Le Trésor américain explore la possibilité de monétiser l’or, mais des contraintes légales pourraient empêcher sa vente.
Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, le Trésor explore des moyens de monétiser les actifs américains. Pour autant, il convient de replacer la question de la monétisation de l’or dans ce contexte : est-ce que le gouvernement peut légalement vendre de l’or ?
Si l’on convertit le gold certificate de la Fed en onces d’or Troy (pas en dollars mais en onces), cela représente à peu près l’équivalent de la totalité des réserves d’or actuelles des Etats-Unis 8 133 tonnes). Si le gold certificate de la Fed est censé être adossé à de l’or physique, alors il est possible que le gouvernement ne puisse pas vendre d’or sans réduire la valeur de ce certificat.
A ma connaissance, cette question n’est pas abordée dans la littérature économique, mais elle pourrait découler simplement de la contrainte imposée par le cinquième amendement, qui obligeait le Trésor à fournir à la Fed une contrepartie à la juste valeur (fair value) lorsque l’or a été confisqué en 1934. Or cela s’est produit à une époque où l’étalon-or était en vigueur aux Etats-Unis : le poids et la valeur de l’or étaient interchangeables.
Mais ce n’est plus vrai aujourd’hui : le poids est constant, mais la valeur fluctue.
Alors il se pourrait que le Trésor soit obligé de conserver un certain poids d’or, indépendamment de la valeur, pour respecter l’accord initial. Et si cette analyse est correcte, c’est extrêmement haussier pour l’or, car cela signifierait que le plus grand détenteur d’or au monde (les Etats-Unis) ne peut pas vendre !
Une autre idée a surgi, dans tout le battage médiatique entourant les commentaires de Bessent sur la monétisation des actifs américains : les Etats-Unis pourraient vendre de l’or et utiliser le produit de cette vente pour acheter des obligations d’État étrangères générant des rendements plus élevés que les bons du Trésor américain.
L’une des solutions consisterait à émettre des bons du Trésor adossés à de l’or qui (en théorie) seraient assortis d’un taux d’intérêt à zéro car ils seraient « résistants à l’inflation ». L’arbitrage créé ainsi entre des obligations d’Etat étrangères offrant des rendements (ou taux) supérieurs et de supposées obligations du Trésor américain à 0% génèrerait un revenu pour le Trésor.
Cette idée est absurde pour toutes sortes de raisons.
Premièrement, les Etats-Unis ont déjà des obligations indexées à l’inflation. Il s’agit des TIPS (Treasury Inflation-Protected Securities), qui offrent un taux d’intérêt et sont indexées à l’inflation. Par conséquent, une obligation adossée à l’or et résistant à l’inflation serait redondante. Si vous appréciez l’or, vous pouvez en acheter. Inutile de passer par les arcanes du marché obligataire.
Deuxièmement, l’or n’est pas particulièrement corrélé à l’inflation. Ces trente derniers mois, l’or s’est apprécié de 80%, alors que l’inflation cumulée s’est située aux alentours de 10%. Où est la corrélation ?
Le cours de l’or est davantage stimulé par l’incertitude, la liquidité et la géopolitique.
L’indexation des bons du Trésor sur les cours de l’or aurait généré une manne pour les investisseurs et une énorme perte pour le Trésor.
De plus, on ne voit pas trop pourquoi la vente ou la monétisation des réserves d’or aurait quelque chose à voir avec l’achat d’obligations d’Etat étrangères. La Fed pourrait simplement les acheter en émettant de l’argent et le Trésor pourrait simplement les acheter avec de l’argent emprunté. La question des réserves d’or n’a rien à voir dans tout cela.
Afin de calculer s’il est logique, pour le Trésor, d’acheter des obligations d’Etat étrangères, il convient de comparer les taux d’intérêt américains aux taux allemands ou italiens, par exemple. En ce moment, les taux d’intérêt allemands étant inférieurs de deux points, environ, aux taux américains, ces obligations génèreraient un rendement négatif pour les Etats-Unis. Ce serait une mauvaise opération.
Il faut également tenir compte du facteur « risque de change ». Si l’euro baissait par rapport au dollar américain, le Trésor serait perdant au niveau du taux de change et du taux d’intérêt. Ce serait une très mauvaise opération.
Comme je l’ai indiqué, je recommande l’or comme actif d’investissement, et j’en possède moi-même. Le Trésor n’a pas à s’embêter avec l’or, les obligations et les marchés des changes alors que l’objectif pourrait être atteint en émettant tout simplement des TIPS et en laissant l’or à Fort Knox.
Un fonds souverain américain
Dans tout ce battage suscité par les commentaires de Bessent sur la monétisation, Trump a fait une remarque frappante : il aimerait créer un fonds souverain américain.
C’est très important.
En ce moment, les réserves officielles américaines sont constituées à 70% d’or, le reste étant des devises étrangères.
L’idée d’un fonds souverain est de permettre à un pays détenant des réserves de se diversifier vers les actions, les obligations, les ressources naturelles, des biens immobiliers, et beaucoup d’autres choses, au lieu de s’en tenir strictement à de l’or et des bons du Trésor.
La plupart des pays possédant des fonds souverains les financent avec leurs excédents commerciaux. La Norvège, la Russie et l’Arabie Saoudite détiennent les plus grands fonds souverains, notamment grâce à leurs excédents commerciaux issus du pétrole.
Les Etats-Unis n’ont pas d’excédent commercial, mais le pays pourrait bientôt percevoir des revenus considérables provenant des tarifs douaniers. Les Etats-Unis pourraient toujours emprunter pour financer un fonds souverain. Ensuite, cela s’apparenterait davantage à un hedge fund, mais ce pourrait bien être dans le style de Trump. (Scott Bessent a été gérant de hedge fund chez Soros.)
J’ai fait énormément de recherches et réuni beaucoup d’informations sur les fonds souverains, pour la direction du renseignement national, à une époque où c’était un sujet brûlant, vers 2007-2008. La question du fonds souverain s’est estompée après 2009, éclipsée par la crise financière mondiale. Les fonds souverains ont perdu de l’argent dans la panique. Mais ils n’ont pas disparu et ils ont récupéré leurs pertes, depuis.
Trump pourrait relancer la mode des fonds souverains.
Les commentaires de Bessent concernant la monétisation des actifs et le fait que Trump ait évoqué un fonds souverain américain sont des initiatives cruciales que nous allons surveiller de près.
A court terme, le phénomène gold bug et autres battages médiatiques dépassent de loin la réalité. A long terme, ces deux initiatives pourraient se concrétiser et représenter un « reset » considérable au sein du système monétaire international.
1 commentaire
Je salue Jim Rickards que je suis depuis pluiisieurs année…J »aimerais lui poser une question :
Jim nous indiquais voir l’or à 15.000 $. et même beaucoup plus. Dans sa lettre d’hier, il semblait beaucoup plus modéré dans ses prévision…Mon ressenti est-il exact ? ? ?
Merci Jim de nous éclairer sur votre pensée.
Cordialement