** Nous voilà en Irlande où nous marchons… nous flânons et nous cogitons… et les idées s’entrechoquent.
* Notre sujet de méditation, c’est le "contrarianisme" — dont Simone Wapler nous parle d’ailleurs ci-dessous. Nous savons que cela fonctionne dans le monde de l’investissement. "Achetez lorsque le sang coule dans les rues", disait Nathan Rothschild.
* Mais si ça fonctionne pour l’investissement, pourquoi pas dans le reste de la vie ? "Vous êtes soit contrarien… soit victime", déclare notre vieil ami Rick Rule. Ceux qui suivent les foules sont victime des marchés financiers.
* Nous avons regardé un peu la télévision durant notre séjour en Irlande. Un groupe d’Anglais a attiré notre attention. Ils bondissaient comme des enfants… hurlant et applaudissant. De quoi se réjouissaient-ils ? Leur équipe venait de gagner. Ils avaient gagné. Ils étaient des gagnants. Ils faisaient une tête de plus que le reste de l’humanité. Ils étaient plus fiers. L’allégresse régnait à Lambdaville.
* Ces gens n’avaient rien des gagnants. Ils avaient l’air de perdants. Ils n’étaient pas en forme… mal habillés, en t-shirts et en jeans… avec des expressions stupides sur le visage. Et pourtant, comme par un miracle tenant de la transsubstantiation, ils étaient transformés en valeureux vainqueurs… Qu’avaient-ils fait ? Rien. De quel mérite ou compétence avaient-ils fait preuve ? Aucun. Et pourtant, ils se sentaient comme des vainqueurs simplement parce que leur équipe avait marqué plus de buts que ses opposants. Il s’agissait de supporters absolus… émotionnellement et intellectuellement. Dans le monde, on consacre bien plus d’énergie mentale à deviner la prochaine décision des arbitres durant les matches qu’à écouter les concertos de Brandebourg ou à lire Guerre et Paix.
** "Tu sais", nous a dit Elizabeth, "tu risques de t’isoler à tel point que tu ne pourras plus participer à ces choses… et en profiter. En réfléchissant de cette manière, on risque de s’éloigner de tout le monde à tel point qu’on ressemble à un homme ayant le nez collé à une vitre… comme le monstre de Frankenstein… observant la race humaine. Ce sera très solitaire"…
* "On pourrait aussi penser à Rhett Butler, dans ‘Autant en emporte le vent’. En voilà, un vrai contrarien. Il savait que la Guerre de Sécession était une cause perdue. Il a conseillé à ses camarades sudistes de ne pas partir en guerre. Puis, au lieu de les rejoindre, il a profité de la guerre… Il forçait les blocus, tu te souviens ? Mais même lui n’a pas pu rester longtemps en dehors. Près de la fin, alors que la Grande Cause était quasi-perdue, il a rejoint l’armée confédérée. Il n’en avait pas besoin. Il savait que c’était sans espoir. Mais il l’a fait".
* "C’est très bien d’être contrarien… mais nous sommes aussi humains. Et les humains fonctionnent à l’instinct… et nombre de ces instincts sont nobles et bons. Il vaudrait mieux ne pas prendre trop de distance par rapport à ces instincts… ou tu cesseras d’être humain tout court".
* Un philosophe grec — nous ne nous souvenons plus lequel — a affirmé que la plus grande malédiction pour un homme était d’être marié à une femme intelligente. Elle rira de ses prétentions et trouvera la faille dans ses arguments. Non, ce dont un homme a besoin, c’est d’une femme bonne, disait ce philosophe — une femme qui fasse des biscuits et regarde son mari avec adoration, comme un cocker.
* Mais les Grecs se sont trompés sur pas mal de choses. Une femme intelligente, c’est la meilleure protection qu’un homme puisse trouver contre sa propre logique absurde et sa propre vanité ridicule. Elle soulignera qu’il est idiot… et il verra qu’elle a raison.
* Le contrarianisme, en tant que philosophie, ne nous amène pas plus loin — et au passage, nous ne sommes pas exactement contrariens… ceux qui subissent la Chronique Agora depuis longtemps se rappelleront que nous sommes des essentialistes. Distillez la transaction jusqu’à atteindre son essence, disons-nous. Ensuite, trouvez les règles qui la dirigent. Nous vous en dirons plus quand nous aurons une minute à nous…