** "Vous n’avez encore rien vu !"
* En fait, nous en avons déjà tant vu qu’il est difficile de croire qu’il y en a encore. Mais ça ne fait aucun doute, ce n’est pas fini… et nous avons le sentiment que ça vaudra la peine d’attendre.
* Cette semaine, par exemple, General Motors (GM) a déposé le bilan. L’entreprise ne peut plus payer ses factures. GM était autrefois la société la plus solide au monde. Mais elle existe depuis près de 100 ans. Ma foi, tout finit par s’user… même une Chevrolet 1955.
* "Obama nationalise GM", titrait triomphalement La Tribune.
* Triomphalement ?
* Eh oui : selon les journaux, Obama a peut-être les clés de GM… mais le vieux tacot est sur les jantes. Selon les Français, c’est tout le modèle économique américain qui est bon pour la casse. Nous y reviendrons dans quelques lignes.
** Pour l’instant, nous constatons que les investisseurs pensent que le pire est passé.
* Tout grimpe. Le cuivre est en hausse de 65% à ce jour sur l’année. Le pétrole a pris 53%. Le soja a grimpé de 22%. Les places boursières ont pris environ 30% un peu partout dans le monde. Et l’or est à +12%. En telle compagnie, le métal jaune est à la traîne !
* Le cuivre a autant grimpé, selon les journaux, parce que la Chine achète tout ce qu’elle peut. Qu’est-ce qu’elle en fait, nous n’en savons rien. Peut-être le stocke-t-elle à ce qu’elle pense être des prix bas.
* Ou peut-être qu’elle se couvre. La Chine possède le plus grand tas de bons du Trésor américain au monde — pour 768 milliards de dollars. Cela fait 768 milliards de raisons de s’inquiéter. Parce que chaque T-Bond est libellé en dollars… et alors que tout le reste grimpe, les dollars chutent.
* Les T-Bonds sont en baisse aussi : -5% pour l’année. Il ne serait pas surprenant de voir les Chinois accumuler du pétrole, de l’or, du cuivre et toutes les autres couvertures contre l’inflation qu’ils peuvent obtenir. Leurs obligations libellées en dollars peuvent baisser… mais leurs matières premières et leur or grimperaient. Dans l’ensemble, ils s’en tireraient.
* Cette semaine, M. Tim Geithner — l’homme de main des grandes banques à Washington — est en Chine pour essayer de rassurer les Chinois : les Etats-Unis prennent au sérieux leurs obligations financières. Voilà une autre chose que nous pensions ne jamais voir. Les Etats-Unis ont peut-être l’économie la plus forte du monde… mais si les communistes cessent de la financer, elle se retrouve à la rue.
* Geithner est donc en Chine, le chapeau à la main, comme un grand débiteur appelé dans le bureau du directeur de la banque. Bien entendu, Geithner n’a pas le choix. Il doit y aller… et dire ce qu’il doit dire. Il utilisera les bons termes. Il fera preuve du sérieux qui s’impose… il sourira quand c’est indiqué… et prendra un air grave quand c’est nécessaire.
* Le problème, c’est qu’il ne peut pas faire grand chose pour aider les Chinois. Ils veulent qu’il protège le dollar et le marché obligataire. C’est une chose qu’il ne peut pas faire.
* "Il serait utile que M. Geithner puisse nous montrer un peu d’arithmétique", a déclaré Yu Yongding, ancien conseiller auprès de la Banque centrale chinoise.
* Oui, nous aussi nous aimerions voir ces calculs. Comment cumuler un déficit de 1 750 milliards de dollars… le rembourser en argent bidon imprimé par la Fed… tout en sortant gagnant sur la valeur du dollar ? Nous ne connaissons aucune formule arithmétique aidant la cause des Chinois. Pour l’instant, les chiffres… et la logique de la situation… nous disent que les autorités cherchent à créer de l’inflation. Au lieu de tenter de garder les prix sous contrôle… ils essaient de les faire grimper. Voilà encore une chose que nous ne nous attendions pas à voir !
