▪ Le mois d’octobre va-t-il se montrer fidèle à sa mauvaise réputation ? L’entame du quatrième trimestre — positive en matinée — semblait démentir les avertissements des oiseaux de mauvais augure… mais la suite des évènements allait apporter son lot de déceptions.
Le catalyseur du repli accéléré des cours de bourse, ce fut la publication de l’indice ISM manufacturier. Il affiche pour septembre un repli inattendu de 52,9 vers 52,6 alors que les économistes tablaient sur une progression à 54,5.
Quinze jours auparavant, les opérateurs n’auraient pas manqué de justifier une hausse symétrique du CAC 40 par le réveil des consommateurs au mois d’août (dépenses en hausse de 1,3%) et la décrue du nombre de licenciements dans le secteur privé.
Souvenons nous que 48 heures auparavant, l’alibi d’une OPA de la dernière chance de Xerox avait provoqué un rebond de 3% du marché parisien en quelques heures.
Il s’est produit un nouvel écart supérieur à 100 points en intraday — correspondant à un mouvement baissier en deux temps –, après le trou d’air du 24 septembre de -99 points puis le rebond de 120 points du 28/09 (affaire Xerox). Il apparaît clairement que la volatilité traduit soit une résurgence de nervosité chez les acheteurs qui ont surfé sur la vague haussière sans porter de jugement sur son fondement… soit de la naïveté de la part des derniers entrants qui volent au secours de la nouvelle bulle boursière.
Dans ces conditions, et bien que beaucoup d’institutionnels se retrouvent structurellement acheteurs en début de mois (et de trimestre), ce sont les vendeurs qui reprennent fermement la main. Les volumes en témoignent depuis trois séances à Paris puisqu’ils ont été constamment supérieurs à 3,6 milliards d’euros contre 2,8 milliards en moyenne depuis la rentrée.
▪ L’indice CAC 40 a clôturé au plus bas du jour. Il se repliait de pratiquement 2%, à 3 720,80 points, enfonçant au passage un petit palier de soutien situé vers 3 745 points.
Il devient difficile de ne pas être saisi de vertige devant l’ampleur des gains à matérialiser après un semestre de hausse record. Dans le même temps, le potentiel de gain apparaît des plus limité — 3% ou 4% de mieux — en l’absence de nouveaux plans de relance gouvernementaux. Et pendant ce temps, les déficits budgétaires explosent.
L’attitude des investisseurs confrontés à la parution de deux chiffres contradictoires est sans ambiguïté : aucune déception n’est plus tolérée. La hausse surprise de 1,3% des dépenses des ménages aux Etats-Unis (+0,9% hors inflation) a été occultée par une faible hausse de 0,2% de leurs revenus.
Il existe une explication technique à cette fièvre acheteuse décorrélée de la hausse des ressources permettant de les financer : il s’agit de la chute du taux d’épargne de 6% à 3% au mois d’août. En d’autres temps, ce pourrait être un indicateur du retour de la confiance… mais il ne s’agit que de l’impact décisif de la fin de l’opération de soutien au secteur automobile "cash for clunkers" aux Etats-Unis
Les dépenses de construction sont ressorties au dessus des attentes au mois d’août. Les promesses de ventes de logement ont affiché une nouvelle progression sur cette même période. Malgré tout, le crédit immobilier reste en crise.
▪ De ce côté-ci de l’Atlantique, les derniers indicateurs publiés ce jeudi sont jugés peu favorables, ou en deçà des attentes. L’indice PMI Manufacturier du cabinet Markit/CIPS est ressorti en baisse au mois de septembre, à 49,5 contre 49,7 le mois précédent, alors qu’une hausse au dessus des 50 était attendue par certains économistes.
Quant au taux de chômage corrigé des variations saisonnières, il s’est établi comme prévu à 9,6% dans la Zone euro en août 2009, contre 9,5% en juillet. Il était de 7,6% en août 2008 selon Eurostat.
▪ Dominique Strauss-Kahn a confirmé les rumeurs du début de semaine en dévoilant des perspectives plus encourageantes concernant l’économie mondiale. Il souligne toutefois que la reprise risque d’être molle, un diagnostic corroboré par Alan Greenspan qui s’attend à une reprise en "W"… aplati.
