Certains ont fait une croix sur les bijoux, d’autres sur les vacances, certains sur les vêtements. La crise oblige à revoir les budgets. Mais que se passe-t-il lorsqu’on est contraint de couper dans l’essentiel ? C’est le dilemme auquel ont dû faire face les agriculteurs : fallait-il poursuivre les achats d’engrais, matériaux chers mais bénéfiques aux récoltes ?
La réponse a été non, comme le prouve la chute de 70% des exportations de potasse, important composant des engrais, au cours des six premiers mois de 2009. Pourtant, il n’est pas envisageable que cette réduction se poursuive.
Rendement et rentabilité passent par les engrais
Parlons simplement en termes d’offre et de demande. Il faudra doubler la production agricole mondiale d’ici à 2050, afin de nourrir toute la population. La croissance démographique, voilà le premier facteur qui va tirer les activités agricoles au cours des décennies à venir. A cela s’ajoute un autre élément : l’évolution des habitudes alimentaires.
Il faut 7 kg de céréales pour produire 1 kg de viande. Viande qui entre de plus en plus dans les menus des pays en voie de développement, comme en témoigne l’exemple de la Chine. La consommation de viande y a été multipliée par deux depuis 1985 et elle pourrait encore bondir de 50% d’ici à 2020, selon JP Morgan. Augmenter le rendement des terres cultivées est donc un enjeu essentiel pour les agriculteurs, surtout que les stocks de matières premières agricoles sont déjà à des niveaux bas, donc menaçants.
Or les engrais sont indispensables pour augmenter les rendements : 1 $ investi en engrais rapporte 3 $ à l’agriculteur. Preuve, également, que cet "ingrédient" est indispensable : il fait l’objet de politiques protectionnistes. Ainsi, il y a presque un an, le bureau de Shanghai du Washington Post révéla que la Chine avait adopté une série de mesures, après la flambée des matières agricoles et l’apparition de la sécurité alimentaire comme enjeu de premier plan pour les Etats. "L’une des mesures les plus extrêmes à avoir été prises fut celle d’imposer de nouvelles taxes d’exportation, afin d’empêcher les denrées essentielles telles que les engrais et les grains de quitter le pays."
Concentration en vue chez les producteurs
Parmi les éléments de base des engrais se trouvent les phosphates ou encore la potasse. Des composants extraits de mines. Or les barrières à l’entrée de cette activité sont élevées. Il faut 10 ans pour exploiter une nouvelle mine. Ne s’improvise pas mineur qui veut. Résultat : les grands acteurs du secteur se lancent certes dans des projets de nouvelles mines, mais aussi, et surtout, dans la course aux rachats.
Chacun lorgne son voisin, surtout que les besoins devraient exploser en 2010, selon Bill Doyle, un des dirigeants de PotashCorp, le premier producteur mondial de potasse. Les agriculteurs qui n’ont pas utilisé d’engrais cette année ont épuisé leurs terres et vont avoir besoin de beaucoup de fertilisants pour améliorer leurs prochaines récoltes.
PotashCorp dit ne pas vouloir se lancer dans de grandes acquisitions cette année, mais suggère la possibilité de renforcer les positions qu’il détient déjà dans plusieurs autres fabricants d’engrais : Arab Potash Company (Jordanie), Israel Chemicals Ltd, Sociedad Química y Minera de Chile (Chili), Sinofert Holdings Ltd (Chine).
L’Australien BHP Billiton scrute également les entreprises et cherche à racheter un producteur d’engrais. En ce moment, son intérêt se porterait sur Mosaïc, société également convoitée par le Brésilien Vale. Agrium, qui affiche une belle performance en Bourse, s’est lancé dans une offre hostile de rachat de CF Industries Holdings.
Bien qu’il ne soit pas toujours facile pour les investisseurs de débrouiller les fils tissés entre proies et prédateurs, il n’en demeure pas moins que le moment est idéal pour se positionner sur ce secteur qui a été pénalisé par la crise.
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