* Le gouvernement américain s’inquiète moins de protéger ses prêteurs étrangers que de remettre l’économie américaine sur les rails de l’argent facile. De l’argent bon marché, c’est ce que les gens veulent. Et c’est ce que les autorités essaient de leur donner.
* Aujourd’hui — décidément, on en voit de toutes les couleurs ! — les Etats-Unis fourguent leur argent bidon dans le monde entier. Les Chinois, pendant ce temps, sont les champions de l’intégrité financière. Attendez qu’ils abandonnent leurs obligations américaines… et là, on verra vraiment quelque chose qu’on n’a encore jamais vu !
** Les Français pensent qu’ils avaient raison sur tout. L’Irak, par exemple. Les Français ont des liens profonds avec le monde arabe. Ils savaient qu’en Irak, de véritables sables mouvants attendaient les Etats-Unis — comme l’Algérie l’avait été pour eux. On met un pied dedans… on ne sait pas quand on en ressort.
* Mais le Congrès et l’administration américains n’ont pas seulement ignoré les Français (comme ils l’avaient fait lorsque Charles de Gaulle leur avait déconseillé d’intervenir au Vietnam au début des années 60 — c’était "un pays pourri", disait-il) ; ils ont accusé la France de lâcheté et ont vidé des bouteilles d’excellent Bordeaux dans les égouts.
* Et vous vous souvenez de ce que les économistes anglo-saxons disaient de l’économie française ? Elle était "sclérosée"… c’était "un musée"… d’abord elle était paralysée par les syndicats, puis les politiciens socialistes lui avaient infligé des choses positivement polissonnes.
* Mais tout le monde a son heure de gloire… et les Français profitent actuellement d’un délicieux moment de schadenfreude.
* Les grenouilles sont restées hors d’Irak… ont évité une bulle immobilière… et contourné une crise du crédit.
* A présent, le "modèle français" de gestion économique fait l’envie du monde entier. C’est du moins ce qu’on pourrait penser en lisant The Economist. Un récent numéro montrait Sarkozy en couverture… l’air confiant et content de lui. En revanche, le Britannique Gordon Brown et Angela Merkel l’Allemande ont l’air d’avoir besoin d’un verre.
* Et qu’est-ce que le "modèle français" ? C’est un système dans lequel l’Etat se mêle de toute l’économie. La santé, l’éducation et le transport public sont tous des entreprises gouvernementales. Et les amis des politiciens, plutôt que des entrepreneurs, gèrent les secteurs clé.
* Ca semble fonctionner plutôt bien. Le système de santé marche à peu près — tout en mobilisant un plus petit pourcentage du PIB qu’aux Etats-Unis. Les trains sont à l’heure (sauf quand il y a grève). Les écoles primaires, les collèges et les lycées sont probablement meilleurs qu’aux Etats-Unis. Les universités sont probablement pires. Bon nombre de grandes entreprises françaises privées sont leaders mondiaux — Air Liquide, Danone, LVMH, pour en nommer quelques-uns.
* Jusqu’à présent, en plus, la France souffre moins de l’effondrement financier mondial que ses rivaux. La dernière fois que nous étions à Paris, les restaurants semblaient aussi pleins que d’habitude ; il était toujours aussi difficile de trouver un taxi, et l’immobilier parisien semble avoir à peine baissé — du moins officiellement.
* "Je n’en suis pas sûr", disait l’un de nos collègues parisiens. "Je cherche un appartement depuis un an. Il y a un an, il n’y avait quasiment rien de disponible dans mes prix. Maintenant, je vois beaucoup de choses. Je suis allé visiter un appartement la semaine dernière. Il est indiqué à 340 000 euros — environ ce qu’il valait il y a un an. Mais l’agent m’a dit que le vendeur accepterait probablement 275 000 euros. S’il me dit ça d’entrée de jeu, je pense qu’il partira peut-être à 250 000 euros".