▪ Vendez tous les rebonds ! C’est notre recommandation constante sur le Téléphone Rouge depuis le 24 avril dernier. Cette stratégie se révèle une nouvelle fois pertinente alors que l’euro replonge de 2% en l’espace de quelques heures (entre 1,245 $ et 1,2160 $) pour s’inscrire à son plus bas niveau depuis la mi-avril 2006.
Au risque de nous répéter, la correction des marchés s’avère et va continuer de s’avérer inversement proportionnelle à l’intensité de la désinformation et de la manipulation des cours qui a précédé le surgissement médiatique du problème insoluble de la dette souveraine des Etats.
Le transfert massif des mauvaises créances du secteur privé au secteur public ne pouvait que s’achever par un désastre — dès lors qu’il apparaîtrait que le poids de la dette (et des déficits budgétaires qu’il engendre) augmenterait beaucoup plus rapidement que les recettes fiscales, qui stagnent ou se contractent en période de récession.
Cette évidence a pourtant été niée avec la même obstination et la même mauvaise foi que la crise des subprime et le risque de contagion qui déboucha sur l’effondrement de l’ensemble des dérivés de crédit.
▪ La BCE avouait que les mêmes symptômes de défiance généralisée des banques les unes envers les autres avait ressurgi à l’identique le vendredi 7 mai. Après une bouffée d’exubérance irrationnelle (ou de sur-réaction excessive selon Christine Lagarde), la confiance s’évanouissait de nouveau le vendredi 14.
Pour tenter de juguler un processus qui s’apparentait à une nouvelle crise de liquidités, la BCE a entamé son programme de rachat de créances douteuses. Elle s’est bien gardée de dévoiler leur provenance mais chacun présume qu’elles portent majoritairement la signature du Trésor grec — les autres pouvant être originaires du Portugal, d’Irlande… où les maturités 10 ans affichent 4,8% de rendement.
A peine la stratégie de monétisation temporaire des dettes (16 milliards d’euros, compensés par des prises en pension de liquidités pour un montant équivalent auprès des banques commerciales) est elle déclenchée que les premiers commentaires d’économistes plus ou moins nobélisés fusent : la BCE se transforme en bad bank.
Les attaques contre l’euro ont repris de plus belle lundi soir, avec à la clé un nouveau plancher inscrit sous les 1,23 $. Après le versement d’une aide d’urgence de 14,5 milliards d’euros promise à la Grèce, la tension est retombée d’un cran ; l’euro en a profité pour rebondir vers les 1,2450 $.
C’était trop beau pour durer. Il faut croire que les Allemands se sont jurés de faire de l’euro une des monnaies les plus compétitives de la planète… après avoir réalisé qu’en faire la devise la plus forte du monde nous envoyait tout droit vers un second épisode de récession.
Quel meilleur moyen de faire replonger l’euro sous les 1,2250 $ que d’annoncer, après la clôture des marchés européens, l’interdiction des ventes à découvert sur les principales institutions financières germaniques, à savoir les banques (Deutsche Bank, Commerzbank, Aareal Bank, Deutsche Börse ou encore Deutsche Postbank) et les assureurs (Allianz Munich Re, Hannover Rückversicherungen, Generali et le courtier Marschollek Lautenschlägers und Partners) ?
Quelle urgence y avait-il à protéger les sociétés financières germaniques — lesquelles ont le moins chuté parmi toutes celles cotées au sein de l’Eurofirst 600 ?
Cette annonce revient un peu à hurler dans une station de métro bondée : « je vous demande toute votre attention ! Ce colis suspect abandonné près du distributeur de boissons et qui fait « tic-tac » n’est pas une BOMBE, je répète, ce n’est pas une BOMBE. Il est donc inutile de vous enfuir en attendant que les démineurs arrivent ».
Si la France, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre n’adoptent pas des décisions similaires dans l’urgence, cela va être un jeu de massacre sur les actions des banques et compagnies d’assurances qui peuvent encore faire l’objet d’un « naked short-selling » (vente à découvert avant même d’avoir emprunté les titres correspondants).
Et si la disposition allemande fait tache d’huile, les spéculateurs qui n’ont désormais plus qu’une idée en tête — sortir à tout prix des actifs libellés en euros — se vengeront sur les ETF, les CFD, les contrats à terme sur indices. Cela nous promet une belle journée des « Trois sorcières » vendredi, avec une dynamique baissière sur le mois de mai qui constitue un véritable toboggan enduit de liquide vaisselle pour l’Euro-Stoxx 50 ou le CAC 40.
▪ Cela tombe à pic : les indices paneuropéens viennent justement de remonter au sommet de l’échelle mardi avec un gain moyen de 2%. Mais il serait exagéré de parler d’un vent d’euphorie généralisé car les scores apparaissaient relativement disparates : Londres n’a gagné que 0,8% (idem à Zurich), Francfort a repris 1,45%, Paris 2,1% tandis que Milan affichait +2,4% et Madrid +3,65%.
Le CAC 40 comptait à un moment près de +100 points (+2,7% à 3 640 points) par rapport à sa clôture de lundi. Il a dû toutefois céder environ 0,65% avant d’en terminer un peu au-dessus des 3 617 points… dans des volumes bien modestes puisque inférieurs à quatre milliards d’euros (ils sont même dérisoires vu un écart intraday qui avoisinait +3%).
La remontée des cours devait paradoxalement beaucoup au plongeon de 11,5% des permis de construire aux Etats-Unis au mois d’avril. Ce chiffre — qui plombait le dollar — a été symétriquement bénéfique à tous les actifs libellés en euros.
Les opérateurs n’ont en revanche pas tenu compte de la hausse de 5,8% des mises en chantier : cette embellie résultait en effet d’un pic ponctuel d’activité lié à l’expiration de la prime fiscale accordée aux acheteurs d’un premier logement (neuf ou ancien).
En Europe, le baromètre du moral des milieux d’affaire ZEW a chuté de huit points en mai (de 53 vers 45). Les turbulences qui affectent la Zone euro ont sérieusement affecté l’optimisme béat affiché en mars, alors que les marchés affichaient un ratio de six hausses pour une baisse — que nous avions qualifié de surréaliste, mais qui semblait être devenu à l’époque le scénario de marché le plus naturel du monde.
Au moment où nous écrivons ces lignes, nombre de stratèges redoutent que ce ration de 6/1 se matérialise — mais à la baisse cette fois-ci. Une crainte d’autant plus compréhensible que les autorités allemandes (chancellerie, Bundesbank, ministère de l’Economie) semblent se relayer pour torpiller systématiquement toutes les tentatives de leurs partenaires pour tranquilliser les marchés : kolossale cacophonie !