Les Etats sont endettés, surendettés, et continuent à dépenser : comment financer tout cela ? Nos dirigeants prétendent avoir trouvé la solution miracle… mais ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de leurs déficits.
Les 750 Mds€ n’auront été qu’un prélude.
Comme nombre de mesures dites temporaires prises à la faveur de l’épidémie de Covid-19, le mécanisme de dette européenne, mis en place en urgence l’année dernière, aura le plus grand mal à rester cantonné à la phase aigüe de la crise.
Alors que la situation sanitaire s’améliore dans la quasi-totalité des pays de la Zone euro et que l’économie amorce un rebond d’ampleur inattendue, les grands argentiers lorgnent de nouveau sur l’argent facile sous forme de dette.
Pourquoi se priver de faire payer à autrui nos dépenses ? Forts du succès du premier plan de relance dont les effets ont été locaux et les coûts externalisés, les dirigeants-cigales sortent une nouvelle fois du bois pour réclamer de nouveaux emprunts européens.
En parallèle, ils se félicitent publiquement de la nouvelle manne que devrait représenter la taxation minimale des multinationales, en feignant d’ignorer que les effets réels de cette mesure « de justice fiscale » seront absolument négligeables.
Dans les prochaines années, tout porte à croire que les Etats continueront leur gabegie… mais contrairement aux satisfécits médiatiques, les payeurs de notre modèle social ne seront pas les GAFAM.
Qui payera, alors ?
L’attrait irrésistible de l’argent gratuit
Depuis la crise des subprime, vous savez que nos politiciens sont incapables de résister aux sirènes de l’impression monétaire. Avec des effets bénéfiques immédiats et un coût décalé dans le temps, il est difficile de se priver de la surenchère de dépense publique financée à crédit sur l’avenir.
Avec les eurobonds, la pilule est encore plus facile à avaler. En faisant assumer aux étrangers qui auraient eu la générosité de prêter de l’argent à la Zone euro le coût de nos dépenses, les politiciens peuvent avoir le beurre (de la relance) et l’argent du beurre (de la stabilité des prix). Le sourire de la crémière vient sous forme d’électeurs heureux de ces plans de relance qui ne leur coûtent rien.
Aucune raison, donc, de se priver de cet argent gratuit.
Début juillet, une offensive coordonnée a été menée par la France et la Belgique. Chez nous, c’est le ministre de l’Economie Bruno le Maire qui a sonné la première charge en évoquant la souveraineté industrielle.
Semi-conducteurs, intelligence artificielle et production d’hydrogène sont autant de secteurs qui justifieraient, selon le ministre, de pérenniser cet arsenal financier qui devait pourtant être temporaire. Avec des « grands plans » se chiffrant chacun à près de 30 Mds€, Bruno le Maire a constaté – avec raison – que les capacités d’endettement individuelles des Etats ne permettraient pas de régler l’addition.
Si le diagnostic est correct, la conclusion est, en revanche, plus discutable. Pour le ministre :
« L’Europe est en train de perdre du terrain au profit des Etats-Unis et de la Chine, elle doit redevenir le continent des grandes inventions et façonner le XXIe siècle. » Pour cela, elle doit se montrer « plus innovante, plus ambitieuse et retrouver l’appétit du risque ».
Curieux risque que celui qui est supporté par des prêteurs étrangers !
Ne faisant pas cavalier seul, notre intrépide serial-emprunteur s’est vu soutenu par l’économiste belge Paul De Grauwe, pour qui « il faut donner la priorité absolue à l’investissement public et permettre aux Etats d’emprunter davantage », quitte à abandonner les règles budgétaires actuelles qui sont « autant d’obstacles à une telle montée en puissance ».
Cette gourmandise assumée fait suite à une première victoire budgétaire. Nous apprenions quelques jours auparavant que l’Union européenne avait donné son feu vert au plan de relance français. Nous devrions ainsi recevoir près de 40 Mds€ jusqu’en 2026 sous forme d’enveloppe destinée notamment à favoriser la transition écologique et numérique.
Pour donner un point de référence, le plan de relance voulu par le président Sarkozy après la crise de 2008 se montait à 26 Mds€. Il était, à l’époque, contesté pour sa démesure…
Des Etats toujours plus gourmands
Tout porte à croire que nos politiques sont dans l’impossibilité de revenir à l’orthodoxie budgétaire.
Après la planche à billets, qui fonctionne de façon exponentielle depuis la crise des subprime – et désormais les eurobonds –, voici venue sur le devant de la scène la corne d’abondance de l’impôt minimal sur les sociétés. Il consiste à taxer, dans chaque pays, les grandes entreprises en fonction de leur activité réelle exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires plutôt qu’en fonction des bénéfices constatés.
Après l’accord conclu par les pays du G7 et l’approbation de l’OCDE quant à un impôt minimal sur les multinationales de 15%, les pays-cigales se voient déjà assis sur un tas d’or providentiel.
La mesure à peine adoptée, le Conseil d’analyse économique (CAE) a chiffré l’impact de la future mesure. Avec un taux de 15%, les gains pour la France s’élèveraient à six milliards par an, puis deux milliards si les paradis fiscaux relèvent à leur tour leurs taux. Médias et hommes politiques ont relayé à qui mieux mieux le caractère révolutionnaire et historique de la mesure, constatant la victoire du David étatique contre le Goliath industriel tout en promettant – enfin – des lendemains qui chantent.
L’argent n’est pas là où on le croit
Le satisfecit quasi-unanime des ministres des Finances pour plus de « justice fiscale » est d’autant plus ironique que cette somme ne représente, à l’échelle du budget de l’Etat, qu’une goutte d’eau.
A titre de comparaison, la somme annuelle est, en ordre de grandeur, équivalente au montant versé par l’Etat au titre du fonds de solidarité et des aides aux grandes entreprises tous les mois depuis le début de la crise.
Une autre manière d’évaluer le ridicule de cette nouvelle recette est de constater qu’elle correspond approximativement à la dette qu’accumule la France tous les dix jours (week-ends compris).
La taxation mondiale des multinationales, quelle que soit sa légitimité sociale et politique, reste anecdotique à l’échelle de nos finances publiques. Longtemps agitée comme un Graal socioéconomique, elle n’aura aucune influence sur nos capacités d’investissement, notre système social, et l’équilibre de nos comptes.