Les matières premières ont été "massacrées par la baisse la plus agressive de l’histoire de leur marché", indique l’analyste Lawrence Eagle de JP Morgan.
L’indice CRB a touché un plus bas de cinq ans. Vous avez certainement remarqué que le prix du pétrole a été divisé par trois (mais, hélas, pas celui du carburant). Le cuivre a baissé de 60% depuis son plus haut de juillet. Le platine et le palladium ont perdu 66% de leur valeur depuis mars. J’arrête ici ma litanie baissière. Les matières premières vont aussi mal que les marchés financiers. Phénomène rarissime dans l’histoire, leurs cours se retrouvent corrélés à celui des vulgaires actifs papiers. Rarissime donc, mais durable ?
Les sombres cumulus de la morosité économique
Les analyses macroéconomiques ne sont guère réconfortantes. La Chine ralentit plus que prévu : sa croissance 2009 sera finalement en-dessous de 8%, son plus mauvais score depuis 1990. Or la Chine est le plus gros consommateur de minerais de fer, d’aluminium, de zinc et de cuivre. Rien que pour ce dernier métal, sa demande a baissé de 14% sur 12 mois. Le plan de relance ne compensera que partiellement la baisse d’appétit.
L’industrie automobile est dans une ornière profonde. Les Big Three (General Motors, Ford et Chrysler) mendient un kit de survie auprès du Congrès américain. Les constructeurs européens voient également leurs ventes s’effondrer. C’est autant de demande de métaux en moins.
Nul ne se hasarde plus à prédire une date de reprise économique. Certains professionnels des métaux espèrent voir leur horizon s’éclaircir en 2010. Nos deux indicateurs avancés sont en berne. Les stocks de cuivre à Londres sont en forte hausse et sont revenus au niveau de début 2004. C’est le signe que l’activité industrielle à moyen terme ne va pas décoller. L’indice de fret maritime BDI (vrac sec et transport de métaux, de minerais et de charbon) s’est effondré, passant de 11 800 à 700. C’est un plus bas depuis 21 ans, 1987 très exactement. Cet indice est un signe de future activité industrielle. Son horizon de temps est plus éloigné que celui du cuivre, les transports en vrac se situant très en amont du cycle industriel.
Les soubresauts nerveux de la spéculation
Pour assombrir le tableau, il n’y a pas que les fondamentaux. Les fonds de couverture et les fonds de retraite ont fui les matières premières. Beaucoup y ont laissé des plumes et ne sont pas près d’y revenir. "Au moment du sommet de la spéculation pétrolière, les options et les contrats à terme avaient vu leur nombre se multiplier par cinq en quatre ans, dépassant de façon totalement irrationnelle la véritable demande physique", notent nos confrères anglais.
Les spéculateurs survivants ont maintenant empilé les paris baissiers, les contrats de vente à découvert, amplifiant comme d’habitude la tendance sous-jacente.
A moyen terme, les matières premières seront un marché baissier et chaotique. Faut-il pour autant le déserter ? Non bien sûr. Car la situation actuelle porte les germes du futur déséquilibre de demain. Le retour de balancier sera très violent.
Les germes du boom de demain
L’Indonésien PT Inco réduirait de 20% sa production… Norsk Hydro envisage de fermer une usine norvégienne… Nyrstar réduit encore sa production…
Voici un échantillon de trois annonces publiées le 3 décembre. Une journée très ordinaire. Des annonces de fermeture de mines, ou de mise en veilleuse, il y en a plusieurs par jour.
Et pendant ce temps, "le prix des déchets a tellement reculé que la collecte est en train de s’effondrer", commente La Tribune des Métaux.
Il ne faut pas oublier que la croissance mondiale restera positive en 2009, grâce aux pays émergents. Lorsque l’offre se sera asséchée en raison de prix insoutenables pour les producteurs qui auront jeté l’éponge, tous les ferments de la nouvelle hausse lèveront. Le prix des matières premières repartira alors violemment à la hausse. Probablement avant les marchés actions.
Meilleures salutations,
Simone Wapler
Pour la Chronique Agora
(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises ou dans différents rapports d’investissements.
Elle est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.