Derrière la taxe Zucman se joue toutefois bien plus qu’un simple ajustement fiscal : une remise en cause profonde du rapport entre l’épargne privée, l’investissement productif et la propriété en France.
En cette rentrée politique chargée, la sphère médiatique se fait le relais inattendu d’une vieille lune de la gauche : la taxation du capital. Cette fois-ci incarnée par la taxe Zucman, elle fait l’objet d’une couverture inédite dans la presse écrite et télévisuelle.
Ce projet de taxation de l’épargne imaginé par le disciple de Thomas Piketty, qui aurait pu rester une curiosité intellectuelle d’économiste anticapitaliste, est désormais présenté comme une solution miracle à notre déficit budgétaire dont seuls les contours méritent encore d’être discutés.
Peu importe que le principal intéressé estimait, dans l’hypothèse la plus favorable, que la taxe permettrait de lever 40 milliards d’euros à l’échelle de l’Europe en cas de mise en place généralisée : la voilà qui devrait désormais rapporter, dès la première année, 20 milliards d’euros au budget français et maintenir ce niveau de rentabilité à long terme, partant du principe que les contribuables n’adapteront pas leur comportement à ce coup de massue fiscal.
Portés par le faible niveau de connaissance économique de l’électorat, les députés du flanc gauche de l’Assemblée opèrent un tir de barrage médiatique avec la complaisance des relais d’opinion. Une complicité qui a de quoi inquiéter dans la mesure où elle signale l’arrivée d’un consensus sur un principe plus large : celui de taxer l’épargne des Français qui avait pourtant déjà été fiscalisée lors de la perception des revenus.
Taxe Zucman, quand la gauche veut étatiser l’abus de biens sociaux
La performance d’Eric Coquerel, venu soutenir le projet de taxe sur une chaîne de télévision nationale, a de quoi laisser songeur plus d’un électeur.
Le président (LFI) de la commission des finances publiques a présenté la taxe Zucman de manière totalement fausse, mélangeant allègrement les concepts de patrimoine particulier, de valorisation d’entreprise et de résultat net. Questionné quant au cas des entrepreneurs dont les entreprises peuvent être valorisées plus de 100 M€ sans pour autant dégager de bénéfices, il indiquait à rebours de la logique de la taxe : « Si son entreprise ne gagne pas d’argent, elle ne produit pas de patrimoine. Il ne paiera pas cette taxe parce que cela ne concerne que les gens qui gagnent de l’argent. »

L’interview d’Eric Coquerel, disponible en intégralité sur la chaîne BFM Business
Bien sûr, nul autre que le principal intéressé ne saurait dire s’il s’agissait d’un dérapage contrôlé pour médiatiser le sujet et galvaniser l’électorat anti-riches, ou d’une preuve d’ignorance des concepts de base de l’économie. Le plus important reste que, dans sa conception même, la taxe Zucman fait l’amalgame entre les actifs professionnels et le revenu disponible des entrepreneurs.
Or le fait de confondre les biens d’une entreprise et le revenu du dirigeant porte un nom en droit français : il s’agit de l’abus de biens sociaux, une infraction faisant encourir à qui la commet une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
Combler, pour des raisons fiscales, le fossé qui est censé séparer les actifs professionnels du train de vie du dirigeant revient à ouvrir une boîte de Pandore.
Jusqu’ici, le débat public s’est beaucoup concentré sur les stratégies d’évitement de l’impôt que les contribuables concernés pourront mettre en place. De la sous-évaluation du patrimoine professionnel à l’expatriation pure et simple, elles sont nombreuses. Il a occulté l’effet délétère que la taxe Zucman pourra avoir sur l’affectio societatis des actionnaires, qui devront simultanément considérer que l’argent de l’entreprise ne leur appartient pas tout en payant de l’impôt sur le revenu sur ces sommes.
L’hypocrisie à ce sujet atteint son paroxysme pour ce qui est des holdings, et ce bien au-delà des rangs du NFP.
