Il manque des milliers de milliards de dollars au PIB mondial parce que les politiques monétaires n’ont pas fonctionné. Pourtant, les banques centrales persistent et signent, pour une raison toute simple…
Les perceptions de risques toujours élevés, la recherche de liquidité avant tout, ont convaincu les concessionnaires/courtiers (encourageant ainsi les autres banques à les suivre) à s’accrocher aux actifs les plus liquides et les plus sûrs, quel que soit le niveau nominal des bénéfices. Ces actifs peuvent être des valeurs du Trésor (UST) ou des réserves.
Les autorités sont peut-être capables de manipuler la perception du faux risque, le risque sur les actifs financiers… mais elles sont incapables de manipuler le vrai risque, la vraie incertitude du monde réel ! Leur magie et leurs pouvoirs d’illusionnistes s’arrêtent aux frontières du vrai monde, du monde de chair, d’os, de sang et de sueur.
Elles ont été et sont encore maintenant incapables de relancer l’activité économique au niveau des tendances antérieures, malgré des bilans gonflés de façon stratosphérique ; quelque chose s’est brisé en 2007 qui n’a jamais été réparé.
Milliards et valeur fictive
Il manque 7 500 Mds$ de PIB, c’est-à-dire de richesses dans le monde. 7 500 Mds$ qui auraient dû être produits si les politiques monétaires avaient fonctionné et si elles avaient permis de retrouver les tendances d’avant 2007. On a décroché et on n’a jamais pu rattraper.
Ces politiques ne marchent pas. En fait, elles restent circonscrites dans un monde imaginaire, le monde de la finance. Il n’y a pas, selon la formule consacrée, « transmission du monde de la finance au monde de l’économie réelle ».
Ces politiques produisent de la valeur, mais c’est de la valeur fictive, du capital fictif gonflé. Ces politiques créent ce que j’appelle de la valeur de misère, en ce sens qu’il n’y a pas transmission de l’impulsion financière au monde réel : dans le monde réel, le taux de profit est trop bas et considéré comme insuffisant compte tenu du facteur risque.
Les autorités mènent une politique qui se heurte à un cul-de-sac. La fonction bancaire ne se réalise pas, tout aboutit à la mer morte, mer intérieure fermée que constitue le marché financier mondial.
S’il y avait transmission, il y aurait alors intermédiation des fonds ainsi disponibles vers l’économie réelle ; on assisterait à une reprise de la croissance saine et durable.
Mécanisme de transmission + intermédiation = reprise réelle et croissance durable.
Les banquiers centraux pensent faux et archi-faux – les marchés également. Les uns satisfont les attentes fausses des autres, c’est un cercle vicieux. Un cercle vicieux obscène dont tout ce beau monde jouit… puisque tout ce monde s’enrichit.
Menace de chantage
Les banques centrales gèrent en fonction des attentes des marchés car elles ont peur d’eux. Elles savent que si elles n’obéissent pas aux marchés, le chantage va se mettre en branle, les Bourses vont chuter et ce sera le risque suprême pour la stabilité financière – avec sa conséquence : la déflation.
Au lieu de réécrire constamment le même conte de fées onanique, il faudrait avoir le courage de briser le cercle vicieux, de décevoir les Bourses, de les laisser s’effondrer et trouver leur équilibre sans artifice.
Comme je le dis : le retour à une économie réelle saine et croissante passe par une crise de destruction boursière. C’est le prix à payer.
La destruction du capital fictif, inefficace, qui ne tient que par les béquilles des politiques de copinage monétaires imbéciles, restaurera le taux de profit moyen à un niveau élevé – ce qui à son tour relancera l’investissement, la productivité, l’emploi et la distribution de revenus décents.
Cela permettrait de mettre en place, de manière crédible, un système monétaire responsable, transparent, plutôt que caché au plus profond des grottes de l’offshore mondial. Un régime monétaire avec des règles simples, que tout le monde comprend.
Cette promesse crédible d’un système monétaire orthodoxe associerait les caractéristiques traditionnelles de la monnaie saine aux innovations et aux avancées de la technologie moderne.
Ainsi serait encouragé un niveau élevé d’intermédiation vers des opportunités productives plutôt que vers des spéculations financières.
Les apprentis sorciers des banques centrales, les gouvernements, les ploutocrates, les médias, les intellectuels sont prisonniers du pacte faustien, celui qu’a conclu l’empereur surendetté pour tricher et continuer de régner quand même. Ils ont ensemble créé un monde faux, un monde des ombres dominé par le fétiche argent/monnaie.
Ils ont détaché l’ombre de la richesse du corps de la richesse réelle.
L’argent n’est pas une richesse. C’est un outil utilisé pour promouvoir l’efficacité économique, la spécialisation/division du travail ainsi que l’échange de biens et de services au sens le plus large humainement possible.
Remerciements à Jeffrey Snider, du fonds Alhambra Investments, qui a inspiré cet article.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]