▪ Après les 2,2% perdus vendredi pour cause de bien mauvais chiffres du chômage, l’ensemble des indices boursiers (CAC 40, Euro-Stoxx, S&P, Nasdaq) passe en mode rally haussier pour cause de… mais de quoi au fait ?
Nous imaginons difficilement que ce soit pour cause d’effondrement de la production manufacturière en Espagne ou de chute de la productivité aux Etats-Unis — pour n’évoquer que les chiffres du jour.
Pas de quoi se réjouir non plus de la dégradation des filiales des banques françaises en Grèce ou de la chute de la consommation en Europe au mois de mai — le secteur textile-habillement subit une contraction spectaculaire des ventes.
Trop de mauvaises nouvelles conjoncturelles, pas d’avancée concrète sur le dossier des banques espagnoles, aucune raison de repasser acheteur après la conférence de presse de Mario Draghi qui n’a satisfait aucune des attentes des investisseurs !
▪ Hausse des marchés : la vérité est-elle ailleurs ?
Malgré tout ce qui précède, c’est un scénario fortement haussier qui s’est enclenché sans cause identifiable : c’est beaucoup plus déroutant comme ça. En effet, à Wall Street, dès les premières minutes de cotation, les vendeurs se sont apparemment fait retourner par une tendance haussière qu’ils n’avaient pas (et pour cause) anticipée.
A Paris, nous n’avons pas assisté à une soudaine résurgence des achats de conviction. 3,6 milliards d’euros échangés, ce n’est pas une vague de fond, mais plutôt une rafale de rachats forcés sur des titres survendus, dans un marché étroit où la contrepartie vendeuse s’est volontairement dérobée. De ce fait, nous avons pu constater des écarts impressionnants à la hausse, de l’ordre de 7% pour certaines financières comme Natixis ou AXA.
Il est beaucoup question dans les salles de marché d’un plan de consolidation et de garantie du secteur bancaire à l’échelon européen.
▪ L’Allemagne ne peut pas porter le poids de toutes les dettes
Cela rassurerait en effet tout le monde mais c’est très difficile à réaliser car ce sont les banques allemandes qui se retrouveraient, par la force des choses, garantes des banques ibériques, portugaises ou irlandaises !
L’Allemagne s’y opposera de toutes ses forces.
Le recours au MES (à condition de renforcer sa dotation en capital) pour sauver le système bancaire espagnol est considéré comme acquis. Mais il va falloir modifier ses statuts… Et là encore, l’Allemagne se montrera très réticente ou y mettra son veto, car cela revient à faire refinancer les banques directement par les Etats avec l’aval de la BCE.
Beaucoup de fantasmes et d’extrapolation derrière l’exubérance haussière des marchés mercredi. Mais aucun investisseur ne veut croire que les banques centrales (et surtout pas celle des Etats-Unis) resteront l’arme au pied face aux signaux de ralentissement économique qui se multiplient.
▪ QE3 ou pas ?
Les marchés ont digéré mardi un mauvais chiffre d’activité industrielle aux Etats-Unis. C’était encore pire en Europe hier matin… alors, trop c’est trop, la Fed ne peut qu’envisager la mise en oeuvre d’un QE3.
Peu importe que les LTRO et autres quantitative easing n’aient aucune efficacité à moyen ou long terme sur la croissance : ça ne marche pas mais la Fed va remettre ça !
Mario Draghi a démenti l’existence d’une solution miracle dont la BCE détiendrait la clé. La résolution des problèmes actuels relève du domaine politique et se situe à Bruxelles, Madrid ainsi qu’à Paris et Berlin.
Le patron de la BCE a de nouveau douché les espoirs d’une initiative de type LTRO, tout en soulignant les dysfonctionnements du marché bancaire et l’inquiétante contraction du volume des prêts.
Il a promis de maintenir en place les mesures non-conventionnelles mais se refuse à aller au-delà (racheter de la dette souveraine par exemple).
Les marchés ont raison de vivre d’espoir et d’eau fraîche car il n’ont pas de quoi se réjouir des prévisions de croissance. La BCE anticipe une variation de PIB comprise entre -0,5% et +0,3% dans l’Eurozone en 2012 et +0% à +2% en 2013 — pourquoi pas entre -5% et +10% après tout ? Elle réitère son pronostic concernant la prédominance des pressions déflationnistes, actuellement masquées par la cherté du pétrole — mais un net reflux est amorcé depuis trois mois.
