▪ Le Japon vient d’annoncer mercredi matin être parvenu à accroître le débit de son robinet de liquidités pour le porter à l’équivalent de 800 milliards d’euros. En yen, cela représente tellement de zéros qu’à la fin de la journée, nous avons peur d’en oublier un. Nous vous rappelons qu’un yen est égal à environ un centime d’euro et qu’un milliard de yens s’exprime avec 11 zéros, donc 13 par tranche de 100 milliards.
La Banque du Japon espère- t-elle que le chiffre 8 (pour 800 milliards d’euros) lui portera davantage chance que le 13 (nombre de zéro derrière le 8) ?
Bien sur que non ! Les sommes qu’elle a déjà injectées en vain dans l’économie nippone depuis 1991 s’expriment avec 14 zéros et nous sommes presque convaincu que le jour où la barre des 15 sera franchie, la croissance sera toujours aussi moribonde… tout comme le yen.
▪ Destruction massive de devises par les banques centrales
L’avantage compétitif des trois quantitative easing majeurs annoncés en moins de 15 jours se trouve donc d’ores et déjà neutralisé en ce qui concerne les trois principaux pôles économiques mondiaux (Europe, Etats-Unis, Japon/Corée du Sud)… Enfin, nous parlons là de ceux qui possèdent une monnaie convertible.
Nous devrions plutôt dire : une monnaie soluble dans l’encre qui alimente la planche à billets.
La destruction des devises dites de réserve semble donc devenue la principale activité des trois principales banques centrales de la planète. Mais attendez un peu, la BCE n’a encore rien sorti de ses presses car elle attend l’appel au secours de l’Espagne !
D’un point de vue formel, c’est exact. Mais dans la vrai vie, la BCE imprime chaque mois des milliards d’euros — sous forme d’avances de trésorerie plus ou moins fictive — à des pays ou des établissements de crédit dont elle sait pertinemment qu’ils ne rembourseront jamais, sauf à leur délivrer un beau matin un semi-remorque rempli de coupures de 100 euros.
Il faudra pour cela que l’Allemagne signe le bon de livraison. Nous pressentons que si Mario Draghi se propose de conduire lui-même le camion arborant sur ses flancs un grand sigle « MES », cela ne va pas passer comme une lettre à la poste auprès de la Bundesbank.
En ce qui concerne le troisième QE annoncé par Ben « Dollarman » Bernanke il y a tout juste une semaine, tout se passe pour le mieux. 10 milliards de dollars ont déjà été distribués aux banques qui avaient des MBS (frelatés ?) à lui offrir en échange.
Rassurez-vous, elles en détiennent des stocks se chiffrant en centaines de milliards de dollars. Et c’est sans compter les 200 à 250 milliards de prêts étudiants en défaut partiel ou avéré dont l’Etat s’est engagé à les débarrasser le jour où ça tournera mal.
▪ L’échéance de remboursement : c’est maintenant !
Le problème, c’est que ce jour est déjà arrivé : l’échéance, c’est donc tout de suite.
Vous comprenez mieux dans ces conditions l’urgence qu’il y avait à actionner la planche à billets pour permettre aux Etats-Unis de se refinancer… avant même de s’attaquer à la question de la falaise fiscale.
C’est peut être pourquoi l’argent de la Fed tarde depuis quatre séances à propulser Wall Street vers de nouveaux sommets. Cette manne est en quelque sorte déjà préemptée par l’Etat américain ; l’une des raisons réside dans la concurrence sans merci que se livrent les emprunteurs pour capter une épargne mondiale que le ralentissement global de la croissance commence à tarir.
Le semblant de confiance restauré par la BCE dans la pérennité de la Zone euro a déjà permis aux pays en difficulté de se refinancer à moindre coût. Les créanciers se remettent à considérer le Portugal ou l’Espagne comme des émetteurs potentiellement crédibles et bien plus rémunérateurs que les bons du Trésor américain.
