▪ Un nouveau mois a commencé. Toujours aucun signe de reprise. Où sont les idiots lorsqu’on a besoin de leur argent ?
La semaine dernière, nous chantions les louanges des pigeons et des gogos. Dieu merci, l’argent idiot existe, entonnions-nous.
Des gens prêts à dépenser ce qu’ils n’ont pas pour ce dont ils n’ont pas besoin — voilà ce qui faisait tourner l’ancienne économie de 1971-2007 si rapidement. Où sont ces naïfs maintenant ? Ils semblent avoir trouvé refuge là où ils ne voulaient pourtant pas mettre les pieds. Ils ne semblent plus vouloir acheter d’actions. Désormais, ils achètent des bons du Trésor US !
Mais que voyons-nous ?
▪ Le retour de l’or ?
« L’or grimpe de 40 $ alors que les marchés chutent — un ‘point de bascule’ pour l’actif refuge ? » se demandait Bloomberg mercredi, en précisant que « l’or est parti pour enregistrer son quatrième mois de pertes, ce qui ne s’est pas vu en près de 13 ans. Il est intéressant de constater qu’alors que l’or en dollar enregistre une baisse de 6% sur le mois de mai, la sévère chute de l’euro signifie que l’or en euro a de nouveau grimpé, avec une hausse de 0,3% sur le mois ».
L’or a peut-être passé un cap. Il baissait avec les actions et les autres matières premières. Mais la semaine dernière, les actions ont dégringolé… tandis que l’or rebondissait.
Que se passe-t-il ? En fin de compte, l’or est une monnaie. C’est la seule monnaie à laquelle on puisse faire confiance. Lorsqu’on commence à douter des autres devises — celles faites en bois, et contrôlées par des têtes de bois… l’enthousiasme pour la vraie monnaie augmente.
Ce qui nous fait nous demander qui détient tant de bons du Trésor US libellés en dollars. Les pigeons, sans doute. Les rendements sont tombés à un plancher historique mercredi dernier. Ce qui signifie que beaucoup de gens en achètent… une chose remarquable pour plusieurs raisons.
▪ Quatre raisons de douter des bons du Trésor US
Premièrement, la qualité du crédit américain a largement décliné ces cinq dernières années. Les déficits ont fait grimper la dette nationale de 60% du PIB à plus de 100%. En conséquence, tant Standard & Poor’s qu’Egon Jones ont dégradé la dette américaine. Contrairement à l’Europe, qui tente d’éliminer les dépenses imprudentes, les autorités US s’en donnent encore à coeur joie… et sans aucun regret. Elles gaspillent et consomment désormais environ 1,30 $ pour chaque dollar de recettes fiscales.
Deuxièmement, en période de stress, les gardiens du dollar à la Fed se sont montrés tout à fait prêts à jeter le billet vert hors du canot de sauvetage. S’il y a le choix entre sauver le dollar… et sauver leur emploi ou leurs soutiens électoraux… ou leur pouvoir… nous savons ce qu’ils feront.
Troisièmement, contrairement au Japon, les Etats-Unis ont toujours un déficit commercial substantiel. En mars, le dernier mois recensé, les importations ont battu les exportations de plus de 500 milliards de dollars, soit environ 600 milliards annualisés. Les Japonais et les autres utilisaient autrefois une grande quantité de cet argent pour acheter de la dette US et soutenir les dépenses déficitaires américaines. A présent, ils en ont besoin pour leurs propres desseins… ou pour acheter de l’or. Ce qui laisse les Etats-Unis sans flux de fonds nets provenant de l’étranger… et sans épargne nationale élevée. Ils n’ont aucun moyen de soutenir une longue période de dépenses déficitaires.
Quatrièmement, l’an dernier, quasiment deux dollars sur trois de déficit étaient financés par la planche à billets — ou un quasi-équivalent — de la Fed.
▪ Et si nous avions tort ?
Toutes ces raisons devraient faire réfléchir les investisseurs obligataires. Sauf que ce n’est pas le cas. Ils achètent des obligations américaines sans hésiter. Qui sait ? Peut-être ont-ils raison. Cinq ans se sont déroulés depuis l’effondrement des subprime. Il n’y a toujours pas d’espoir en vue. Pas de reprise. Au lieu de ça, les rendements obligataires eux-mêmes signalent un approfondissement du sommeil économique. L’économie américaine pourrait rester dans le coma pendant cinq… 10… 20 ans. Et le rendement du bon du Trésor US à 10 ans pourrait chuter plus encore… peut-être jusqu’à 1%. A ce moment-là, les investisseurs obligataires sembleront être des génies, non des gogos.
Les gens qui ont hypothéqué leur maison pour verrouiller un taux à 4% regretteront de n’avoir pas attendu les 3%.
Les gens qui ont acheté des actions parce qu’ils ne voulaient pas manquer le grand boom de la reprise regretteront d’y avoir laissé leur cash… à mesure que leurs actions chutent de 20% à 50%.
Les gens qui ont acheté des maisons avec 30% de décote par rapport à 2007 frissonneront chaque fois qu’ils verront le cahier « immobilier » du journal local. Ces mêmes maisons auront perdu 40%… ou 50%.
Oui, ce sera la Revanche des Gogos… des pauvres naïfs qui ont acheté de la dette du Trésor US durant le printemps et l’été 2012. Ils auront raison. Nous aurons tort…
… pendant un temps.