Le « retour à la moyenne », ou le retour à la normale de ce qui est anormal, est une tendance éprouvée fiable. Voici comment repérer ce qui est anormal pour adapter votre stratégie.
J’ai déjeuné avec l’économiste Charles Gave il y a quelque temps. Il y a près de 40 ans – quand il était « encore jeune et créatif » –, Gave a décrit le « système des quadrants » qui permet de déterminer où nous en sommes… et ce que nous, en tant qu’investisseurs, devrions faire.
Comme une carte, le monde financier peut être divisé entre le nord, le sud, l’est et l’ouest.
Chacun de ces endroits présente des menaces et des opportunités qui lui sont propres ; mais pour arriver là où vous voulez allez, vous devez d’abord savoir où vous vous trouvez.
Les prix vont soit vers le nord, soit vers le sud… et ils le font dans un monde économie qui avance ou qui recule – vers l’est ou vers l’ouest. J’ai adapté le modèle de Gave d’une manière qui doit sans doute le faire frissonner d’horreur… mais cela devrait nous aider à comprendre et pourrait nous fournir des coordonnées utiles pour notre voyage.
Chaque quadrant a sa propre formule d’investissement. Si vous êtes dans le quadrant nord-est, par exemple, avec une véritable croissance aussi bien en bourse que dans l’économie réelle, vous achetez des actions de bonne qualité. Ce n’est pas le moment de se retrouver avec du cash ou des obligations.
Si vous êtes dans le quadrant sud-est – avec une économie en croissance mais un recul des prix – mieux vaudra avoir en majorité des obligations de grande qualité, avec un assortiment d’actions (des entreprises ayant un véritable pricing power) et de cash pour vous couvrir.
Si vous êtes dans le quadrant nord-ouest, la dernière chose à avoir est bien des obligations ou du cash. Tenez-vous en à l’or, aux matières premières et à l’immobilier – et surtout à l’or. Les actions pourraient connaître un joli rebond – les gens essayant de se protéger des obligations –, mais dans la mesure où l’économie réelle recule, tout actif qui lui est lié peut s’attendre à voir ses performances diminuer.
Quant au quadrant sud-ouest – vers lequel nous sommes en train de nous diriger à mon avis –, la chose à détenir dans ce cas de figure, c’est des liquidités… avec un petit mélange d’or, d’actions et de bons du Trésor US en guise de couverture.
Un avertissement supplémentaire : cette Boussole de l’investisseur suggère une simplicité et une précision qui n’existent pas réellement. Les quadrants ne présentent que très rarement une image aussi nette. Au lieu de ça, il y a généralement de la confusion et de l’ambiguïté… certains prix sont en hausse mais pas tous… et certains secteurs de l’économie sont en bonne santé tandis que d’autres s’effondrent.
L’idée est de sortir votre GPS et d’établir votre emplacement actuel aussi précisément que possible. Et si vous ne savez pas où vous êtes, le meilleur endroit pour votre argent, c’est le cash. C’est donc notre principale position. L’or (la forme ultime du cash) est une autre de nos principales positions.
[NDLR : Justement, l’or recommence – furtivement – à progresser. Découvrez ici comment démultiplier sa hausse en investissant maintenant.]
Le cash est une assurance contre la bizarrerie. Mais certaines formes de cash peuvent être bizarres elles aussi.
De 700 av. J.C. environ jusqu’à l’annonce de Richard Nixon en août 1971, l’or était la devise « normale » du monde. Le dollar post-1971 est anormal. Détenir de l’or est un parti sur le retour à la moyenne, un pari que le monde reviendra un jour à la devise normale de la vie civilisée.
Quoi d’autre ? Comment se positionner pour tirer parti d’un retour à la normale ?
La Transaction du Siècle
Un côté de la Transaction du Siècle nous ferait parier contre la ligne rouge (« dette mondiale ») sur le graphique d’hier. C’est-à-dire que vous vendriez les actifs financiers qui dépendent actuellement de nouvelles augmentations du crédit – les actions et les obligations, en d’autres termes.