Rien de concret n’expliquait les 2% de hausse moyenne des indices américains à la mi-séance (même pas de fausses rumeurs d’origine douteuse), pas plus que l’emballement haussier de 2,4% du CAC 40 ou sur l’Euro-Stoxx 50. Mais les day traders n’ont pas d’autre choix que de couper leurs positions short puisqu’ils ne raisonnent pas au-delà de la clôture.
Nous n’avons pas non plus trouvé dans le Beige Book de la Fed publié mercredi soir les motifs de l’euphorie qui régna au cours des deux heures qui suivirent sa publication. La plus forte haussecde l’année des indices américains s’appuie sur… strictement rien, sinon la récitation incantatoire de la foi des opérateurs dans la mise en place d’un QE3.
Sauf que pas une ligne du Beige Book ne suggère que la Fed réfléchit à une telle éventualité.
Le texte publié hier soir reprend 98,9% des éléments de la précédente édition mais certains spécialistes ont détecté une imperceptible inflection sémantique sous-tendant un diagnostic économique moins morose qu’au mois d’avril.
Nous sommes épaté qu’une croissance toujours qualifiée de désespérément lente puisse comporter des aspects qui soient jugés plus positifs. Pendant ce temps, la dure réalité des chiffres indique que rien n’a changé, sauf dans une seule des douze régions économiques, laquelle est passée de la contraction à la stagnation.
▪ Une élection locale va sauver l’Amérique !
Un autre élément — qui ne manquera pas d’impressionner favorablement les investisseurs européens — c’est la victoire d’un républicain, supporter de Mitt Romney, dans une élection locale qui se jouait dans le Wisconsin.
Et les journalistes de CNBC, commentant en direct la fin de séance en fanfare de Wall Street, s’extasiaient devant cette formidable nouvelle qui préfigure le redressement de l’Amérique sur le point de rallier le flambeau républicain.
Pourquoi ne pas évoquer également une récolte de cerises particulièrement abondante dans le Tenessee, phénomène qui préfigure souvent la victoire du great old party aux présidentielles ?
Quand les médias en sont réduits à débiter de telles élucubrations pour justifier une hausse de Wall Street — par ailleurs inexplicable — c’est bien qu’il n’y a plus que ce genre d’expédients pour dissimuler que l’envol des indices boursiers résulte d’une pure manipulation qui était probablement dans les cartons depuis lundi.
Et ce n’est probablement pas un hasard si ce cadeau du ciel tombe précisément le jour de la reprise des transactions à Londres après les quatre jours du jubilée de la Reine. Sans le support technique des robots algorithmiques de la City, aucune hausse de cette ampleur n’aurait été possible.
Il fallait une taille critique suffisante pour mettre à mal les détenteurs de positions vendeuses en Europe. Et puis surtout, Wall Street n’allait pas priver la City de participer à ce genre d’opération coup de poing dans une tendance baissière.
Elle devrait permettre aux plus malins de revendre bien plus haut le papier qui leur brûle les doigts depuis la mi-mars.
▪ Même les financières s’arrachent à la hausse
Et pour frapper encore plus fortement les esprits, les valeurs financières ont été littéralement arrachées à la hausse : Morgan Stanley s’envolait de 8,4%, Bank of America de 7,6%, Citigroup engrangeait 5,4%, Regions Fin 5,3%, J.P. Morgan 3,4%). C’est comme si le QE3 de la Fed avait été annoncé à quelques privilégiés qui se sont empressés de profiter de ce scoop.
Si tel est le cas, cela s’appelle un délit d’initié, si tel n’est pas le cas, cette hausse s’appelle une manipulation de marché.
N’oubliez jamais que les épargnants et les institutionnels qui ne sont pas dans la combine sont appelés des muppets [N.D.L.R : marionnettes] par les Maîtres du Monde qui se targuent de régner sur Wall Street. Ces derniers s’accommodent d’un déluge de procès pour malversations, tromperie, duplicité et manquement à l’éthique et dont le dernier exemple en date n’est autre que l’introduction de Facebook.
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[…] l’occurrence, comme nous l’avions souligné hier, Wall Street était parti ventre à terre (2,4% à la clôture, plus forte hausse de l’année […]