Vous détestez l’or ? Aucun problème – il n’est pas nécessaire d’apprécier le métal jaune pour en détenir : il faut simplement être conscient des dangers qui guettent les épargnants en ce moment… et vouloir s’en protéger !
« I’m not a gold bug—you’re a dollar bug! » (« je ne suis pas amoureux de l’or, c’est vous qui êtes amoureux du dollar ! »), avait un jour répondu Richard Russell à ses détracteurs.
Richard Russell nous a quittés en 2015 et il était célèbre pour la lettre d’information financière qu’il avait créée en 1958 : The Dow Theory Letter. Comme lui, je ne suis pas amoureux de l’or, mais je veux absolument en posséder comme outil de stockage de valeur, faute de meilleure solution, puisque toutes les monnaies sont malades… et elles souffrent d’un mal incurable.
Good timing is everything
L’or n’est pas le seul outil pour préserver la valeur, voire l’augmenter et la transporter dans le temps. Mais si j’observe son palmarès, il fait partie des meilleurs.
En réalité, je n’ai pas envie de me fatiguer à essayer de « timer » ce marché. Ce système insensé tient le coup depuis un bon moment, maintenant. Plus longtemps que je ne le pensais, à vrai dire. Ils sont forts, il faut le reconnaître.
Mais voilà : je n’ai pas envie de perdre mon temps, mon énergie et ma santé mentale à tenter de savoir combien de temps un château de cartes peut tenir debout par grand vent.
D’ailleurs, quel marché ? Y a-t-il encore un marché ? En fait, non. Tous les prix sont faux puisque les taux d’intérêt et les taux de change sont artificiels.
Donc, ce n’est pas que j’aime particulièrement le métal jaune, mais je n’envisage tout simplement rien sans un filet de sécurité en or massif dans les conditions actuelles.
Car soit les banques centrales arrêtent les injections et tout s’écroule, soit elles continuent, les marchés poursuivent leur hausse et c’est la valeur de la monnaie qui s’effondre en fin de compte.
Le timing est impossible – mais on sait comment la situation finit.
Alors prenons un peu de recul pour tenter d’identifier des cycles qui se répéteraient sur un temps plus long et qui pourraient nous donner des indications statistiques sur ce qui nous attend.
Le cycle impérial
L’univers entier inspire et expire de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Tout est régi par des cycles. De la révolution des planètes autour du soleil à la vie humaine, en passant par les saisons. Sans parler des marchés…
Nous retrouvons ce caractère cyclique également dans l’ascension et la chute des empires dont le graphique ci-dessous nous montre de façon très schématique les différentes phases.
En résumé, après l’établissement d’un nouvel ordre mondial s’ensuit une période de paix et de prospérité. Nous nous y habituons et nous commençons à emprunter de plus en plus pour maintenir cette croissance. Cela entraîne la formation d’une bulle. Celle-ci finit par éclater et nous nous mettons à imprimer de la monnaie. Les tensions augmentent pour aboutir à une redistribution des richesses qui peut s’avérer violente.
Cette fin de cycle de l’empire dominant qui avait remporté la dernière bataille économique et géopolitique voit la montée de puissances rivales, qui donnera naissance à un nouveau cycle.
Et ce cycle se répète inlassablement dans notre Histoire.
La Pax Americana, et après ?
Aujourd’hui, les Etats-Unis jouent le rôle de l’empire en déclin et la Chine, celui de la puissance rivale qui monte.
Nous pouvons observer la succession des cycles impériaux sur les 400 dernières années sur cette représentation simplifiée ci-dessous :
Nous commençons par le cycle impérial des Pays-Bas (ligne orange) qui succède à ceux de l’Espagne et du Portugal. Ensuite, les Néerlandais cèdent leur place de première puissance mondiale aux Britanniques dont l’empire connaîtra son apogée au XIXème siècle (ligne noire).
Plus proche de nous, les Etats-Unis montent en puissance après la Première guerre mondiale.
Après la Deuxième guerre mondiale, la Grande-Bretagne fait officiellement partie des vainqueurs, mais elle est virtuellement en faillite. Le défaut de paiement n’est évité que grâce à un prêt de 39 Mds£ de la part des Etats-Unis (ligne bleue).
Nous passons de la Pax Britannica à la Pax Americana avec les accords de Bretton Woods en 1944, qui marquent l’avènement du système monétaire actuel.
Le dollar remplace la livre sterling comme monnaie de réserve mondiale. Car, naturellement, quand un empire s’effondre, sa monnaie s’effondre avec lui après une plus ou moins lente agonie.
Déjà à l’époque de la Rome antique, nous avons pu observer une dépréciation de la monnaie qui accompagnait le déclin de la puissance impériale. Les jeux du cirque au Colisée étaient là pour divertir la population des véritables enjeux en excitant ses bas instincts pour mieux la contrôler.
