Une petite révolution a eu lieu au sein de l’Union européenne – avec l’accord « historique » signé le mois dernier : retour sur les coulisses de l’événement… et ce qu’il signifie vraiment.
Nous avions laissé les Etats membres de l’Union européenne (UE) de côté au mois de juin, avec leurs perspectives de croissance et de dette publique respectives. Si la situation s’est à nouveau dégradée sur ces deux fronts, la crise économique et son cortège funèbre de déficits budgétaires a permis à l’UE27 d’accomplir une petite révolution.
Il me semble indispensable de revenir sur ce qui s’est joué lors du Conseil européen extraordinaire du 17 au 21 juillet.
Commençons par rappeler les faits.
De l’initiative franco-allemande du 18 mai au Conseil européen extraordinaire du 17 au 21 juillet
Rappelons tout d’abord quelles étaient les forces en présence. D’un côté, nous avions les Etats fourmis (Pays-Bas, Suède, Danemark, Autriche, Finlande), menés par le premier ministre néerlandais Mark Rutte et affublés du sobriquet de « radins » par les étatistes en manque d’éducation. Rappelons aussi leurs torts :
De l’autre se trouvaient les Etats cigales. Changement notable : l’Allemagne, habituellement dans l’équipe n°1, jouait cette fois-ci dans le camp adverse. Ce transfert est d’autant plus important que le 1er juillet, Berlin a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne, qu’elle occupera jusqu’au 31 décembre.
Angela Merkel a donc joué un rôle clé, aux côtés de Charles Michel (président du Conseil européen), pour faire émerger un compromis lors de ce sommet qui s’annonçait d’emblée comme un marathon.
Il s’agissait pour les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de se mettre d’accord sur deux choses.
Il fallait tout d’abord arriver à un compromis au sujet du fameux plan de relance pour pallier la crise économique qui a suivi les confinements (et non pour « faire face à la crise du Covid-19« , comme on le lit trop souvent).
Rappelons que cette idée a émergé lors de l’initiative franco-allemande du 18 mai en faveur de la création d’un fonds de sauvetage/de relance européen de 500 milliards d’euros, qu’on nous présentait déjà comme « historique »…
… avant que la Commission ne fasse monter les enchères à 750 milliards d’euros en introduisant son propre projet le 27 mai.
Cette négociation sur le plan de relance s’est déroulée conjointement à celle portant sur le cadre financier pluriannuel (CFP) de l’UE pour la période 2021-2027, dont je vous ai déjà parlé ici.
Bref, plus de deux ans après la proposition de budget initiale de la Commission en mai 2018, le moment était venu de trancher, une crise économique étant entre temps venue s’ajouter à une équation déjà fort complexe.
En dépit du cirque d’Emmanuel Macron, la culture européenne du consensus a (encore) triomphé
Pour faire court, les représentants des Etats fourmis, lâchés par la maison-mère allemande, étaient hostiles au principe de la subvention, en particulier à destination des Etats cigales.
Le groupe mené par l’Allemagne et la France défendait quant à lui l’idée d’un plan de relance européen en complément des plans de relance nationaux, lequel reposerait très largement sur des transferts d’argent depuis les pays les moins en peine économiquement au profit des pays les plus atteints. La condition alors exigée par les Etats cigales consistait à disposer d’un droit de veto afin de bloquer les subventions en l’absence de réformes structurelles effectives chez les cigales.
Après que certains ont multiplié les postures…
French technocrate ayant du mal avec la culture du « compromis » à l’européenne et signifiant à ses partenaires qu’il est interdit de ne pas obtempérer
« MACRON FAIT METTRE SON AVION EN STAND BY : […] Après une réunion peu constructive avec les frugaux, Macron a demandé de faire préparer son avion pour partir à 23h, selon un fonctionnaire diplomatique […].«
… appuyés en cela par une presse bleu-blanc-rouge qui chantait la même rengaine quasiment à l’unisson…
… les 27 ont fini par trouver un compromis après quatre jours et quatre nuits de négociations, en 25 minutes de moins qu’il n’en n’avait fallu pour signer le Traité de Nice en 2001.
L’avion présidentiel français est donc resté sagement au sol, et les Etats fourmis ne se sont pas risqués à faire capoter une avancée que d’aucuns qualifiaient déjà d' »historique ».
Pour la première fois de son histoire, l’UE va emprunter sur les marchés pour financer des dépenses communautaires
Chose sans précédent, la Commission européenne va lever sur les marchés, au nom de l’UE, un montant de 750 milliards d’euros au nom de tous les Etats membres de l’UE.
Il y a deux enveloppes : l’une qui représente 360 milliards d’euros de prêts, et l’autre qui se monte à 390 milliards d’euros de subventions – lesquelles seront allouées aux Etats les plus frappés par la pandémie.
Les prêts ont vocation à être remboursés individuellement par chaque Etat qui va en bénéficier. Jusque-là, rien de nouveau.
Les subventions en revanche, qui seront versées entre 2021 et 2023, seront remboursées non pas par les Etats qui en seront bénéficiaires mais par l’ensemble des membres de l’UE (selon une clé de répartition que nous détaillerons plus loin) : c’est là que se situe la grande nouveauté.
Exit le droit de veto des Etats fourmis : ces derniers ne bénéficieront que d’un simple droit de regard relatif à l’utilisation des subventions soumises à des critères de conditionnalité. Or, un « droit de regard« , vous savez ce que ça veut dire :
Au final, la dette commune européenne se monte bien à 750 milliards d’euros puisque c’est la Commission qui va emprunter cet argent avant de le distribuer, ce qui fera exploser ses émissions de dette…
… et fera d’elle le quatrième plus grand émetteur de dette au sein de l’UE.
750 milliards d’euros vont donc pleuvoir sur trois ans quand les remboursements pourront s’étaler jusqu’en… 2058.
Voilà pour le contexte général.
Demain, nous tenterons de déterminer qui sont les gagnants et les perdants de cet accord.
1 commentaire
Au lieu de simplement commenter cette actualité connue des initiés il faudrait mobiliser la société civile sur la zombification de l’économie européenne. Au lieu de faire comme les Etats-unis ou le Japon trouvons le courage de revenir à une économie saine fondée sur l’étalon or.