Une réévaluation du couple rendement/risque pourrait générer un appel d’air en faveur des émissions des PIIGS (le « G » est désormais de trop car Athènes est totalement out aux yeux des prêteurs internationaux). Cela rendrait le placement des bons du Trésor américain plus compliqué.
Les T-Bonds ont vu leur rendement se retendre vers 1,81% et 3,01% sur les maturités à 10 et 30 ans mardi. La légère décrue survenue mercredi soir n’a guère profité à Wall Street qui a clôturé très proche de ses niveaux médians du jour (+0,15%) après avoir oscillé entre -0,1% et +0,5% — le zénith du jour étant inscrit peu après la mi-séance.
Les scores des indices américains sont conformes aux anticipations formulées par les opérateurs en pré-ouverture… Il n’y a donc pas lieu d’éprouver quelque étonnement.
▪ Le pétrole continue sa dégringolade
Sauf que nous assistons à la quatrième séance de stagnation de Wall Street dans un corridor particulièrement étroit. Cela en devient d’ailleurs troublant car dans le même temps, le pétrole s’est effondré de 3,8% vers 91,7 $ sans que les chiffres du jour ou l’actualité géopolitique le justifient.
Pour rappel, la correction sur le pétrole WTI s’est enclenchée dès que la barre psychologique des 100 $ a été testée le 14 septembre sur le NYMEX. Le baril a été victime dès la séance suivante (le lundi 17) d’un mystérieux décrochage de 4 $ vers 19h30, entre 99 $ et 95 $.
L’explication pourrait provenir d’un contrepied massif sur des positions spéculatives constituées sur certaines matières premières en vue du QE3 annoncé il y a une semaine. Mais nous ne sommes pas pleinement convaincu car le pétrole constitue véritablement un cas à part.
Pas de correction cette semaine sur des céréales comme le blé, le soja ou le maïs (elles s’inscrivaient en hausse de 2% sur le CBOT mercredi soir). Pas de changement non plus sur le cuivre, ni sur l’or qui n’a pratiquement rien cédé depuis lundi, à 1 772 $ contre 1 778 $ au plus haut depuis jeudi dernier.
Nous ne sommes pas encore en mesure de cerner les tenants et les aboutissants de la chute de l’or noir, mais nous recensons déjà de nombreuses réactions. Une majorité de stratèges et de gérants considère que c’est une excellente nouvelle pour le pouvoir d’achat des Américains et les marges de entreprises… de quoi alimenter le scénario d’une reprise de la hausse des indices boursiers.
D’autres soulignent que beaucoup d’opérateurs ont pris un pari assez risqué sur la croissance et l’ampleur des arbitrages au détriment du dollar. D’abord parce qu’un QE ne relance pas l’activité économique (ça se saurait depuis 20 ans que le Japon se débat avec la récession) ; ensuite parce que les initiés ont largement anticipé l’initiative de la Fed depuis le milieu de l’été et n’ont pas attendu pour vendre le dollar — matérialisant par la même occasion de belles plus-values face à l’euro.
Le pétrole présenterait donc toutes les caractéristiques d’une bulle spéculative. Une erreur de casting dans un contexte de ralentissement économique de longue haleine : 2013 devrait se solder par une croissance zéro dans l’Eurozone et la Chine aura du mal à réaliser son objectif de 7,5% de hausse du PIB cette année puis l’an prochain.
Les actions constituent-elles un investissement plus judicieux ? Certes, les entreprises américaines recommencent à proposer une politique de distribution de dividendes plus généreuses, mais comme elles font globalement moins de moins de profits — conjoncture mondiale oblige –, elles ont fait le choix de sacrifier leurs marges.
Elles ne tiendront pas longtemps à ce rythme.
Autrement dit, elles gagnent moins d’argent depuis deux ou trois trimestres mais elles se payent plus cher. La hausse des dividendes ne saurait occulter très longtemps cette distorsion de valorisation qui résulte de plusieurs mois d’anticipation d’un recours massif à la planche à billets.