Tout comme nous semblons avoir une occasion historique du côté de la vente (en vendant à découvert, ou tout simplement en nous tenant loin des obligations gouvernementales), du côté long, il existe un marché sous-évalué à tel point qu’à lui seul, il pourrait valoir la Transaction du Siècle. Aucun marché boursier n’a été si bas… et y a survécu.
Naturellement, quand un marché est aussi peu cher, c’est qu’il doit avoir des problèmes. Et ce sont justement de ces problèmes dont tout le monde parle.
Alors si vous dites – comme ça, en passant – à votre épouse ou à votre conseiller financier que vous investissez dans ce marché boursier, ils vous diraient immédiatement que vous devez chercher de l’aide auprès d’un professionnel… soit un conseiller financier certifié, soit un psychiatre. Peut-être les deux.
Même moi, je ne vous conseillerais pas d’acheter. Ce n’est pas facile à faire. C’est chercher les ennuis à coup sûr. Seuls les investisseurs les plus intrépides et les plus aventureux devraient ne serait-ce que l’envisager.
De toute façon, qui sera encore là dans 100 ans pour me dire comment tout ça a tourné ?
Rappelez-vous que la Transaction du Siècle, tout comme les Transactions de la Décennie, est un outil d’apprentissage… pour nous aider à comprendre comment les choses fonctionnent.
Nous ne sommes pas dans la même catégorie que de sérieux conseils boursiers.
Ainsi, maintenant que vous êtes dûment averti, devinez quel marché est si outrageusement bas… si anormalement, terriblement, absurdement bas… qu’il vaut la peine d’être inclus dans la Transaction du Siècle ?
Chypre.
Je peux déjà entendre les hoquets d’incrédulité.
Chypre est une perdante. Son marché boursier a perdu 99,986% depuis son sommet en 2007. En d’autres termes, si vous aviez investi 1 000 € dans des valeurs chypriotes il y a neuf ans, vous auriez aujourd’hui 10 centimes. La crise de 2008-2009 a frappé Chypre de plein fouet. Le PIB a chuté de 28%. Le chômage a augmenté à 11%. Aujourd’hui, la moitié des prêts d’entreprise sont en souffrance.
Le graphique ci-dessous est particulièrement instructif. Il nous montre à quoi ressemble un retour à la moyenne. Et il nous dit, clairement, qu’il n’y a pas à s’inquiéter d’une surévaluation des valeurs chypriotes en ce moment.
Plus il est difficile d’investir dans quelque chose, généralement, meilleures sont les chances de succès. Actuellement, personne ne gagne beaucoup d’argent en tentant de vendre des valeurs chypriotes à des investisseurs étrangers. Alors si vous voulez perdre de l’argent sur des valeurs chypriotes, vous allez devoir le faire tout seul.
Et maintenant ?
Reste quand même la question : que devriez-vous faire de votre argent maintenant ?
Nous venons d’entamer la huitième année de la deuxième décennie du XXIème siècle. Et nous sommes dans la 30ème année de bizarrerie des cours boursiers soutenus par les banques centrales. Si les deux prochaines décennies ressemblent aux trois dernières, les choses vont devenir encore plus étranges. Déjà stratosphériques, les actions et les obligations gouvernementales iront plus haut encore.
Mais parier sur le fait que la bizarrerie va se poursuivre, après autant d’anormalité pendant aussi longtemps, est dangereux.
Quoi qu’on puisse en dire d’autre, attendre une correction revient un peu à attendre le plombier. Il arrivera invariablement quand vous penserez qu’il ne viendra plus.
2 commentaires
Bonjour,
C’est tout le problème.
Depuis 1994, soit 24 ans, combien sont morts (financièrement ou physiquement) sans avoir vu de retour à la normale sur l’évolution dettes Vs PIB ?
Le timing est la clef.
Votre boussole, est géniale.
J’ai juste peur des saboteurs qui placeraient des aimants à coté de la boussole.
Avec les statistiques bidons, qui affolent la boussole, dure de s’y retrouver.
bien vu pour chypre!