▪ Et de quatre ! Les places européennes enchaînent une belle série haussière : de « grosses mains » (vu le net gonflement des volumes) ont allègrement tordu le cou aux vendeurs du début de la semaine. Ces derniers avaient pris position sur la foi d’un signal baissier de belle facture, avec un Euro-Stoxx 50 qui cassait sans aucune ambiguïté le palier de soutien des 2 800 points tandis que l’euro perdait franchement pied sous le support des 1,31 $.
La suite de l’histoire vous est connue… mais les conclusions à en tirer divergent d’un opérateur à l’autre. Du point de vue d’un gérant de Wall Street, par exemple, ses investissements en Zone euro ont explosé à la hausse puisque le CAC 40 prend 3% et l’euro grimpe d’autant : voilà 6% qui tombent du ciel sans lever le petit doigt !
Pour ceux qui ne se contentent pas de se laisser porter par la vague et qui ont une approche sectorielle, c’est le jackpot puisque les valeurs financières ont pris 7% à 8% en moyenne cette semaine. Autrement dit, ceux qui ont arbitré le luxe et les valeurs automobiles au profit des bancaires ont engrangé un bon 10% : c’est déjà l’équivalent du gain du Dow Jones depuis le 14 janvier 2010 !
Allez, encore un petit effort du CAC 40 en direction des 4 000 lundi (il n’y a qu’à surfer sur la dynamique haussière puisque Wall Street est fermée ce lundi pour cause de Martin Luther King Day), et le bonheur des investisseurs américains sera complet : s’enrichir en faisant le pont, le rêve !
▪ Wall Street a poursuivi son ascension — aussi linéaire qu’inexorable, puisque c’est sa huitième semaine de hausse consécutive — à la veille d’un week-end prolongé. Toutefois, l’affaire est moins juteuse que sur les indices européens : si cela fait 2% de gagné pour un trader new-yorkais, c’est 1% de perdu sur les valeurs américaines pour un gérant parisien (en comptant le repli du billet vert plus les frais de transactions).
Ce fut une semaine pour rien, du point de vue d’un trader londonien, puisque le FT 100 a terminé inchangé d’un vendredi sur l’autre… mais sans perdre un pouce de terrain, faut-il le préciser.
Une consolidation des places boursières ? Inutile d’y songer ! L’indice VIX s’effondre sous le seuil des 16, ce qui signifie que le consensus à Wall Street est haussier à 85%.
Les indices américains viennent d’enchaîner 38 séances — dont 30 de hausse — sans jamais avoir reperdu plus de 0,5%. Que le dollar grimpe ou dévisse… que les taux se tendent ou que les rendements se contractent… que Ben Bernanke se félicite des signes de reprise ou fasse semblant d’ignorer la montée des pressions inflationnistes… les actions grimpent, grimpent encore… grimpent éternellement.
En fait, il est inutile de s’intéresser à l’actualité, de faire l’effort de produire une analyse, de relever tout une série d’incohérences (croissance anticipée à 4% mais maintien des taux zéro… alors que le Brésil affiche des taux à 10,75% et ne parvient pas à juguler l’inflation), les actions se trouvent confrontées à une alternative unique : monter ou… monter.
Illustration de l’impossibilité de la matérialisation d’une baisse, l’Euro-Stoxx 50. Il chutait de 1% en fin de matinée vendredi, avant de terminer sur un gain de 0,15%. Il engrangeait ainsi la bagatelle de 4% sur la semaine (converti en dollars, cela fait 7%). Le CAC 40, qui ne grappillait que 0,21%, concluait en douceur une envolée linéaire de 4,5% survenue lors des trois précédentes séances. Madrid et Francfort terminaient quasiment inchangés, Zurich et Londres s’effritaient de 0,1%.
▪ Il y a une autre preuve qu’aucune mauvaise nouvelle n’a de prise sur l’évolution haussière de Wall Street : le recul surprise de l’indice de confiance du Michigan. Il rechute vers 72,7 alors qu’il était attendu en hausse vers 76 après un score de 74,5 au mois de décembre, mais cela n’aura fait hésiter le Dow Jones qu’une poignée de minutes autour de 16h.
Les prix à la consommation ont progressé de 0,5% au mois de décembre outre-Atlantique (+0,1% hors pétrole et alimentation). Les Américains font face à un taux d’inflation encore très modeste en rythme annuel (+1,5% et +0,8% hors énergie)… mais toutes les variables qui amputent le pouvoir d’achat des ménages sont comme par un heureux hasard « hors indice » : loyers, assurance santé, frais de scolarité étaient en hausse moyenne de 10% en 2010.
Si le coût de la vraie vie continue d’augmenter à ce rythme aux Etats-Unis, les ménages ne vont pas pouvoir suivre le mouvement. Les ventes de détail au mois de décembre, attendues en hausse de 0,8%, ne ressortaient d’ailleurs qu’en progression limitée de 0,6% (après 0,8% en novembre).
▪ En Chine au contraire, tout est fait pour calmer l’ardeur des consommateurs. Pékin a décrété un nouveau relèvement de 50 points du taux des réserves obligatoires des banques du pays. Il s’agit déjà du septième tour de vis sur le crédit depuis début 2010 ; l’inflation chinoise dépasse largement les 5% (le chiffre officiel du mois de décembre sera communiqué la semaine prochaine).
A Singapour, le gouvernement annonce publiquement qu’il va s’employer à tordre le cou à la spéculation immobilière. Il prévoit de taxer fortement les plus-values en cas de cession avant quatre ans. D’autres mesures interdiraient l’achat de plusieurs biens qui ne seraient pas destinés à la location ; la plupart des acheteurs revendent les logements, vides de tout occupant, dans les six ou neuf mois — cela suffit pour espérer encaisser 10% au passage.
Aux Etats-Unis, le prix des logements continue de reculer. PIMCO redoute le pire si les taux du marché (qui conditionnent les taux hypothécaires) continuent de se tendre.
▪ Pourtant, aucun argument, aucune démonstration accablante de la gigantesque carambouille monétaire orchestrée par la Fed pour enrichir ses actionnaires (les principales banques de Wall Street) ne saurait infléchir l’euphorie qui règne au sein du grand casino boursier « Fed’Beaux Rêves ».
Sauf que dans un vrai casino, si les parieurs voyaient sortir le noir 24 fois, le rouge sept fois et le zéro par deux fois, ils auraient déjà ligoté le croupier et commencé à inspecter le mécanisme de la roulette. Le soupçon de fraude serait encore plus lourd en constatant une série (hebdomadaire) de huit sur huit pour le noir (la hausse) et zéro pour le rouge (la baisse).
La dernière fois qu’une telle série gagnante a été observée, cela s’est terminé par un « flash krach ». C’était le 6 mai dernier… et à l’époque, le terme « consolidation » avait disparu du vocabulaire boursier !