** Si la crise du crédit est réellement terminée, comme le pensent Ben Bernanke et tous les autres experts financiers des Etats-Unis (et du monde en général), comment se fait-il que nous, pauvres amateurs, avons le sentiment que la crise ne fait que commencer ?
– Qu’est-ce qui ne va pas chez nous ?
– Quel manque de talent, d’expérience et/ou d’éducation nous empêche, simples amateurs, de percevoir la vitalité économique au milieu d’une stagnation totale ?… Ou d’apprécier les miraculeux pouvoirs guérisseurs d’une réduction d’un demi pour-cent des taux d’intérêt ?… Ou de reconnaître les nouveaux sommets boursiers comme le signe indubitable que tout va bien ?
– Nous ne savons pas franchement ce qui cloche chez nous… mais nous ne sommes absolument pas pressés de prendre un quelconque remède. Notre maladie — appelons-la scepticisme congénital — nous pousse à nous méfier des médicaments économiques qui revigorent le marché boursier tout en cognant sur le dollar US… sans toutefois apporter le moindre répit à quelque aspect que ce soit de l’économie réelle.
– Les marchés grimpent — youpi ! — mais il en va de même pour les taux d’intérêt à long terme. Pendant ce temps, l’argent des Américains se transforme en papier brouillon. Les propriétaires immobiliers continuent de faire défaut en nombres record, et les consommateurs américains sont tout aussi fauchés qu’ils l’étaient avant que Ben Bernanke ne devienne une rock star économique du jour au lendemain. En fait, les consommateurs sont dans une situation PIRE aujourd’hui que le 18 septembre dernier, lorsque Bernanke a réduit ses taux d’un demi pour-cent. C’est parce que les taux d’intérêt de long terme qui influencent les taux hypothécaires grimpent… tandis que le dollar chute.
** Mais un dollar faible est une bonne chose, nous disent les experts — sans la moindre ironie.
– "Le dollar a presque atteint un point idéal", explique Joseph Quinlan, stratégiste marchés en chef chez Bank of America. "Il a assez chuté pour créer une hausse des revenus pour les multinationales US".
– Malheureusement, ces "points idéaux" ont tendance à se désintégrer rapidement… pour devenir très très mauvais. Un dollar peut réjouir une multinationale américaine, par exemple. Mais pour ceux d’entre nous qui espèrent acheter autant que possible avec des dollars forts plutôt que vendre autant que possible avec des dollars faibles, la fragilité du billet vert n’apporte aucun soulagement. Nous sommes simplement plus pauvres.
– En fait, grâce à la doctrine Greenspan/Bernanke de la "création de crédit à n’importe quel prix", les détenteurs de dollars de la planète s’appauvrissent année après année. Le dollar a perdu plus d’un tiers de sa valeur pondérée depuis 2001. Cependant, ce déclin choquant ne semble pas troubler Bernanke outre mesure, surtout pas quand les prix des actions grimpent et que les gros titres des journaux chantent ses louanges. Il semble supposer que le dollar restera la devise de référence du monde entier — quel que soit le traitement qu’il fasse subir à sa valeur et à son héritage.
– Mais peut-être que M. Bernanke tient tout cela un peu trop pour acquis. Peut-être que les détenteurs de dollars du reste de la planète commenceront à réfléchir sur la valeur intrinsèque du billet vert — sa valeur en encre et en papier — et chercheront à réduire leurs détentions.
– "Le dollar US est l’exportation américaine ayant la marge de profit la plus élevée", plaisante James Grant, rédacteur de la lettre Grant’s Interest Rate Observer. "Sa production ne coûte quasiment rien, et il est facile à expédier".
– Par conséquent, déclare Grant, "le dollar du 21ème siècle est un miracle de ‘suspension de l’incrédulité’. Il ne suffit pas qu’il n’ait pas de nantissement (le Trésor US n’a rien de solide contre quoi l’échanger ; il s’appuie sur la politique). Sous sa forme électronique, le dollar est également invisible. Les dollars enregistrés sur les livres de compte parcourent le système mondial des paiements électroniques ou restent sur les comptes des banques centrales étrangères".
– L’or, par contre, n’est pas aussi facile à produire. Il ne sort pas des planches à billets gouvernementales par le caprice des politiciens et des banques centrales. Pas plus que l’or ne disparaît à des moments inopportuns — lorsqu’une guerre éclate, par exemple, ou lorsque le régime change… ou encore lorsque des banquiers centraux sur-diplômés tentent de venir à la rescousse de spéculateurs boursiers fortunés.
** Oui, cher investisseur, le papier monnaie est facile à produire. Pas l’or. Le papier monnaie est si facile à produire, en fait, que les sociétés d’impression n’arrivent pas à en fabriquer assez rapidement. Une petite société anglaise, De La Rue plc, fait de l’argent… littéralement. "De La Rue produit du papier monnaie pour 150 pays", observe James Grant. "Selon la société, elle imprime quasiment au maximum de ses capacités, et les prix sont vigoureux".
– Reflétant ce boom de la fabrication de papier-monnaie, le prix de l’action De La Rue frôle ses sommets historiques. Il en va de même pour l’or. Simple coïncidence ?
– Il semblerait que fabriquer de l’argent soit une très bonne affaire… surtout pour l’or.