Et pendant ce temps, les pièces d’or et d’argent contenaient de moins en moins de métaux précieux.
Aujourd’hui, nous vivons le déclin progressif de l’empire américain et l’avènement de la Chine pour le remplacer.
Même si le yuan est encore loin de voler la vedette au dollar, la monnaie chinoise se taille une place de plus en plus confortable dans les devises mondiales.
Le FMI (Fonds monétaire international) a inclus le yuan dans son panier de droits de tirage spéciaux (DTS) pour la première fois en 2016, et l’institution nous apprend que le volume du yuan dans les réserves de change officielles du FMI a augmenté pour le neuvième trimestre consécutif.
Pour les analystes, cela reflète l’amélioration du statut du yuan en tant que devise internationale, ainsi que le renforcement de son importance au sein de l’économie mondiale.
La bataille fait rage au sein des élites qui organisent cette transition majeure, et ce passage de flambeau comporte des risques importants pour la population. Dans leur arsenal, les autorités disposent d’armes très efficaces pour nous contrôler, car elles ne veulent pas que nous venions déranger leur tentative de démolition ordonnée du système.
Nous sentons de plus en plus concrètement cette tentation collectiviste totalitaire sur fond de Great reset et de passe sanitaire.
Le monde est entré dans une période de troubles où des forces tectoniques très puissantes sont à l’œuvre.
Nous ne pouvons que nous protéger le mieux possible, et éventuellement tenter de profiter des opportunités qu’offrent les crises.
« Je déteste l’or ! »
Nassim Taleb est un écrivain, statisticien, essayiste spécialisé en probabilités et praticien en mathématiques financières libano-américain célèbre pour ses ouvrages tels que Le Cygne Noir ou Antifragile.
Il définit trois catégories d’actifs : fragile, robuste et antifragile.
Un actif fragile va souffrir de la volatilité. Par exemple : un prêt hypothécaire pour une banque. Les clients peuvent refinancer leur prêt en cas de baisse des taux, mais la banque ne peut pas imposer un taux plus élevé sur un prêt à taux fixe en cas de hausse des taux.
Un actif robuste, de son côté, ne se soucie guère de la volatilité et n’en souffre pas vraiment. Par exemple : l’or.
Un actif antifragile va, au contraire, profiter de la volatilité. Par exemple : la société de capital-risque Sequoia Capital a investi à un stade précoce dans WhatsApp pour un total de 60 M$. Facebook a racheté la société pour 19 Mds$, dont trois milliards sont allés à Sequoia, soit 50 fois leur investissement initial.
En bref, selon les propres mots de Nassim Taleb :
« Le fragile veut la tranquillité, l’antifragile se développe à partir du désordre, et le robuste ne s’en soucie pas trop. »
A partir de là, Taleb développe sa Barbell Strategy (Stratégie des haltères).
L’idée est d’éviter tous les investissements fragiles, d’investir un faible pourcentage fixe (10% du portefeuille, par exemple) dans des actifs extrêmement risqués (capital-risque ou start-ups, entre autres), et d’investir les 90% restants dans des actifs robustes et extrêmement sûrs.
Dans une interview accordée à The Economic Times en mai 2020, Taleb déclarait : « Je déteste l’or et je l’ai toujours détesté. Malheureusement, j’en possède. »
En effet, il investit une grande partie de ses « actifs sûrs » dans l’or physique. L’or est l’investissement robuste par excellence.
L’or, ce survivaliste
Si le système s’effondre, l’or survivra. Et même s’il ne se passait rien, un investissement dans l’or n’entraînera pas de pertes colossales.
Comme le font remarquer à juste titre certains investisseurs, une pièce d’or nous permettait d’acheter autant de litres de vin il y a plusieurs siècles qu’à l’heure actuelle.
Si l’or est une réserve de valeur depuis environ 4 000 ans, il est raisonnable de penser qu’elle le restera pour les 4 000 prochaines années.
Taleb appelle cela l’effet Lindy : plus une chose a survécu dans le temps ou est utilisée dans le présent, plus elle est susceptible d’avoir une plus longue espérance de vie. Sa longévité implique une résistance au changement, à l’obsolescence ou à la concurrence et de plus grandes chances de continuer à exister dans le futur.
En résumé, choisir l’or comme la partie la plus importante et « sûre » (robuste) du portefeuille peut nous permettre d’investir une petite partie dans des actifs extrêmement risqués, mais potentiellement très rentables : certaines actions d’entreprises (comme les mines d’or et d’argent, par exemple).
[NDLR : Retrouvez plus d’analyses et de recommandations de Vincent Denis sur son site, www.goldconsulting.be]