Les autorités voient venir les crises – tout comme vous – et font tout pour les empêcher. La question est de savoir si cela va marcher…
« Le pessimisme s’installe » : c’est le titre d’un article de synthèse publié par Bloomberg.
Pendant ce temps, les responsables des banques centrales se sont réunis au G20 au Japon ce week-end.
La vague de pessimisme économique a grossi. Ce ne sont plus seulement les Cassandre qui font entendre leur voix ; on trouve aussi de nombreux gourous modérés.
Déjà, les marchés jouent les chiens de Pavlov : ils salivent à la perspective de nouvelles largesses de la part des banques centrales et des gouvernements.
Le dernier rapport sur l’emploi aux Etats-Unis a été une énorme déception ; il incitait encore davantage la Réserve fédérale à réduire ses taux d’intérêt, peut-être même dès cet été. Les rendements obligataires ont chuté. Les perspectives de la guerre commerciale sont déconcertantes pour les entreprises. (Le président Donald Trump a toutefois inversé la tendance vendredi soir, concluant un accord avec le Mexique sur le commerce et l’immigration et annulant ainsi les taxes douanières prévues.)
Quand les faiblesses sont interdépendantes
Prenez les trois principaux moteurs de la croissance mondiale : l’Allemagne, la Chine et les Etats-Unis.
Chacun montre des signes de faiblesse interdépendante.
L’Allemagne est non seulement le centre industriel de l’Europe, mais aussi le quatrième partenaire commercial de la Chine. En fait, le commerce de l’Allemagne avec la Chine représente plus du double de celui du pays européen le plus proche. L’Allemagne est très dépendante du commerce avec la Chine.
La croissance allemande est maintenant la plus lente des cinq dernières années alors que le taux de croissance de l’économie chinoise est tombé à son plus bas niveau depuis plus de 10 ans.
Pendant ce temps, les Etats-Unis ont l’air de faire un peu mieux… mais à peine. Faut -il mentionner la guerre commerciale, que le dirigeant chinois Xi Jinping a surnommée la « nouvelle longue marche » ?
Jetez un coup d’œil à ce sinistre graphique de la Réserve fédérale de New York :
L’indicateur de probabilité de récession de la Réserve fédérale de New York est alarmant pour de nombreuses raisons :
- Les chances d’une récession ont doublé au cours de la dernière année ;
- la probabilité de récession n’a jamais été aussi élevée depuis 2007 ;
- les trois plus grandes économies du monde sont aux prises avec une accélération des problèmes économiques et commerciaux.
J’ai coutume de dire depuis très longtemps que les autorités sont incapables de résoudre les problèmes… mais vous n’imaginez pas le pouvoir incroyable qu’elles ont pour les reporter dans le futur.
C’est même leur seul vrai pouvoir, si l’on excepte celui de créer des réalités fausses. Ces gens peuvent retarder l’inéluctable.
Qu’est-ce qui va marcher ?
Les distorsions de l’économie et des marchés financiers rendent inévitables les crises et l’effondrement spéculatif, mais il n’est pas suffisant de savoir que ces événements se produiront.
Cela pour une raison simple : les responsables de la conduite des affaires le savent également, et ils feront tout pour empêcher qu’ils se produisent. La question ce ne sont ni les déséquilibres menaçants, ni les réactions des autorités – tout cela est su.
Non, la question est de savoir si ce qu’elles vont tenter va marcher.
Les déséquilibres ne sont pas résolus plus rapidement simplement parce qu’ils sont plus importants. Le fait que l’on s’attende à ce que les marchés chutent et que l’économie entre en récession ne signifie absolument pas que des périodes de répit, de reprise temporaire, de spéculation ne peuvent pas différer périodiquement ce résultat.
C’est ce qui s’est passé en 2016 : tous les indicateurs étaient au rouge, les institutions internationales broyaient du noir… et pourtant, une reflation concertée pilotée en février 2016 lors du sommet de Shanghai a réussi à différer les ajustements une énième fois.
Le problème de la prévision des crises et des récessions est qu’il ne suffit pas que les conditions soient réunies pour qu’elles se produisent. Il faut un facteur déclenchant, un choc, une opportunité, une fenêtre par où le coup de vent pénètre et balaie tout.
Cela ne signifie pas pour autant que nous devons abandonner l’espoir d’anticiper les récessions ou les effondrements des marchés, les reprises ou les périodes de marché favorables.
Non, cela signifie simplement qu’il ne faut pas conduire ses affaires en fonction de prévisions mais en fonction de l’identification de la période dans laquelle on se trouve.
L’avenir est imprévisible, certes – mais celui qui s’en sort, c’est celui qui voit le présent avec les yeux de demain.
Savoir d’où l’on vient, savoir où l’on est, pour choisir où l’on va.