A travers toute l’Europe, les agriculteurs expriment leur mécontentement… à juste titre.
Dans de nombreux pays européens, les agriculteurs protestent et ils ont raison de le faire.
Qu’il s’agisse des agriculteurs néerlandais qui protestent contre la réduction prévue du nombre d’éleveurs, des agriculteurs allemands qui s’opposent à la hausse prévue des taxes sur le diesel ou des agriculteurs français qui déplorent les marges globales sur leurs produits, les agriculteurs de toute l’Europe se sont soulevés contre l’excès de réglementation.
Je sais que de nombreux opposants aimeraient prétendre que les agriculteurs sont en fait motivés par l’assistanat, mais je pense que c’est une vision très partiale de la question. Oui, la plupart des agriculteurs reçoivent des paiements directs dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), et oui, la PAC représente une grande partie du budget de l’UE.
Mais ce qui est souvent ignoré dans ce débat, c’est que les agriculteurs sont aussi considérablement gênés par les réglementations existantes qui les obligent à ne pas cultiver certaines parties de leurs terres. Qu’il s’agisse de la politique de gel des terres menée par Bruxelles pour maintenir les prix du marché à un niveau élevé, ou des règles de l’UE visant à maintenir les terres agricoles en jachère pour contribuer à la régénération des sols, les bureaucrates semblent souvent croire qu’ils connaissent mieux la profession agricole que les agriculteurs eux-mêmes.
En outre, la « négociation » du gouvernement français avec les chaînes de distribution pour éviter l’inflation des denrées alimentaires a essentiellement fait peser le fardeau sur les agriculteurs. Maintenant que les agriculteurs sont mécontents, le gouvernement français veut à nouveau résoudre le problème à l’aide de subventions. Il s’agit d’une boucle sans fin, qui n’est pas propice à l’élaboration d’une bonne politique.
Les agriculteurs ne veulent pas être dépendants des aides, mais le système réglementaire les rend dépendants de ces aides. Je dirais également que la PAC doit disparaître, mais pour qu’elle puisse disparaître, une grande partie du système réglementaire doit partir avec elle.
Prenons l’exemple de la stratégie « Farm to Fork« , une politique qui, heureusement, est relativement morte sur le plan législatif. Cette stratégie vise à rendre le système alimentaire plus durable d’un point de vue environnemental, mais elle aboutirait en fait à l’inverse, en augmentant les émissions de dioxyde de carbone avec les aliments biologiques (qui nécessitent plus d’énergie pour obtenir le même résultat) et en augmentant les prix de l’énergie pour les consommateurs. Récemment, la Commission européenne a également retiré la principale directive du programme, qui concernait l’utilisation durable des pesticides et aurait permis de réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici à 2030.
La réaction politique aux manifestations des agriculteurs a été très révélatrice : ils tentent de détourner l’attention.
« Ne nous laissons pas devenir plus semblables aux Etats-Unis. » Tel est le message du ministre allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, concernant les manifestations d’agriculteurs qui secouent le pays depuis des semaines. Les agriculteurs se sont exprimés et organisés contre les hausses de taxes prévues sur les véhicules agricoles et le carburant diesel, dans un contexte de crise du coût de la vie qui pèse déjà sur le quotidien des Allemands.
« Il s’agit d’un clivage dangereux qui peut mener à des conditions similaires à celles des Etats-Unis, a déclaré M. Özdemir à la presse allemande. Les gens ne se parlent plus, ne se croient plus et s’accusent mutuellement de tous les maux du monde. L’objectif doit être de ‘garder le pays uni au centre’. »
Il est commode pour un membre du cabinet allemand de détourner l’attention des problèmes liés aux politiques de son propre gouvernement en pointant du doigt la polarisation politique américaine. En réalité, les deux questions n’ont rien en commun et les agriculteurs allemands ont raison d’être mécontents.
Sous la pression politique des manifestations, Berlin a fini par céder, par renoncer à l’augmentation des taxes sur les tracteurs et a promis de supprimer progressivement les avantages fiscaux sur le diesel sur une période plus longue. Toutefois, les agriculteurs ont promis de continuer à protester, car les suppressions progressives finiront par coïncider avec les mauvaises années de récolte et la faillite s’ensuivra pour de nombreux agriculteurs vivant au bord du gouffre financier. Cette situation a mis à rude épreuve une coalition gouvernementale déjà fastidieuse. En tout, 80% des Allemands qui n’ont aucun lien avec le secteur agricole expriment leur soutien aux protestations des agriculteurs.
D’une certaine manière, le ministre Özdemir a raison. L’environnement politique en Allemagne est fortement polarisé. Mais contrairement au croquemitaine américain auquel il fait allusion, la polarisation se fait entre sa coalition gouvernementale et tous les autres. La même chose se produit actuellement en France, en Pologne et en Roumanie, où les agriculteurs protestent contre les effets de la réglementation européenne et la diminution des marges sur leurs produits.
Pendant plus de dix ans, les gouvernements allemands et européens successifs ont poursuivi un programme vert dévastateur qui a entraîné une hausse des prix des carburants, de l’électricité et du gaz. L’Allemagne s’est rendue dépendante du gaz russe, puis a mis progressivement hors service des centrales nucléaires parfaitement opérationnelles, avant de décider que tous les contribuables devaient payer encore plus pour avoir le privilège d’avoir des coûts énergétiques parmi les plus élevés du continent. Par conséquent, les sociaux-démocrates et les écologistes sont devenus impopulaires et risquent d’être battus dans les urnes.
Les dirigeants européens peuvent aborder ce problème de deux manières. Soit ils reconnaissent que le secteur agricole est surréglementé et lui ouvrent la voie vers la fin de la dépendance aux subventions, soit ils comprennent que la sécurité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre nécessitent l’utilisation de l’énergie nucléaire et constituent la base d’une nation industrielle prospère, soit (en bonus) ils font passer tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux pour des extrémistes d’extrême-droite.
Quelle voie choisiront-ils ?
1 commentaire
Réponse à la question,
La voie choisie sera celle qui sera la plus mauvaise pour les citoyens, et la plus bénéfique pour les élites et /ou membres des organismes gouvernementaux et / ou européens.