Si le fait d’intégrer les actifs industriels à l’assiette de la taxe sur le capital fait encore débat au sein des groupes parlementaires qui la portent, le sort des holdings semble scellé. Ces entreprises, dont l’unique raison d’être est de regrouper des actifs, font l’unanimité contre elles et sont présentées comme non-productives.
Lundi dernier, un grand quotidien national se permettait même d’écrire que « les trésoreries excédentaires détenues dans les holdings patrimoniales, de toute évidence, ne financent pas uniquement des investissements professionnels, mais aussi un train de vie ». Un contre-sens total sur la fonction de ces structures qui en dit long sur la méconnaissance du droit des entreprises d’une part, et sur le consensus qui se dégage quant au sort réservé aux holdings d’autre part.
Les petites phrases distillées depuis vendredi dernier dans la presse par l’équipe du nouveau Premier ministre vont en ce sens : il est fort probable que la trésorerie des entreprises, jugée « excédentaire » par un mécanisme encore inconnu, sera soumise à taxation. Ainsi, l’Etat remplira ses caisses tout en provoquant des mécanismes d’évitement par nature nuisibles au bon fonctionnement des entreprises. Et le mal sera fait : la taxation des biens professionnels sera devenue réalité.
Derrière le chiffon rouge, le retour annoncé de l’ISF
Ignorer les revendications d’une partie non négligeable de l’hémicycle serait une erreur, non pas pour le risque somme toute modéré de voir le NFP prendre les rênes du pays, mais parce que ces demandes outrancières normalisent le retour de la taxation du capital dans le discours public.
De fait, le bloc centriste qui fait encore de la maîtrise de la fiscalité son cheval de bataille s’est rangé à l’idée de taxer le patrimoine. Et les modalités des propositions ayant vocation à dégager un consensus à l’Assemblée nationale sont encore plus inquiétantes pour les contribuables.
Si le taux de taxation du patrimoine proposé par le centre n’est que de 0,5 % par an, soit quatre fois moins que celui réclamé par la gauche, l’assiette sera considérablement plus large puisqu’elle concernerait les patrimoines supérieurs à 2 millions d’euros.
Le nombre de contribuables concernés passerait donc de 605 à l’échelle du pays (selon Henley Global) à plusieurs millions (notre pays comptait, l’an passé, 2,7 millions de millionnaires). Nous nous dirigeons ainsi vers une réforme fiscale qui va non seulement taxer le capital, mais viser en prime un grand nombre de propriétaires immobiliers, d’épargnants et de petits entrepreneurs.
Un poids fiscal supplémentaire sur ces contribuables qui ne peut même pas se draper du doux concept de « justice fiscale »… et qui ne demande qu’à être alourdi dans les prochaines Lois de finances en adaptant le taux de taxation.
Des mesures de contournement limitées
Il semble désormais acquis que les contribuables dont le patrimoine dépasse les quelques millions d’euros seront mis à contribution pour augmenter les recettes de Bercy l’an prochain.
Contrairement à la conversion de l’ISF en IFI, qui avait laissé aux épargnants le loisir de réallouer leur capital en vendant leur immobilier pour opter pour des actifs financiers dits « productifs », le retour de la taxation du capital ne semble pas, à ce stade, laisser de porte de sortie.
Les contribuables qui n’ont pas le loisir de s’expatrier devraient donc voir leur IRPP s’envoler en 2026. Tout au plus peuvent-ils écouter d’autres bruits de couloir, comme le probable relèvement du PFU qui passerait de 30 % des bénéfices à 33 % (voire plus). Réaliser des plus-values latentes cette année pourrait donc s’avérer moins coûteux que l’an prochain. Un critère à garder à l’esprit si vous hésitez à vendre des actifs dans les mois qui viennent… tout en restant conscient que l’année 2026 risque d’être celle du matraquage fiscal.

5 commentaires
Nous pouvons voir à cet excellent article, le concept mis en place depuis 70 ans pour arriver à une République Soviétique Française.
