalité des aléas conjoncturels en assurant le portage de titres dont le cours est gonflé à l’hélium.
Et comme si se gaver sur les actions ne suffisait pas, les banques peuvent engranger — toujours sans prendre le moindre risque — des milliards en pratiquant le carry trade à grande échelle. Rappelons qu’il s’agit d’emprunter du dollar à 0% auprès de la Fed, en apportant en garantie des créances douteuses, puis replacer temporairement ces sommes sur des actifs obligataires rapportant des 3,5% et plus… comme la devise australienne par exemple.
▪ JP Morgan peut ainsi euphoriser Wall Street avec des profits astronomiques, supérieurs à tous ceux qui furent jamais divulgués lorsque l’économie américaine était au zénith de sa croissance en l’an 2000 puis en 2006 et 2007.
Nous vous passons le détail des profits pléthoriques de la division "banque d’investissement", qui comptent pour la moitié des 3,6 milliards de dollars de bénéfices du groupe. Nous préférons nous intéresser à ceux générés par la banque de détail : sept petits millions de dollars. Il a certainement fallu déployer des trésors d’ingéniosité pour compenser l’impact des défauts de remboursement sur les cartes de crédit, qui dépassent les sept millions… par jour !
Cela pourrait faire sourire — si la merveilleuse apparence des comptes n’était obtenue qu’en recourant à de nouvelles règles de valorisation hédonistes des créances titrisées. Mais personne ne leur en voudra puisque l’Etat américain (le contribuable, encore lui !) s’engage en quelque sorte à leur en garantir le rachat au prix indiqué.
Sauf que pendant que Wall Street se prépare à une nuit d’ivresse débridée… nous nous demandons si les autorités chinoises ne vont pas plisser les yeux en constatant le plongeon du Dollar sous les 1,4945/euro et les 1,01 contre le franc suisse.
Mais nous avons certainement tort de nous inquiéter pour si peu. Leurs plus-values à Wall Street — c’est une simple supposition — compenseront largement ce petit inconvénient !