Argentine/Etats-Unis : une comparaison surprenante… mais qui devient de plus en plus troublante, à mesure que la planche à billets américaine tourne et tourne encore.
Il y a un avantage à passer du temps dans un pays comme l’Argentine : il a déjà vécu ce genre de situation.
En fait, c’est même une habitude. Sur Yahoo! Finance la semaine dernière :
« L’Argentine a annoncé qu’elle n’avait pas pu assurer les 500 M$ de remboursement de dette échus mercredi, entamant donc un compte à rebours de 30 jours vers un possible défaut, à moins que le gouvernement et les détenteurs d’obligations ne parviennent à un accord pour restructurer la gigantesque dette étrangère du pays. »
Bloomberg nous explique ce qu’il va se passer ensuite :
« Dans la mesure où le pays est exclu des marchés du crédit […] il ne peut emprunter pour financer des programmes de relance, comme le font d’autres pays de la zone. A la place, la banque centrale émet d’énormes quantités d’argent afin de couvrir les programmes gouvernementaux, menaçant de faire grimper un taux d’inflation qui figure déjà parmi les plus élevés au monde.
Depuis l’annonce du confinement, le 19 mars, la masse monétaire a augmenté d’environ 20%, la banque centrale ayant envoyé 340 milliards de pesos (5,2 Mds$) au gouvernement sur cette période au titre de dividendes et de transferts temporaires.
Cela dévalue le peso, à mesure que les entreprises et les citoyens les plus riches tentent de convertir leur excès de pesos en dollars US, une devise refuge. »
Pouvez-vous imaginer faire une telle sottise ? Couvrir les dépenses courantes en imprimant de l’argent ? Laisser votre masse monétaire augmenter de 20% en un mois seulement ?
Ah là là, ces gauchos… quelle bande d’attardés. C’est pour cette raison que les économistes aiment à étudier l’Argentine. C’est le seul pays au monde qui a fait partie des plus riches… avant de devenir un trou m***ique… entièrement grâce à la politique gouvernementale.
Attendez une minute…
… Vous dites que les Etats-Unis impriment de l’argent pour couvrir leurs dépenses opérationnelles, eux aussi ? Le budget pour cette année explose, à 7 000 Mds$.
Les recettes fiscales étaient déjà prévues aux environs des 3 800 Mds$ – et ça, c’était avant l’arrivée du Covid-19. A présent, c’est difficile à dire… peut-être 3 000 Mds$… peut-être 2 000 Mds$ seulement.
Cela signifie que les autorités américaines vont devoir emprunter. Mais qui a 4 000 Mds$ sous la main ?
Les Argentins ne peuvent pas emprunter parce que personne ne leur prêtera d’argent. Les Américains ne peuvent pas emprunter non plus parce que personne n’a de telles sommes. Et même si quelqu’un les avait, ils ne seraient pas assez idiots pour prêter à quelqu’un atteint d’une fièvre dépensière aussi imprudente.
La seule source possible, pour un tel financement, c’est la Réserve fédérale. Laquelle n’a qu’une seule source à sa disposition : la « planche à billets ». En d’autres termes, les Etats-Unis suivent les pas de l’Argentine… mais à une échelle bien plus grande.
Comment ?… Vous dites que la Fed augmente aussi sa masse monétaire… exactement comme l’Argentine ?
Durant la première semaine de mars, la Fed détenait des actifs de 4 290 Mds$, principalement en bons du Trésor US. Elle en a désormais quelque 6 360 Mds$, tous achetés avec de l’argent de la « planche à billets ». C’est une augmentation… attention, préparez-vous… de 48% – soit plus de deux fois plus rapidement que l’Argentine.
Mauvais souvenirs
Le taux d’inflation argentin dépasse déjà les 50% – mais ce n’est rien par rapport à son inflation durant les années 1980.
Tout Argentin âgé de plus de 40 ans se rappelle l’époque où les prix grimpaient en moyenne de 300% par an environ.
Cette sorte d’inflation fait à une économie à peu près ce que lui inflige le coronavirus en ce moment.
Les fermetures se multiplient. Les entreprises ne peuvent rien planifier. Elles ne peuvent pas investir pour l’avenir. Elles licencient. Les gens restent chez eux. L’argent perd sa valeur si vite qu’ils essaient de s’en débarrasser le plus rapidement possible. Cela nourrit de nouvelles augmentations de prix… et un déclin de la production.
Généralement, le gouvernement propose des boucs émissaires… des ennemis… et des solutions idiotes – autant de choses qui aggravent la situation.
Les contrôles de prix, par exemple, découragent le peu de production restante. Des impôts élevés et des restrictions de capitaux font fuir les investisseurs. Et les guerres – conçues pour détourner l’attention des gens de la mauvaise gestion financière et les rassembler derrière le gouvernement – gaspillent le peu de richesse encore disponible.
Folie monétaire
Quand il s’agit de mettre une économie à genoux, les Argentins sont champions.
En 1982, la dictature militaire déclara la guerre à la Grande-Bretagne. Ce fut un désastre.
L’inflation grimpa en flèche tandis que le gouvernement tentait de payer ses dépenses avec l’argent de la planche à billets. L’année suivante, il dut émettre un « nouveau peso » valant 10 000 anciens pesos.
Cela ne fit pas ralentir l’inflation, si bien qu’en 1985, une nouvelle devise apparut – l’austral – qui s’échangeait à 1/1 000 pesos.
Evidemment, changer la devise ne fit rien pour arrêter l’inflation. Tant que le gouvernement se finançait lui-même avec la planche à billets, les gens se souciaient peu de qui figurait sur les billets.
En 1989, le taux d’inflation atteignit les 12 000%. Il y eut des émeutes dans les rues.
L’austral fut finalement jeté à la poubelle monétaire et un nouveau peso « convertible » fut mis en place. Un nouveau peso équivalait à 10 000 australes.
La convertibilité était essentielle. La nouvelle devise était liée au dollar. Pendant un temps, cela fonctionna relativement bien. L’inflation disparut presque. L’économie entama un rebond.
Nous nous rappelons bien le moment où cette période de stabilité et de prospérité relatives a pris fin – parce qu’il se trouve que nous avions rendez-vous avec le président argentin Carlos Menem.
Nous étions avec un groupe d’investisseurs. Nous savions que le système de « convertibilité » était sous pression. Comme toujours, le gouvernement avait trop dépensé.
Mais s’il abandonnait son lien avec le dollar, l’enfer se déchaînerait… avec un nouveau défaut, la dévaluation, l’inflation… et tous les autres problèmes que les Argentins connaissent si bien.
Nous avons donc posé la question directement au señor Menem : « L’Argentine va-t-elle abandonner le lien peso-dollar ? »
« Non, absolument pas », nous fut-il répondu. « Nous en dépendons. Notre économie en a besoin. Les investisseurs étrangers l’exigent. Nous ne l’abandonnerons jamais. »
Trois semaines plus tard, le peso convertible avait disparu… et l’Argentine était remontée dans les montagnes russes de la folie monétaire.
Des banques fermèrent. Les dépôts en dollars furent convertis de force en pesos… et les épargnants perdirent immédiatement deux tiers de leur argent.
Depuis, la chute continue. La convertibilité était de 1/1 en 1991 ; aujourd’hui, vous pouvez obtenir 90 pesos pour un dollar au marché noir.
« En Argentine, nous savons bien que nous sommes fous », dit notre voisin Ramón. « Nous sommes ravis d’avoir désormais de la compagnie. »