Ce concept part du postulat que 100% de l’argent qui circule en France appartient à l’Etat.
Il ne nous en laisse pour vivre, que sous l’aimable plaisir de sa générosité.
Et quand l’état doit faire » des économies » ( traduisez : en reprendre un peu plus dans nos poches ), il n’est en aucun cas prévu de réduire son propre train de vie, puisque il est quasi parfait.
Commentaire très général, mais pourtant rarement défendu à mon sens. En quoi le rôle des entreprises est il de participer à l’impôt ? A mon avis cette participation est totalement inique et contre productive. L’entreprise crée de la richesse globalement tout en apportant un salaire à ses employés. Cette richesse, entre autre, participe a l’apport que l’on peu attendre d’un impôt par l’imposition des salariés et la tva qui sera collecté à la revente des biens produits. Le rôle principal de l’entreprise est d’investir et de bien payer ses employés, pas de payer un impôt. On peut argumenter cette thèse, en spécifiant que la non Imposition de l’entreprise ne peut se faire que si elle paye correctement son personnel et investi ses Bénéfices dans la recherche et développement. Merci de votre écoute
C’est bien ,l’état va taxer plus les patrimoines.Mais pour en faire quoi?Rembourser la dette?Non bien sur.Gabegie supplémentaire ?Oui!
De toutes façons les budgets nationaux ne sont plus tenables dans les nations sur endettées.Nous y sommes,et l’état ne pourra plus taxer plus,il est en banqueroute!Nos taux 10 ans sont en train de monter et la BCE n’aura pas les moyens de lutter contre.Nous allons vers une crise de l’euro.On reviendra aux fondamentaux:ne pas dépenser plus que ce que l’on gagne .Les politiques et les ingénieurs des mines n’ont pas encore compris ce qui se passe.
La taxation des patrimoines serait évitable si
1) les états n’envisageaient pas de dépenser toujours plus pour des problèmes qu’ils créent eux mêmes par leur volonté de domination (guerres, exploitation, pauvreté : aliénation économique et politique) ou aléa moral (en tant qu’élu je n’aurai pas à payer pour les dépenses clientélistes du présent qui me permettent d’acheter les votes*)
2) si la valeur des patrimoines n’avait pas augmenté beaucoup plus vite que celle de la valeur ajoutée globale .
Un marché baissier peut jouer le rôle de cette taxation en rétablissant l’équilibre entre les valeurs financières accumulées et la production courante de valeur marchande.
Les états n’avaient pas à soutenir les marchés au moment de la crise covid qui est une crise financière avortée ou reportée.
le déséquilibre a été aggravé par le maintien de taux négatifs (symptôme d’aune confiance délirante) qui n’ont fait qu’aggraver l’excès de capitalisation obligataire ,actionnariale et immobilière.
Le fait qu’une grande partie des entreprises ne dégage pas le bénéfice nécessaire au paiement d’une hypothétique taxe Zucman est symptomatique : Les entreprises zombies qui n’ont pas encore fait faillite peuvent le faire à l’avenir, et n’ont pas besoin de taxe pour cela.
Je suis assez méfiant envers la retape permanente pour le « non côté » qui permet de dissimuler derrière le discours enjôleur des commerciaux de la finance le fait que de nombreuses créations d’entreprise ne trouveront jamais leur clientèle.
Souvent elles ont besoin d’exonérations de cotisations et de consommation de cash pour payer les salaires d’employés insuffisamment productifs.
* E. Macron a acheté les votes de la classe moyenne par la promesse de flat tax et de ruissellement, mais il n’a pû maintenir l’illusion que ces promesses seraient tenues qu’au prix de 120 mille milliards de déficit annuel moyen depuis 8 ans.
Si l’on rapporte ces sommes aux emplois créés , il eut bien mieux valu verser 1000 euros mensuels de chômage un peu plus longtemps aux bénéficiaires de ces emplois (120 mille millards /2 millions = 60000 euros).