Le FMI a relevé ses prévisions concernant le PIB mondial en 2009 avec une contraction de -1,1% (contre -1,4% précédemment). La croissance devrait atteindre 3,1% (contre 2,5%) en 2010, grâce essentiellement au dynamisme économique des pays émergents, et plus particulièrement du trio Chine/Inde/Brésil.
L’économiste en chef du FMI prévient que "la reprise sera lente, parce que les systèmes financiers restent endommagés, que le soutien du secteur public devra progressivement être retiré, et que les ménages victimes d’un effet richesse négatif continueront à reconstituer leur épargne (afin de se désendetter)".
Une autre prévision nous intrigue : le volume d’échanges du commerce mondial, ne croîtrait que de 2,5% en 2010, après une chute de pratiquement 12% en 2009.
Un dernier paradoxe : le FMI rehausse d’un point son estimation de la croissance chinoise en 2009. Il y a de quoi mettre en joie Hu Jintao, qui célèbrait hier les 60 ans de la naissance de la Chine communiste… et réformiste — mais le FMI ne crédite l’Empire du Milieu que de 0,5% points supplémentaires en 2010 alors que le PIB mondial aura rebondi de 4,5% dans l’intervalle.
▪ Ce qui n’a pas rebondi en revanche au mois de septembre, ce sont les ventes d’automobile aux Etats-Unis. La rechute s’est avérée aussi brutale que le marché le redoutait : -34% en rythme annuel.
General Motors n’a vendu que 156 700 véhicules aux USA le mois dernier, soit une chute de 42,5% sur un an, après un déclin de 20% en août malgré l’opération "cash for clunkers". Les ventes de Hummer s’effondrent de 83,8% sur un an tandis que le haut de gamme résiste mieux avec Cadillac (-8%). Par ailleurs, les immatriculations d’utilitaires et de poids lourds dévissent de 46,7% ; aucun rebond ne s’est dessiné au cours de l’été.
Un constat partagé par la direction du groupe Michelin. Elle déclarait lundi ne détecter aucune véritable reprise au troisième trimestre et n’en attendre aucune d’ici l’an prochain.
Apparemment, ce genre de contribution à la formation d’un diagnostic économique émanant directement du "terrain" ne parvenait depuis des semaines que sous forme de hiéroglyphes totalement incompréhensibles pour les opérateurs de Wall Street. Toute information ne corroborant pas la thèse de la reprise en "V" semblait subir une sorte de cryptage la rendant inutilisable. Plus de son, plus d’image… plus de souci !
▪ Quelqu’un semble avoir rebranché le décodeur en ce 1er octobre. Frappé de stupeur par l’image d’une économie américaine qui avance péniblement grâce à ses béquilles baptisées TARP et TALF, Wall Street enregistre sa plus forte correction depuis le 2 juillet dernier.
Le Dow Jones a dévissé de 2,1% à 9 510 points. Il efface tous les gains engrangés depuis le 8 septembre dernier. Le S&P 500 terminait également au plus bas du jour, la perte s’élevant à 2,6% tandis que le Nasdaq Composite décrochait de 3% à 2 057 points.
Il est cependant trop tôt pour enterrer la spirale haussière amorcée le 9 mars dernier. Pour mémoire, les indices américains avaient entamé le mois de juillet sur un petit gain de 0,7%. Ils avaient ensuite rechuté de 2,6% dès le lendemain puis de 2% supplémentaires 48 heures plus tard… avant de reprendre 20% en ligne droite.
Mais la situation est bien différente cette fois-ci. Les indices américains partent de beaucoup plus haut. Beaucoup d’économistes se retrouvent bien en peine non pas d’expliquer un rebond technique des marchés après un krach tel que celui de 2008… mais de dire pourquoi il n’aura fallu que six mois pour égaler une performance réalisée en 16 mois, d’octobre 2002 à février 2004.
La mise en liquidation de CIT (le principal financier des PME et du commerce de détail aux Etats-Unis) est imminente : c’est un second Lehman qui se profile, avec des conséquences fort déplaisantes pour l’emploi et la consommation au cours des prochains mois. Croyez-nous, Wall Street ne va pas pouvoir faire semblant encore très longtemps de croire à la reprise !