Par Simone Wapler (*)
Une remontée inopinée du dollar
L’or réagit comme anti-dollar. Le cataclysme boursier a conduit beaucoup d’acteurs à vendre (soit parce que leurs ordres de vente automatiques étaient touchés, soit parce qu’ils anticipaient une aggravation).
Le marché action américain est le plus gros du monde. Tous les gérants ont des blue chips en portefeuille. Le déclenchement des ordres s’est traduit par des liquidités en dollars. Tous ceux qui sont hors zone dollar, dans une monnaie incertaine, recherchent un abri dans des situations de krach.
Le dollar a beaucoup de défauts, mais il lui reste deux qualités : il est liquide, puisque c’est la monnaie la plus abondante au monde et il présente peu de risque aux yeux de ceux qui cherchent refuge.
Les liquidités en mal d’abri se sont donc naturellement tournées vers le billet vert et son marché monétaire à court terme. C’est ce qui a induit cette remontée du dollar que nous constatons.
Par ailleurs, malgré la récession qui s’annonce, beaucoup pensent que l’économie américaine sera celle qui rebondira le plus vite. Enfin, dernier coup du sort pour l’or, le prix du pétrole mollit.
L’or pris entre inflation et déflation
Beaucoup estiment que la récession à venir va détruire les poussées d’inflation auxquelles nous assistions avant le krach financier. Un motif supplémentaire pour se détourner de l’or, en concluent-ils.
Le monde ne peut continuer correctement à évaluer ses échanges de biens et services avec du papier au mieux imprimé hâtivement et au pire basé sur de la dette. Je pense donc que nous allons vivre une situation inédite et assister à une conjonction de déflation et d’inflation.
Du côté de la déflation, les marchés n’ont pas encore atteint leur point bas. Notre vision reste la même : la bulle de 2000 n’a pas été correctement crevée. Une autre bulle s’est formée à coup de crédit presque gratuit : le taux de la Fed américaine est tombé à 1% en 2003. La fausse remontée des marchés actions n’a pas résisté au resserrement du crédit de la Fed au dessus de 4% en 2007. Ceci a déclenché la crise dite des subprimes.
Aujourd’hui, la valeur des actifs papiers de la sphère financière se monte à 300 000 milliards de dollars, soit six fois plus que l’économie réelle, comme l’indique l’économiste Jacques Gravereau. Les actifs papier et l’immobilier devraient donc continuer à perdre de la valeur. Ce sera la déflation.
Parallèlement, les milliers de milliards des plans de renflouage du système financier vont laisser des traces. Cette inflation monétaire se paiera un jour. Les pays producteurs de matières premières n’entendent pas échanger leurs biens tangibles contre de la monnaie de singe. A terme, et malgré la récession, il faut s’attendre à une augmentation du prix des matières premières.
Difficile de prédire la chronologie entre inflation et déflation. Aujourd’hui, le taux directeur de la Fed est revenu à son niveau de 2004, niveau qui avait amorcé le rebond des marchés actions. Le rebond des marchés actions peut tenir quelques mois et retarder la déflation.
(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières, Simone Wapler est passionnée par les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine.